Haendel vs Farinelli : le choc de deux titans… tout en finesse !
Dimanche 24 novembre 2024, 17h, durée 1h20, Opéra Grand Avignon, Conservatoire à Rayonnement Régional du Grand Avignon, amphithéâtre Mozart (en lieu et place de la Salle des Préludes de l’Opéra Grand Avignon initialement prévue)
Musique Baroque en Avignon (site officiel, avec interviews).
Léopold Gilloots-Laforge, contre-ténor. Paul Montag, piano
Haendel vs Farinelli
Haendel, The Choice of Hercules, « Yet can I hear that dulcet lay »; Orlando, « Fammi combattere ». Porpora, Meride e Selinunte, « Torbido intorno ». Scarlatti, Sonate en mi majeur Kk. 380. Haendel, Alcina, « Verdi prati ». Porpora, Germinico in Germania, « Qual Turbine che scende »
Scarlatti, Sonate en ré mineur Kk. 141. Haendel, Partenope, « Sento amor ». Giacomelli, Adriano in Siria, « Amor, Dover, rispetto ». Scarlatti, Sonate en fa mineur Kk. 466. Haendel, Amadigi, « Pena tiranna ». Hasse, Orfeo, « Sempre a si vaghi rai »
Voir aussi la saison 2024-2025 de Musique Baroque en Avignon,
notre entretien avec Léopold Gilloots-Laforge,
et tous nos articles de novembre 2024
Ce concert était initialement prévu à Avignon en mars 2023.
Reconstituer à travers leur répertoire la rivalité qui opposa jusqu’à la ruine des deux parties les deux figures médiatiques avant l’heure que furent Haendel et Farinelli, ne pouvait que piquer la curiosité du plus large public. Et ce public ne fut pas déçu. Sans céder à l’anecdotique, les deux artistes ont tracé un parcours intelligemment conçu, alternant pièces vocales et morceaux instrumentistes, entre Haendel et Porpora-Farinelli – et quelques autres -. L’opposition entre les deux univers sautaient à l’oreille avec une évidence troublante. Haendel plus intimiste, sobre, tout en retenue, intériorité, délicatesse musicale et profondeur du sentiment ; à Porpora en revanche, la virtuosité, la dramatisation des effets, le grand jeu spectaculaire.
Mais il fallait le double talent de Leopold Gilloots-Laforge et Paul Montag pour éviter le choc caricatural de ces deux « poids lourds » du répertoire baroque, et pour ciseler tout en finesse un tel programme. Le contre-ténor a offert la chaleur d’un timbre qui s’est magistralement épanoui, arrondi, depuis ses premiers succès scéniques ; il a tenu les promesses que les jurys avaient placées en lui en toute confiance. Nous l’avions découvert lors du Concours d’Avignon Jeunes espoirs Raymond Duffaut en 2019. Nous l’avions réentendu ensuite dans un programme audacieux avec l’ensemble bucco-rhodanien de musique contemporaine Musicatreize. S’il nous avait alors marquée, c’est par ses promesses de jeune pépite récemment issue de la Maîtrise de Notre-Dame de Paris, et par cette générosité du cœur qui signe les vrais artistes.
Nous le retrouvons donc artiste confirmé. Sans brûler les étapes, il a su construire peu à peu son univers vocal et tracer son chemin. Une ligne de chant homogène, une technique affûtée qui sait se faire oublier, et une présence scénique plus affirmée, le désignent assurément comme un nom à suivre.
Le duo, qui se connaît bien, donne une part équilibrée à chacun deux artistes. Paul Montag impressionne par un doigté à la fois brillant et sensible, qui peut tout jouer avec un égal bonheur… Nous le connaissons évidemment par les Saisons de la voix de Gordes, et par un concert tout à fait exceptionnel à Sauveterre (30), antiphrastiquement non essentiel (!) en pleine pandémie… Ce pianiste aux multiples casquettes – par ailleurs motard, chroniqueur musical et photographe -, dont la carrière internationale n’a plus rien à prouver, garde le même enthousiasme juvénile.
Avec une telle soirée, on ne peut que porter au crédit de Musique Baroque encore un récital de grande qualité. Nous n’en attendons pas moins du récital solo de la gambiste Salomé Gasselin le 15 décembre 2024.
G.ad.
