Un moment rare, très rare…
Dimanche 26 janvier 2025, 16h, durée 1h10, Opéra Grand Avignon
Musique Baroque en Avignon (site officiel). En co-réalisation avec l’Opéra Grand Avignon (site officiel). En co-réalisation avec Musique sacrée/ Orgue en Avignon (site officiel)
Ensemble Les Accents. Thibault Noally violon & direction. Solistes : Bruno de Sà, sopraniste ; Paul Figuier, contre-ténor
Vivaldi, Stabat mater ; soliste, Paul Figuier.
Vivaldi, Concerto pour violon et orchestre, en mi mineur, RV 275 ; soliste : Thibault Noally.
Vivaldi, In furore justissimae ; soliste, Bruno de Sà.
Pergolesi, Stabat Mater ; solistes, Bruno de Sá & Paul Figuier
Voir aussi toute la saison 2024-2025 de Musique Baroque en Avignon
et tous nos articles de janvier 2025
Voir aussi les entretiens de Musique Baroque en Avignon avec Bruno de Sà, Paul Figuier, et Thibault Noally
NOTRE CRITIQUE
« C’est sans doute le meilleur concert que j’aie entendu de la saison – ou, au choix, dans cette salle, ou de ce compositeur… » La grâce du spectacle vivant tisse souvent quantité de petits nuages… Mais la grâce d’un spectacle vraiment réussi est de survivre à une nuit-qui-porte-conseil…
C’est le cas de ce 4e concert de saison de Musique Baroque en Avignon, dont le souvenir ému et les commentaires unanimes ont justement survécu à la-nuit-qui-porte-conseil ! En programmation conjointe avec Musique Sacrée/ Orgue en Avignon et l’Opéra Grand Avignon lieu d’accueil, qui a fait pratiquement salle pleine – presque 800 places -, ce concert autour de deux « tubes » du baroque en ce dernier dimanche de janvier a véritablement trouvé son public, et conforté la réputation d’excellence des programmateurs.
Autre indice de la qualité du programme offert : la qualité du silence dans la salle. Un silence d’autant plus exceptionnel ce dimanche que quelques spectateurs étaient bien jeunes…
Deux Stabat mater, un concerto, et un motet, signés Vivaldi et Pergolèse : le programme était attractif, tant pour les mélomanes que pour les curieux.
A l’affiche, le Stabat Mater de Pergolese, unique objet de la seconde partie, opportunément mis en regard de celui de Vivaldi en ouverture, et séparé de celui-ci par un magnifique Concerto et un troublant Motet.
Le Stabat Mater de Vivaldi (photo 1) a ouvert le concert, avec la voix solo du contre-ténor Paul Figuier dont nous avions salué la maestria ici même en novembre 2022 dans le rôle-titre du Rinaldo de Haendel. Privilège toujours redoutable que la chauffe de voix ! Paul Figuier offre toute l’intensité retenue d’une œuvre sobre et bouleversante, avec un timbre velouté et miroitant, déclinant la couleur plutôt que la virtuosité.
Avec l’arrivée du sopraniste Bruno de Sà (photo 2), personnalité généreuse, frêle silhouette déroulant autour des épaules une longue mousseline colorée, c’est le saisissement. Même pour les quelques heureux qui le connaissent depuis plusieurs années, c’est toujours le même coup au cœur dès les premières notes. Cette voix capable d’attraper les aigus les plus insolents, de moduler des médiums presque sensuels, de libérer une musicalité aérienne avec un naturel qui impressionne toujours, cette voix comme irréelle se déploie au-dessus de la salle dans des envolées angéliques qui rappellent Philippe Jaroussky à ses débuts tout en restant totalement inclassable.
