Une ouverture de saison de haute volée pour Musique Baroque en Avignon : la Giuditta de Scarlatti, dans sa version inédite de Cambridge
Dimanche 20 octobre 2024, 16h, durée 1h30, Opéra Grand Avignon
Dans le cadre de la saison 2024-2025 de Musique Baroque en Avignon (site officiel), et de la 8e Semaine italienne d’Avignon.
En partenariat avec le Consulat général d’Italie à Marseille et de Petit-Palais Diffusion. Co-réalisation artistique de MBA et de l’Opéra Grand Avignon
Centro di musica antica Ghisleri. Direction artistique, Giulio Prandi
Giuditta, Sonia Tedla Chebreab, soprano. Nitrice, Filippo Mineccia, contre-ténor. Oloferne, Raffaele Giordani, ténor
Orchestre Ghislieri. Giulio Prandi, direction musicale
Alessandro Scarlatti, La Giuditta di Cambridge, oratorio
Et conférence de Giulio Prandi sur la Giuditta le mercredi 16 octobre à 18h30 à la Salle des Préludes de l’Opéra. Entrée libre
Voir aussi tous nos articles d’octobre 2024
Les conditions n’étaient sans doute pas particulièrement favorables : un premier week-end de vacances scolaires, et le lendemain d’un concert de l’immense ténor mexicain Ramon Vargas, invité en 2019 par les Chorégies d’Orange, et qui se produisait samedi sur la même scène avec l’Orchestre National Avignon-Provence (notre compte rendu sous peu). Et pourtant le public a su se laisser tenter par l’excellence.
C’était en effet une magnifique ouverture pour la 25e saison de Musique Baroque en Avignon, qui s’inscrivait en même temps parmi les grands événements de la 8e Semaine italienne d’Avignon.
Les musiciens de l’Orchestre Ghislieri sur instruments anciens, l’un des plus renommés de la péninsule, était dirigé par le talentueux Giulio Prandi son fondateur, qui avait déjà dirigé le concert de la veille. De Pavie, l’ensemble rayonne depuis 20 ans en Europe, invité régulier des grands festivals – comme Ambronay, Vézelay, La Chaise-Dieu en France -, et s’étant signalé aussi par des enregistrements de référence, dont la Petite messe solennelle de Rossini avec Sandrine Piau.
Trois solistes, eux aussi spécialistes de l’univers baroque, ont incarné les trois rôles de cette histoire tragique : la soprano Sonia Tedla-Chebreab pour le rôle-titre, le ténor Raffaele Giordani – lauréat de concours prestigieux et membre de La Compagnia del Madrigale – en Holopherne, ainsi que le contre-ténor Filippo Mineccia – né à Florence, formé à Fiesole, connu dans tous les grands rôles baroques, et souvent entendu à Versailles par exemple – pour le Nourrice.
C’était la 1e fois à Avignon et seulement la 2e fois en France, que l’on pouvait entendre l’oratorio d’Alessandro Scarlatti, La Giuditta, dite « de Cambridge ». En effet, si une première version de Giuditta avait été composée par Scarlatti sur un livret de Pietro Ottoboni en 1693, et conservée à Naples, le compositeur en a écrit une nouvelle version en 1697 sur un livret d’Antonio Ottoboni, père du précédent ; une version conservée à Cambridge, à la fois plus intime, et plus recherchée dans l’écriture, plus mûre, plus innovante.
Le récit biblique, daté du IIe siècle avant JC, raconte comment la jeune juive Judith, quatre siècles plus tôt, a repoussé l’invasion babylonienne en décapitant le chef Holopherne. Dommage que la conférence donnée sur le sujet le mercredi 16 octobre à 18h30 à la Salle des Préludes de l’Opéra, en entrée libre, par le chef Giulio Prandi n’ait pas eu le succès escompté.
Prochain concert de Musique Baroque en Avignon : 24 novembre 2024.
C.P.
Giulio Prandi, chef et musicien passionné, conduit les auditeurs vers la sublime intériorité de La Giuditta
L’ouverture de la nouvelle saison de MBA était attendue avec une curiosité d’autant plus aiguë qu’elle était consacrée à l’audition, pour la première fois à Avignon… et en France – après qu’une audition partielle en a été donnée à Nice voilà une vingtaine d’années – de cette Giuditta, dite de Cambridge, écrite en 1697 par Alessandro Scarlatti, le père !
Une œuvre très intimiste, loin de tout effet spectaculaire, magnifiquement servie par la direction de Giulio Prandi, remarquable chef d’orchestre, attentif aux voix comme aux instruments, et musicien passionné et passionnant – l’un ne va pas toujours avec l’autre ! -, lecteur «extrême » de la partition, n’hésitant pas à aller jusqu’au son le plus imperceptible, sachant néanmoins ne pas aller au-delà : la cantate confiée à la Nourrice – 3e personnage, aux côtés de Judith et Holopherne -, sublime berceuse, moment le plus envoûtant, en est un vivant exemple.
D’autant plus que cette Nourrice était chantée par un remarquable contre-ténor, Filippo Mineccia, dont on a apprécié la personnalité vocale et dramatique – exceptionnel ! -.
À ses côtés, le ténor Raffael Giordani fait valoir une voix saine, solide, bien projetée, et la soprano Sonia Tedla-Chebreab, rôle-titre (celui de Judith), long et exigeant, dans lequel l’intéressée nous est apparue quelque peu en retrait, la voix manquant souvent de projection, même si elle témoignait d’une musicalité et d’un style fort appréciables.
Et que dire des musiciens, dévoués à cette musique, avec une mention toute particulière pour le violoncelle du continuo – quel musicien ! – et le violon solo.
Une soirée rare pour une œuvre rare, remarquablement accueillie par le public, dans une qualité d’écoute à souligner !
MdlV
Laisser un commentaire