Ni trop ni trop peu, un Offenbach de poche réjouissant
Dimanche 11 août 2024, place de l’église, Lauris (84)
Festival Durance Luberon (site officiel)
Héloïse Mas, mezzo-soprano. Valentin Thill, ténor. Vladik Polionov, piano
Offenbach : extraits de La Périchole, Barbe-Bleue, Les contes d’Hoffmann, La belle Hélène
La mezzo Héloïse Mas (36 ans) et le ténor Valentin Thill (30 ans) sont deux formidables chanteurs français en pleine possession de leurs moyens à ce stade de leurs carrières déjà très riches. On peut rappeler par exemple qu’Héloïse Mas était la dernière Carmen de l’Opéra de Marseille – Classiqueenprovence l’avait également entendue dans Le Voyage dans la lune en mars 2023 à Marseille -, et que Valentin Thill s’est produit, entre autres, sur les scènes des Opéras de Lyon et de Toulon la saison dernière – nous-mêmes l’avions entendu dans La Chauve-souris en décembre 2023 et la saison précédente, en novembre 2021 dans Si j”étais roi – . C’est donc une chance de pouvoir les écouter dans le cadre intimiste d’un récital en extérieur à Lauris, l’un des lieux enchanteurs retenus par le Festival Durance Luberon.
C’est Offenbach qui est au programme ce soir, dont on sait, malgré l’illusion de facilité apparente, la difficulté du chant, ainsi que du dosage d’humour à insuffler pour en faire ni trop, ni trop peu. Et les deux artistes font un sans-faute, à la fois sur le plan vocal et du jeu théâtral, nous faisant sourire de très bon cœur. Ils sont bien aidés en cela par le pianiste Vladik Polionov, véritable factotum artistique du Festival, qui accompagne au mieux les chanteurs de son piano, mais présente aussi les extraits choisis au public et règle par ailleurs une petite mise en espace, animée avec naturel par les deux interprètes. Le jeu des entrées et sorties, ainsi que l’animation sur le plateau, sont en effet d’une agréable fluidité et drôles.
Et puis il faut dire qu’Offenbach se suffit le plus souvent à lui-même, sans besoin d’en rajouter, comme au cours du duo de la Périchole (Complainte de l’espagnol et la jeune indienne) et son refrain « On sait aimer, quand on est Espagnol, gno, gno, gno, … gnol ! ». Puis dans son air « Ah ! Quel dîner je viens de faire », Héloïse Mas nous montre une femme certes sous l’emprise de l’alcool, mais qui ne sacrifie en rien à la clarté du texte et qui puise dans un registre grave de toute beauté. Valentin Thill soigne aussi la prononciation, qualité essentielle dans ce répertoire où il est important de ne pas perdre une miette des mots. Doté d’un registre médium très confortable, le ténor est également capable d’alterner puissance et mezza voce pour certains passages.
Après un intermède au piano (Suite de valses arrangées par Isaac Strauss, extraites du rare Vert–Vert d’Offenbach), on reste dans le répertoire bouffe avec Barbe–Bleue, opéra que la mezzo connaît bien pour l’avoir interprété ces dernières années à Lyon et Marseille. Valentin Thill enfile une sur-combinaison blanche, gants en caoutchouc et lunettes pour simuler l’affreux assassin qu’est Barbe-Bleue… mais il reste inoffensif dans la version d’Offenbach ! Le duo est amusant et très bien chanté.
Le titre plus sérieux Les contes d’Hoffmann est l’occasion pour Valentin Thill de dérouler l’un des chevaux de bataille des ténors, soit l’air de La légende de Kleinzach qui est mené ce soir à un tempo plutôt rapide dans sa partie centrale habituellement lente. « Vois sous l’archet frémissant » est joué, une fois n’est pas coutume, au piano au lieu du violon solo, belle voix en pleine santé projetée puissamment par Héloïse Mas. Retour enfin à l’Offenbach comique et sa Belle Hélène, où l’on se régale de l’Invocation à Vénus de la mezzo (« On me nomme Hélène la blonde… »), puis du Jugement de Pâris du ténor (« Au mont Ida, trois déesses »).
Changement de registre pour le bis accordé, avec Saint-Saëns et le grand air de Dalila « Mon cœur s’ouvre à ta voix », conduit avec élégance et sentiment par Héloïse Mas, rejointe à la fin par Valentin Thill … c’est d’ailleurs lui qui a les derniers mots « Dalila ! Dalila ! Je t’aime ! ».
I.F. / F.J. texte & photo
Marie France Desmoulins dit
J y étais. Et bien cette critique est excellente et reflète la prestation de nos amis et l excellence de cette soirée.
Merci
Classique dit
Merci pour votre commentaire. Bon festival ! N’hésitez pas à nous écrire à nouveau…
Cordialement,
G.ad.