La partie instrumentale est assurée par l’ensemble Les Accents, dirigé du violon par son chef-fondateur Thibault Noailly. De la dentelle ! Précision, finesse, musicalité, en tutti ou en solistes vs continuo, ou en deux demi-ensembles – deux violons et alto, vs viole, luth et contrebasse, autour du clavecin central, peut-être moins audible -. La virtuosité du premier violon (Thibault Noailly), la délicate profondeur du second violon (Mario Konaka), la généreuse chaleur de l’alto (Lika Laloum), les couleurs du violoncelle (Elisa Joglar), le jeu délié du théorbe (Leo Brunet), le sombre relief de la contrebasse (Christian Staube), le miroitement du clavecin et la vibration de l’orgue positif (Mathieu Dupouy), cisèlent des harmoniques exquis, dans le Concerto médian (photo 3) comme en interlocuteur des chanteurs.
Le Stabat Mater de Pergolèse (photo 4) est fort attendu. Il sera réussi au-delà des espérances, et le public ressortira ébloui. Alternant parties instrumentales et parties de chacun des solistes, il tisse de bout en bout un moment rare, d’une sensibilité frémissante, au-delà de la réelle virtuosité d’exécution. Les deux voix se répondent, se complètent, dans une complémentarité artistique construite par de nombreuses collaborations antérieures, et l’interprétation, tant instrumentale que vocale, est magistrale.
Le public ne ménage pas ses applaudissements pour ce concert très particulier, et les artistes offrent en bis les 12e et 13e numéros de Pergolèse, « Quando corpus morietur » suivi de l’«Amen, amen » somptueusement conclusif.
Après Il Centro di Musica antica Ghislieri le 20 octobre 2024 (La Giuditta de Cambridge, de Scarlatti), puis Léopold Gilloots-Laforge contre-ténor et Paul Montag piano le 24 novembre (Handel vs Farinelli), et Salomé Gasselin viole de gambe le 15 décembre, Musique Baroque en Avignon poursuivra sa saison éclectique avec des artistes de renom, dont plusieurs Victoires de la musique et des solistes prestigieux : le brillant claveciniste Skip Sempé le 16 mars (répertoire de virtuosité en Angleterre), puis Lauranne Oliva soprano et Levi Gerke piano le 26 avril (Mozart), enfin l’Orchestre National Avignon-Provence et Lucienne Renaudin-Vary trompette solo sous la direction de Debora Waldman le 20 juin (Mozart, Neruda, Haydn, Bach, Vivaldi).
G.ad. Photos G.ad.
BIOGRAPHIES
Bruno de Sà, sopraniste
Le brillant et jeune sopraniste Bruno de Sá étonne professionnels, critiques et public et voit déjà les louanges de son nom, de sa voix extraordinaire et de sa rare musicalité, chantées par une élogieuse revue de presse.
Il fait en 2015 ses grands débuts dans le rôle de Sesto de La Clemenza di Tito de Mozart au Teatro São Pedro à São Paolo : « … un triomphe… à l’aube d’une carrière internationale … » [concerto.com.br]. Au cours de la saison 2016/2017, il revient au Teatro São Pedro dans le rôle de Gherardino (Gianni Schicchi), Harry (Albert Herring), Cherubino (Le Nozze di Figaro) et la Première Dame (Die Zauberflöte). Dans le cadre du 20ème Festival Amazonas de Ópera, il chante le Berger dans Tannhäuser et la partie soliste dans Triunfo da Voz, un concert en hommage au grand castrat Farinelli : « Bruno de Sá met le public en délire… » [L’Opera].
En 2019, Bruno de Sá fait ses débuts en Europe, impressionnant le plus grand nombre avec son interprétation d’Aci dans Polifemo de Bononcini sous la direction musicale de Dorothee Oberlinger (Musikfestspiele Potsdam Sanssouci et l’Opéra des Margraves à Bayreuth. Au cours de la saison suivante, Bruno rejoindra le studio du Théâtre de Bâle où il interprétera Die Kleine Meerjungfrau dans Andersens Erzählungen de Jherek Bischoff sous la direction de Thomas Wise (première mondiale) et Barbarina dans Le Nozze di Figaro sous la direction de Christian Curnyn. Il a également chanté Sesto dans Giulio Cesare de Haendel dans la mise en scène de Peter Konwitschny (Oper Halle), ainsi que Isacio dans Irene de Hasse avec l’Orchestre baroque d’Helsinki (Musiikkitalo Helsinki et Theater an der Wien).
