A l’Opéra de Toulon, nouveau succès pour L’Incoronazione di Poppea mise en scène par Ted Huffman
Mercredi 10 avril 2024, théâtre le Liberté, à Toulon. Dans le cadre de la saison de l’Opéra de Toulon hors-les-murs
L’Incoronazione di Poppea, opéra de Claudio Monteverdi
Direction musicale, Leonardo García Alarcón. Mise en scène, Ted Huffman. Réalisation de la mise en scène, Maud Morillon. Décors, Anna Wörl. Costumes, Astrid Klein. Lumières, Bertrand Couderc. Réalisation des lumières, Laurent Irsuti. Collaboration aux mouvements et maître d’armes, Victor Duclos. Collaboration artistique, Lise Labro. Dramaturgie, Antonio Cuenca Ruiz
Jasmin Delfs (Poppée) ; Nicolò Balducci (Neron) ; Victoire Bunel (Ottavie / La Vertu) ; Paul Figuier (Othon) ; Ossian Huskinson (Sénèque) ; John Heuzenroeder (Arnalta / La nourrice / Damigella / 1er domestique) ; Laurène Paternò (La Fortune / Drusilla) ; Juliette Mey (L’Amour / Le valet) ; Luca Bernard (Lucain / 1er soldat / 2e domestique) ; Sahy Ratia (Liberto / 2e soldat) ; Yannis François (Un licteur / 2e domestique)
Orchestre Cappella Mediterranea
Voir aussi le compte rendu d’un autre de nos chroniqueurs
toute la saison 2023-2024 de l’Opéra de Toulon
et tous nos articles du mois d’avril 2024
Nous avions beaucoup apprécié la création du spectacle, au festival d’Aix-en-Provence en juillet 2022… C’était à vrai dire le plus gros succès remporté alors par la manifestation ! Et pourtant, la réalisation visuelle de Ted Huffman restait confinée dans une grande économie de moyens scéniques, en regard d’autres très grosses productions du festival aixois.
Le spectacle fait à présent escale, pour trois représentations, à l’Opéra de Toulon, plus précisément au Théâtre Le Liberté, pendant que se déroulent les travaux de rénovation du bâtiment historique de l’Opéra. A l’exception d’un chanteur, la distribution vocale est totalement remaniée par rapport aux représentations aixoises, l’ensemble entendu à Toulon faisant preuve d’une remarquable cohérence d’ensemble, chacune et chacun montrant également de belles qualités individuelles. Il en va ainsi du couple vedette Poppea-Nerone, défendu par Jasmin Delfs à la voix suffisamment puissante et agréablement ronde, et le contre-ténor très aigu Nicolò Balducci, aux aigus stratosphériques à la limite du sopraniste. La sensualité du premier duo est toujours présente, elle en sous-vêtements et lui torse nu, le couple s’embrassant avec une amoureuse générosité.
En Ottavia, la mezzo-soprano Victoire Bunel est véhémente et projette sa colère de femme trompée. Autre contre-ténor, Paul Figuier développe en Ottone une ligne musicale précise, tandis que la Drusilla de Laurène Paternò fait entendre une soprano frémissante, au très léger vibratello. La mezzo Juliette Mey en Amour, puis en valet, n’usurpe pas son récent titre de « Révélation Artiste lyrique » aux dernières Victoires de la Musique classique, voix projetée avec ampleur et très expressive. Assurant ce soir un remplacement, le ténor John Heuzenroeder en Arnalta, Nourrice, etc, tient ses rôles avec caractère et humour, mais sans l’impact du titulaire aixois il y a deux ans. La basse Ossian Huskinson en Seneca dispose en revanche d’un impressionnant creux dans le grave, tandis que Luca Bernard, Sahy Ratia et Yannis François complètent avantageusement la distribution, ce dernier étant l’unique rescapé des représentations au Théâtre du Jeu de Paume à Aix.
Le jeu théâtral, réglé ce soir par Maud Morillon, est toujours aussi fluide et vivant, ce qui amène une folle modernité à ce très ancien opéra composé par Monteverdi à Venise (1642-1643 ?) il y a bientôt quatre siècles ! Quand ils n’interviennent pas sur scène, les solistes sont assis sur un banc en fond de plateau, ou bien sur des chaises sur les côtés, mobilier seulement augmenté de quelques tables. Cela tandis que l’énigmatique tube noir et blanc suspendu aux cintres continue de monter, descendre et tournoyer à une vitesse très ralentie.
Autre maître d’œuvre principal de l’entreprise, le chef Leonardo García Alarcón est présent à Toulon, dirigeant douze musiciens de la Cappella Mediterranea. Malgré ce nombre réduit d’instrumentistes, le son est plein et sonne plutôt richement dans une acoustique de salle assez favorable. Une musique dirigée avec une visible passion, jusqu’au sublime duo final entre Poppea et Nerone.
I.F.© Frédéric Stéphan
Laisser un commentaire