Biographie des artistes
Léopold Gilloots-Laforge, contre-ténor
Léopold Gilloots-Laforge est lauréat de plusieurs concours : le Concours d’Avignon Jeunes espoirs Raymond Duffaut (Prix de l’Avant-Scène Opéra de Neuchâtel, 2019 ainsi que le prix de la banque Chaix, 2016) ; le Concours international Jeunes Talents de Normandie (Lauréat de la catégorie « Excellence », 2019) ; le Concours international d’Art Lyrique de la ville de Marmande (Prix Jeune espoir, 2018) ; le concours international d’Art Lyrique de la ville de Bordeaux (Prix Jeune espoir, 2018) ; le concours international d’Art Lyrique d’Arles (Deuxième prix homme ainsi que prix du Centre Français de Promotion Lyrique, 2017).
Léopold a pu travailler avec des artistes de renom, tels les chefs Roland Hayrabedian, Joël Suhubiette, Catherine Simonpietri, Benoit Haller, François Bazola, Victor Jacob et Alexis Duffaure ; les metteurs en scène François de Carpentries, Karine Van Hercke, Catherine Dune et Didier Girauldon ; les compositeurs Denis Levaillant, Bruno Ducol et Caroline Marçot ; le claveciniste Stéphane Béchy et la pianofortiste Laure Colladant.
En 2019, il fait ses débuts à l’Opéra de Tours dans L’Enchanteresse de Didon et Énée d’Henry Purcell, dirigé par François Bazola, et à l’Opéra national de Montpellier-Occitanie en 2019, dans un récital consacré à. Mozart, dirigé par Victor Jacob. Il débute également à l’Opéra de Massy, à l’occasion de la création de plusieurs productions, dont Masculin / Féminin ; Mozart, ça vous chante ? et Offenbach, le bus opérette, créées par la metteure en scène Frédérique Lombart et dirigés par Franck Chastrusse-Colombier.
Léopold est formé depuis 2015 par la soprano Sophie Hervé. Il a achevé sa formation chorale en intégrant pendant deux ans la Maîtrise de Notre-Dame de Paris, dirigée durant cette période par Lionel Sow. Il a également pu participer aux masterclasses de Margreet Hönig, Anne Le Bozec, Semjon Skigin. Au sein de cette formation, il a l’occasion de chanter sous la direction de Gustavo Dudamel, Sir Roger Norrington et Patrick Fournillier.
Paul Montag, piano
« Envoûtantes, son énergie et sa délicatesse n’ont d’égales que sa maîtrise technique… La grâce de son doigté et le charme de sa musicalité ensorcèlent ». (Forum Opéra)
« S’il y avait un disque de piano d’Hindemith comparable, ce serait celui de Sviatoslav Richter… D’une hauteur et d’une poésie qu’on retrouve ici ». (Classica)
Personnalité atypique aux multiples facettes, le pianiste Paul Montag s’est produit depuis son enfance sur les plus grandes scènes à travers l’Europe, les États-Unis, le Canada, l’Asie et le Maghreb. Il est l ’un des rares pianistes contemporains à avoir eu le privilège de se produire à plusieurs reprises à Salzbourg sur le pianoforte original de Mozart.
Sa discographie unanimement reconnue par la presse spécialisée (Choc Classica, 5 Diapasons…) comprend : la musique de jeunesse pour piano de Paul Hindemith, la musique pour piano de Claude Debussy, On Tour avec Raphaël Sévère, l’intégrale des mélodies d’Albert Roussel, ainsi que les mélodies de Félicien David.
Professeur au Conservatoire de Paris et à l’École Normale de Musique de Paris, Paul Montag a été initié au piano dès l’âge de 4 ans. À 13 ans, il est admis au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris dans la classe de Jean-François Heisser, puis se perfectionne auprès de Christian Ivaldi à l’École Normale de Musique de Paris et reçoit notamment les conseils de Jean-Claude Pennetier et Paul Badura-Skoda.
Lauréat de la fondation Cziffra et du prix Charles Oulmont de la Fondation de France. Il se passionne aussi bien pour le répertoire de soliste que pour la musique de chambre et vocale, il a partagé la scène avec de nombreux partenaires parmi lesquels Pumeza Matshikiza, Rolando Villazon, Karine Deshayes, Henri Demarquette… et Raphaël Sévère avec qui il forme un duo depuis plusieurs années.
C’est toujours la passion qui anime ce motard, épicurien reconnu, lorsqu’il collabore comme chroniqueur pour différents médias dont le magazine Pianiste ou bien encore en qualité de photographe.
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