Au début de la saison 2020/21, il retourne à Bayreuth avec le rôle de Berardo dans Carlo il Calvo de Porpora mis en scène par Max Emanuel Cenčic (Bayreuth Baroque Opera Festival). Plus tard, il incarne Abel dans Il Primo Omicidio de Scarlatti dirigé par Philippe Jaroussky (Opéra national de Montpellier et Whitsun Festival de Salzbourg), ainsi que Volusio dans Cajo Fabricio de Hasse avec {oh!} Orkiestra (Gliwice et Vienne). Il chante également Nerone dans Agrippina de Haendel mis en scène par Staffan Waldemar Holm et dirigé par Francesco Corti (Drottningholm).
Parmi ses engagements récents, on peut citer les débuts de Bruno au Festival de musique ancienne d’Innsbruck avec le rôle d’Aminta dans L’Olimpiade de Vivaldi sous la direction d’Alessandro de Marcchi, ses débuts comme Orfeo dans Orfeo ed Euridice de Gluck sous la direction de Michael Hoffstetter (Gluckfestspiele), le pasticcio baroque Sehnsucht dans la mise en scène d’Andreas Rosar et sous la direction de Philip Armbruster (Opéra de Dortmund), Aminta dans Aminta e Fillide de Haendel sous la direction de George Petrou (Händel-Festspiele Göttingen), le pasticcio Siface avec la Capella Cracoviensis sous la direction de Jan Tomasz Adamus (Opera Rara Festival Krakow), le Stabat mater de Pergolesi sous la direction de Reinhard Goebel (Festival de Verbier), Cleofide dans Alessandro nell’Indie de Vinci dans une mise en scène de Max Emanuel Cenčic et sous la direction de Martyna Pastuszka (Bayreuth Baroque), et Stefano dans Roméo et Juliette de Gounod dans une mise en scène d’Eric Ruf et sous la direction de Pierre Dumoussaud (Opéra de Rouen Normandie).
Bruno donne également divers programmes solos à travers l’Europe développant des collaborations fructueuses avec des ensembles de renom tels que Il Pomo d’Oro dirigé par Francesco Corti, Les Accents sous la direction de Thibault Noally, ou encore Dorothée Oberlinger et son Ensemble 1700.
Le jeune sopraniste aura inauguré la saison 2023/24 avec le programme solo École napolitaine, qu’il présentera au Bayreuth Baroque Opera Festival avec Nuovo Barocco sous la direction de Dimitris Karakantas. Suivront des concerts à l’international, au Teatro Colón à Buenos Aires (Argentine), au Festival Beirut Chants (Liban), au Theatro São Pedro de Sao Paolo (Brésil), au Concourse à Sydney (Australie), et un concert avec l’Orchestre National de Bursa (Turkey). Il se produira également en Europe, notamment en Allemagne à la Philharmonie d’Essen (Ruben Dubrowsky), à l’Opéra Royal de Versailles, à l’Opéra de Rouen Normandie, au Théâtre des Champs-Elysées à Paris et aussi au Staatsoper de Vienne pour un gala aux côtés des grands noms du Baroque dont Cecilia Bartoli et Max Emanuel Cenčic. De plus, Bruno sera de retour au Gluckfestspiel pour chanter le rôle de Sesto dans La Clemenza di Tito de Gluck (Opéra Margravial de Bayreuth, Théâtre Ekhof Gotha). Il chantera également Cléopâtre dans Marc’Antonio e Cleopatra de Hasse avec {oh!} Orkiestra dirigé par Martyna Pastuszka (Katowice, Dortmund), ainsi que Farnaspe dans Adriano in Siria de Graun sous la direction de Dorothee Oberlinger, une production qui sera présentée à le Schloßtheater Sanssouci à Potsdam.
Bruno de Sá se distinguait récemment aux OPER! Awards 2020 et les Trophées ForumOpéra 2022, primé dans la catégorie « Révélation de l’année ». Artiste exclusif Erato / Warner Classics, son premier album solo Roma Travestita est sorti en septembre 2022, recevant les éloges de la presse et du public.
Paul Figuier, contre-ténor
Dans le monde des contre-ténors pourtant riche en talents, Paul Figuier s’affirme davantage chaque saison comme un nom à suivre : à la longueur de la voix unie et à des ressources dynamiques qui impressionnent, s’ajoute une ligne de chant au raffinement indiscutable.
Paul Figuier a eu la chance, tout au long de ses études, de participer à des projets passionnants aux côtés d’artistes de première force. Encore membre du Centre de Musique Baroque de Versailles (Olivier Schneebeli), il chante sous la direction de chefs tels que Christophe Rousset, Hervé Niquet ou encore Jérémie Rhorer.
Son diplôme obtenu, il intègre la classe d’Isabelle Poulenard au Conservatoire à rayonnement régional de Paris et profite de l’enseignement de professeurs tels que Stéphane Fuget et Jean Tubéry. Il y incarne Bertarido dans Rodelinda de Haendel en 2014 et Pisandro dans Il ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi en 2015.
En 2016, il est admis au Conservatoire national supérieur de musique de Paris dans les classes d’Alain Buet puis d’Yves Sotin : il se produit sous la baguette de Masaaki Suzuki, Laurence Equilbey, Paul Agnew, Alain Altinoglu et de nouveau Christophe Rousset. Il y chante en 2018 Tolomeo dans Giulio Cesare de Haendel dirigé par Philip Von Steinaecker et Arete dans Giove in Argo de Lotti avec Leonardo García Alarcón. En 2019, il enregistre les solis d’alto du Cantique des trois enfants dans la fournaise de Philippe Hersant avec le CMBV et la Maîtrise de Radio France. Parallèlement, au cours de nombreuses masterclass, il reçoit les conseils avisés de Karine Deshayes, Barbara Hannigan ou Magreet Honig.
Toutes ces expériences constituent un capital précieux qu’il exploite ensuite dans les nombreux concerts donnés avec les ensembles les plus en vue : Correspondances, Le Caravansérail, Amarillis, La Capella Mediterranea ou l’Atelier lyrique de Tourcoing (les Stabat Mater de Scarlatti et Pergolèse au Théâtre des Champs-Élysées aux côtés de Maïlys de Villoutreys en avril 2019), sans oublier la musique de Bach avec Raphaël Pichon et Pygmalion.
En avril 2019, il fait ses véritables débuts sur la scène lyrique avec Erismena de Cavalli donné par la Capella Mediterranea de Leonardo García Alarcón dans une mise en scène de Jean Bellorini, puis à l’Opéra de Lausanne où il chante Oreste dans La Belle Hélène, sous la direction de Pierre Dumoussaud et mis en scène par Michel Fau. Il retrouve Lausanne au printemps 2021 pour le rôle du Mago Cristiano dans Rinaldo sous la direction d’Andrea Marcon et dans une mise en scène de Robert Carsen. Notons qu’en 2022 il fait ses débuts à l’Opéra Grand Avignon dans la même œuvre, mais cette fois dans le rôle-titre, avec un vif succès, sous la direction de Bertrand Cuiller et dans une mise en scène de Claire Dancoisne.
À l’été 2021, il chante le rôle-titre de San Giovanni Baptista de Stradella avec Le Banquet Céleste de Damien Guillon. Sous la direction de Philippe Jaroussky et à l’Opéra national de Montpellier, il incarne successivement Nireno dans Giulio Cesare de Haendel (2022, mise en scène de Damiano Micheletti) puis Achille dans Orfeo de Sartorio (2023, mise en scène de Benjamin Lazar).Autre port d’attache notable, le Festival de Beaune l’invite à chanter la Passion selon Saint-Jean avec Les Surprises dirigés par Louis-Noël Bestion de Camboulas (2022) puis Orfeo de Monteverdi avec Les Épopées de Stéphane Fuget.
Soucieux de vivre diverses expériences scéniques, il assume les parties chantées de La Nuit des Rois de Shakespeare mis en scène par Thomas Ostermeier à la Comédie Française.
Durant la saison 2023/2024, l’opéra occupe une place de choix. Mentionnons tout particulièrement L’incoronazione di Poppea de Monteverdi qu’il retrouve à deux reprises dans la mise en scène de Ted Huffmann, d’abord, à l’Opéra de Rennes sous la direction de Damien Guillon dans les rôles d’Arnalta et Nutrice, puis à l’Opéra de Toulon avec Leonardo García Alarcón comme chef, cette fois dans le rôle d’Ottone (voir nos comptes rendus, signés I.F. & M.S.).
Ensemble Les Accents
Les Accents, fondés par le violoniste Thibault Noally au Festival de Beaune en juillet 2014, s’attachent à défendre les répertoires vocaux et instrumentaux des XVIIè et XVIIIè siècles, en particulier le répertoire sacré italien, clef de voûte de leur projet artistique. L’ensemble se distingue rapidement par son travail approfondi sur l’oratorio italien, à travers des partitions oubliées de Caldara, Porpora (la recréation de Il Trionfo della Divina Giustizia a fait sensation), Scarlatti, Bononcini ou Stradella.
Les cantates et les opéras s’inscrivent également dans le répertoire de prédilection des Accents. Pour l’opéra, l’ensemble explore des œuvres méconnues de l’opera seria, en premier lieu les partitions de Vivaldi (Tamerlano), Alessandro Scarlatti (Mitridate Eupatore), Caldara ou Porpora. Il ne néglige toutefois pas Haendel, dont ils ont interprété l’opéra Rodrigo au Festival de Beaune. Tout récemment, ils ont triomphalement ressuscité l’oratorio Santa Teodosia de Scarlatti au Festival de La Chaise-Dieu (enregistrement pour Aparté), avec lequel s’est noué un solide partenariat autour d’Alessandro Scarlatti donnant lieu à la recréation de San Filipo Neri en 2021, puis en 2022 Sedecia, Re di Gerusalemme et La Giuditta.
Le répertoire violonistique baroque constitue le cœur du projet de l’ensemble sous son visage purement instrumental, de l’école vénitienne (Venezia 1700) à l’école germanique (Buxtehude, Pachelbel, la dynastie Bach) et le répertoire français (Leclair, Mondonville).
Depuis sa création, l’ensemble a brillé dans les plus grands lieux musicaux internationaux. À l’occasion du Festival de Paris 2017, il a donné le Stabat Mater et le Nisi Dominus de Vivaldi avec le contre-ténor Tim Mead à la Sainte-Chapelle, concert filmé par Mezzo. La même année, il est l’ensemble sur instruments anciens des Victoires de la Musique Classique (France 3 et France Musique), accompagnant Philippe Jaroussky, Sonya Yoncheva et Lea Desandre. De fait, les qualités de l’ensemble lui valent des collaborations avec de grandes voix : Lea Desandre à Auvers-sur-Oise, Vivica Genaux pour un récital à la Salle Gaveau à Paris et au Festival de Vilnius.
Parmi les moments forts des saisons passées, citons le Stabat Mater de Pergelosi avec Véronique Gens et Marie-Nicole Lemieux (Théâtre des Champs-Élysées, Arsenal de Metz, Théâtre impérial de Compiègne), Rodrigo de Haendel avec Vivica Genaux, Emőke Baráth, Julia Lezhneva ou Emiliano Gonzalez Toro (Theater an der Wien). La production scénique d’Il Trionfo del Tempo de Haendel à l’Opéra national de Montpellier a enthousiasmé l’ensemble de la presse. Une version de concert a été donnée à la Salle Tchaïkovski de Moscou et à la Philharmonie de Paris.
Les projets à venir voient l’ensemble de nouveau entourer des étoiles vocales : concert avec Julia Lezhneva et Carlo Vistoli au Théâtre des Champs-Elysées, Rinaldo de Haendel avec une superbe distribution dans une vaste tournée européenne.
Pour le label Aparté, Les Accents ont enregistré deux CD salués par la critique et le public : outre Santa Teodosia, mentionnons Venezia 1700 paru en 2016, Oratorio avec la mezzo-soprano Blandine Staskiewicz en 2018, et Bach and co en 2019.
En juin 2020 paraît Il Martirio di Santa Teodosia de Scarlatti (Diapason d’Or, OperaNews Critic’s Choice, Coup de Coeur de Forumopera).
Le disque Concerts en sextuor de Rameau paraît en avril 2022.
Thibault Noally, violon et direction
Diplômé de la Royal Academy of Music de Londres, où il suit l’enseignement de Lydia Mordkovitch, Thibault Noally a collaboré avec de nombreux ensembles comme le Concerto Köln, l’Ensemble Matheus, Café Zimmermann, Les Nouveaux Caractères ou encore Pulcinella. Il est maintenant violon solo de l’orchestre Les Musiciens du Prince sous la direction de Cecilia Bartoli, et a été pendant plus de 15 ans le violon solo des Musiciens du Louvre. Il est également membre du Quintette Syntonia dont les disques essentiellement consacrés au répertoire du quintette avec piano ont été salués par la critique.
Il se produit régulièrement avec des chanteurs de renom comme Ann Sofie von Otter, Philippe Jaroussky, Vivica Genaux, Julia Lezhneva et apparaît comme soliste sur les scènes et les festivals les plus prestigieux : Philharmonie de Paris, Théâtre des Champs-Élysées, Opéra-Comique et Salle Gaveau, Chapelle Royale de Versailles, Arsenal de Metz, Théâtre Impérial de Compiègne, Auditorio Nacional de Madrid, Tokyo City Opera, Staatsopern de Vienne et Berlin, Concert Hall de Shanghai, Hong Kong Center of Arts, Concertgebouw d’Amsterdam, sans oublier les grands festivals : Vilnius, KlangVokal Dortmund, Mozart Woche de Salzburg où il effectue un cycle de concerts sur les instruments originaux de Mozart. Les Accents ont parcouru toute la France festivalière, avec les Festivals d’Aix-en-Provence, Froville, Saint-Michel, Sully-sur-Loire, Auvers sur Oise. Au Festival de Paris, il donne un concert Vivaldi à la Sainte-Chapelle avec le contre-ténor Tim Mead, concert capté par la chaîne Mezzo.
En 2014, il crée Les Accents, ensemble dédié aux répertoires vocaux et instrumentaux des XVIIè et XVIIIè siècles. En résidence au Festival de Beaune jusqu’en 2018, l’ensemble s’attache aux recréations et redécouvertes : oratorio Il Trionfo della Divina Giustizia de Porpora en première mondiale (2015), nouvelle reconstitution du Tamerlano de Vivaldi (2016), Mitridate Eupatore d’Alessandro Scarlatti (2017) et le très rare Rodrigo de Haendel (2018) également donné au Theater an der Wien en décembre 2019.
En 2017, Thibault Noally et les Accents entament une collaboration avec le Festival de La Chaise-Dieu autour d’un cycle d’oratorios de Scarlatti qui s’ouvre en août 2019 avec Il Martirio di Santa Teodosia (disque Aparté), puis San Filippo Neri en 2021, en attendant Sedecia, Re di Gerusalemme et La Giuditta en 2022.
À l’Opéra national de Montpellier, en 2020, Thibault Noally dirige une nouvelle production du Trionfo del Tempo de Haendel ainsi que Le Bourgeois Gentilhomme de Molière/Lully dans la production de Jérôme Deschamps qu’il reprend en octobre 2020 à l’Opéra-Comique.
On le voit diriger Les Accents aux côtés d’étoiles vocales : concert avec Julia Lezhneva et Carlo Vistoli au Théâtre des Champs-Elysées, Rinaldo de Haendel avec une superbe distribution (Emőke Baráth, Carlo Vistoli, Chiara Skerath, Andrea Mastroni…) dans une vaste tournée européenne. Il dirige aussi l’Orchestre national d’Auvergne dans le Stabat Mater de Pergolesi avec le sopraniste Bruno de Sà et le contre-ténor Carlo Vistoli (Opéra de Clermont-Ferrand, Opéra de Vichy, Théâtre des Champs-Elysées).
Il dirigera également l’Orchestre national d’Auvergne, et on pourra l’entendre au Théâtre des Champs Elysées, à l’Opéra-Comique, à l’Auditorium du Louvre, à la Salle Cortot, à l’Opéra de Monte-Carlo et en tournée européenne aux cotés de Cecilia Bartoli.
Thibault Noally et les Accents enregistrent pour le label Aparté des disques salués par la critique : A violino solo (5 Diapasons), Venezia 1700 (CHOC de Classica), Bach and co, Oratorio avec Blandine Staskiewicz (Classica 5 étoiles), Il Martirio di Santa Teodosia de Scarlatti (Diapason d’Or, 5 Étoiles de ForumOpera). Le disque Concerts en sextuor de Rameau paraît en avril 2022.
ANALYSE DES OEUVRES
Réunissant deux chefs-d’oeuvre du baroque musical, ce programme nous dévoile les spécificités du répertoire sacré de la première moitié du XVIIIe siècle. S’ils participent à
l’édification des fidèles, les genres du motet, de la cantate sacrée ou de l’oratorio font usage d’éléments expressifs et formels habituellement dévolus au domaine profane. Cette dualité, Vivaldi et Pergolèse la revendiquent dans leur Stabat Mater en multipliant les clairs obscurs sonores, l’emploi des dissonances et les procédés d’imitation du texte par la musique pour exprimer tour à tour la douleur et la consolation.
Antonio Vivaldi (1678-1741), Stabat Mater, pour voix d’alto, cordes et basse continue RV 621
Avec le Magnificat et le Gloria RV 589, le Stabat Mater est l’une des pièces les plus jouées de Vivaldi. Achevé en 1712 lors d’un séjour à Brescia, il s’intercale entre la publication de son recueil L’Estro Armonico et un nouvel élan dans sa carrière, matérialisé par une production abondante d’opéras.
La peinture musicale de la Vierge au pied de la Croix a constitué une puissante source d’inspiration depuis la Renaissance, comme en témoigne la centaine de réalisations
recensées entre 1700 et 1899. Après les essais précurseurs de Josquin des Prés, Roland de Lassus et Palestrina, l’Italie s’affirme peu à peu comme le creuset de cette thématique : entre Vivaldi et Pergolèse, Domenico Scarlatti (1715), son père Alessandro (1724) et Antonio Caldara (1725) livrent des contributions représentatives du baroque.
Au cours du XVIIIe siècle, l’écriture polyphonique rigoureuse cède la place à une alternance de choeurs, d’airs et de duos qui scelle la rencontre du sacré et du profane.
Vingt ans avant la réalisation magistrale de Pergolèse, la version vivaldienne du Stabat Mater se caractérise par sa concision – neuf numéros n’excédant pas 20 minutes – et
par une unité structurelle ménagée par la redite musicale (IV, V, VI) des trois premières sections.
I – Largo : la mélodie principale est traitée en imitation aux parties de violon, alternant grands intervalles et glissements descendants sur un tapis continu de croches au continuo. La symbiose entre prosodie et musique est frappante ; l’alternance des figures rythmiques, les séquences de marches harmoniques et un jeu délicat de chromatismes
concourent à exprimer la douleur.
II – Adagissimo : contemplative, traitée en valeurs longues, cette section se distingue par l’éclaircie en majeur sur le mot « contristatam » (qui traduit musicalement le tableau
de « l’âme gémissante et triste »).
III – Andante : le traitement en imitation est suivi de vocalises en rythmes pointées sur « Nati poenas inclyti (« les souffrances de son célèbre Fils »).
Les numéros IV à VI reprennent la musique des trois premiers. Dans le Largo (VII), de puissantes scansions verticales résonnent lors de l’invocation à la Vierge. À un Lento
(VIII) de rythme ternaire succède l’amen conclusif (IX). L’oeuvre se termine en majeur avec la fameuse pièce picarde, offrant un contraste harmonique saisissant.
Compositeur polyvalent et prolifique, Vivaldi s’est principalement tourné vers le répertoire instrumental et la musique vocale profane. Bien que moins nombreuses, ses
oeuvres sacrées n’en cultivent pas moins une pluralité de genres.
Vivaldi, Concerto pour violon et cordes en mi mineur RV275
Vivace – Adagio – Allegro
Composé vers 1717, le Concerto RV 275 unit dans le premier mouvement le soliste à l’effectif instrumental, conversant avec lui par des traits lumineux. Dans l’Adagio, le
violon expose une mélodie éthérée, soutenue par les discrets accords des cordes. La virtuosité revient au premier plan dans le finale, de facture typiquement vivaldienne.
Vivaldi, Motet « In furore justissimae irae » pour soprano, cordes et continuo RV 626
Ecrit lors d’un séjour à Rome en 1723, ce motet brille par son écriture virtuose et sa profusion d’images allusives et démonstratives. Courroux et affliction cèdent la place à
l’espoir et à la jubilation. L’oeuvre se compose de deux sections d’air séparées par un récitatif (la supplication) que conclut un Alléluia volubile.
Giovanni Battista Pergolèse (1710-1736), Stabat Mater en fa mineur pour soprano, alto, cordes et basse continue
En 1736, le jeune Pergolèse – de santé fragile, il souffre des poumons – séjourne au monastère de Pouzzoles, en Campanie. Bénéficiant du soutien de ses protecteurs, il
termine un Stabat Mater, sa dernière pièce, qui deviendra aussi dès sa mort la plus populaire, avec l’opéra-bouffe La serva padrona. Il s’agit d’une oeuvre plurielle qui réunit
les attributs du motet, de la cantate et du duo de chambre. Pergolèse emploie le même effectif qu’Alessandro Scarlatti : 2 voix solistes, cordes et continuo. Son Stabat Mater comprend 12 numéros, divisés en deux entités : la première, narrative, plonge l’auditeur dans l’affliction ; la seconde, qui prend la forme d’une invocation à la Vierge, voit la douleur s’effacer devant l’espoir et le réconfort.
Dans le n°1 (Stabat Mater dolorosa), les sonorités traînantes, les intervalles diminués, tuilages et les contrastes de dynamique composent un univers doloriste. Confié à la
soprano, le n° 2 (Cujus animam gementem) arbore un profil plus théâtral. Dans le n° 3 (O quam tristis), le duo vocal s’exprime dans une atmosphère recueillie. Suit un air d’alto bondissant et clair en majeur. Dans le n° 5 (Quis est homo), au ton interrogatif, le duo se jette dans une séquence théâtrale d’où émerge la vision des coups de fouet infligés au Christ. Une sinfonia en mineur introduit l’air de soprano (Vidit suum dulcem natum). C’est ici que sont rendus les derniers souffles du Christ, traduits par une grande économie de moyens et l’usage dramaturgique des silences. Dans le n° 8 (Fac ut ardeat cor meum), un duo à l’intensité dramatique met en valeur les images fortes du texte (« Fais qu’en mon coeur brûle un grand feu »). La sinfonia et l’entrelacs des voix qui portent le n° 9 (Sancta Mater, istud agas) établissent une atmosphère sereine. La
dixième section (Fac ut portem Christi mortem) se fait théâtrale : rythmes pointés, contrastes de dynamique, traits de cordes déchirants. Recueilli, le mouvement final
(n° 12 : Quando corpus morietur) recourt à des effets d’écho et confine à l’immatérialité.
La deuxième partie est un Amen réconfortant.
Analyse des oeuvres, Pascal Huynh
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