Au sein du CFPL, Raymond Duffaut fut le « co-inventeur » du Voyage dans la lune… entre autres
Parmi de multiples casquettes, Raymond Duffaut (photo du 16-03-2023) fut pendant 25 années le président du CFPL, le Centre Français de Promotion Lyrique ; il a eu le temps de promouvoir et d’accompagner divers projets innovants et ambitieux, qui ont été repris par le successeur du CFPL, Génération Opéra.
C’est au sein du CFPL qu’est né le projet du Voyage dans la lune d’Offenbach, une production qui termine sa tournée de création en France ce mois de mars 2023 à l’Opéra Grand Avignon, et qui mettra un point final le 2 avril 2023, à l’Avant-Scène de Neuchâtel en Suisse, avec les forces artistiques avignonnaises.
-Raymond Duffaut, avant d’évoquer le Voyage dans la lune, il serait utile de présenter l’écrin dans lequel il est né, le CFPL.
–Le CFPL a fêté ses 50 ans l’année de mon départ, en 2020. C’est Raymond Vogel qui l’avait créé ; il était directeur de l’Opéra de Strasbourg avant que celui-ci ne devienne l’Opéra National du Rhin. Le but était de réunir des directeurs de maisons d’opéras, avec les trois objectifs que j’ai cités hier à propos des Saisons de la Voix : détection, insertion, promotion. Découvrir des jeunes voix prometteuses, les aider à s’insérer dans le milieu professionnel, et les promouvoir dans des projets scéniques. Pour ma part j’y suis resté 25 ans, et, quand j’y suis arrivé, j’ai voulu le dynamiser pour aller au-delà des simples auditions et du concert sur Paris, qui étaient alors la règle. C’est ainsi qu’a été créé le concours Voix nouvelles que vous connaissez, dont c’est maintenant la 6e édition, reprise par Génération Opéra (site officiel). Avec les membres du bureau d’alors, nous avons eu aussi une autre idée, pour une insertion plus directe des jeunes dans le métier : nous avons monté des coproductions nationales, avec un maximum de maisons d’opéras, des titres qui n’étaient pas régulièrement joués dans ces maisons, et qui réunissaient le maximum de tessitures.
-C’est ainsi que vous avez monté de très belles productions.
–Nous avons commencé avec le Voyage à Reims de Rossini, avec pas moins de 17 maisons, et 13 premiers rôles importants, une production qui a en effet très bien marché (voir notre compte rendu d’alors dans Resmusica). Nous étions alors en partenariat avec la Fondation Orange, la Caisse des Dépôts et le Ministère de la Culture ; celui-ci nous a suggéré d’orienter ensuite les futures productions vers le XXe siècle, vers la création. Et c’est ainsi que nous avons monté Les Caprices de Marianne, de Sauguet, avec 16 ou 17 maisons ; c’est cette production qui a révélé des chanteurs comme Zuzana Markova, qui fait maintenant une très belle carrière internationale et que les Saisons de la Voix accueilleront le 18 juillet 2023 pour leur concert d’été ; elle a révélé également Cyril Dubois, ou Marc Scoffoni…
-Ces deux productions, que nous avions vues, avaient obtenu un succès fort mérité.
-Ensuite nous nous sommes tournés vers le jeune public, et nous avons monté Un Barbier, un début d’opéra participatif ; d’ailleurs à ce moment-là Frédéric Roels (actuel directeur de l’Opéra Grand Avignon, et alors directeur de l’Opéra de Rouen, adepte des spectacles participatifs, voir notre 1er entretien en pleine pandémie, NDLR), s’y est associé, ainsi que le Théâtre des Champs Elysées à Paris, ce qui faisait une douzaine de maisons. Ce Barbier a connu de très nombreuses représentations tous publics, ainsi qu’un nombre important de séances scolaires.
-C’était en effet un spectacle vivant, alerte…
–Nous avons ensuite relevé le défi du Ministère, en créant L’Ombre de Venceslao, de Copi ; nous avons commandé une partition à Martin Matalon, qui a d’ailleurs été nommé aux Victoires de la Musique pour cette œuvre, et la mise en scène à Lavelli, dépositaire de l’oeuvre de Copi (Nous avions à cette occasion interviewé le compositeur et le metteur en scène, plusieurs rencontres ayant été organisées autour de çe projet, notamment à Avignon, NDLR). Le projet avait fédéré environ 10 maisons. Nous l’avions créé, au-delà des reprises suivantes, à Rennes ; les Caprices et le Voyage à Reims étaient partis, eux, de Reims, avant de faire le tour de toutes les maisons d’opéras concernées.
–Puis ce fut Le Voyage dans la lune…
–Il manquait une opérette. Comme pour les dernières productions nous avons fait un choix conjoint, Le Voyage dans la lune (notre annonce), avec le nom d’Offenbach dont on sait qu’il est « grand public » ; c’était de loin l’un de ses titres les moins joués. Nous y avons travaillé 2 ans à partir de 2018, avec 15 ou 16 maisons d’opéra francophones, dans lesquelles on compte désormais l’Avant-Scène Opéra de Neuchâtel en Suisse. C’est Montpellier qui devait accueillir la première représentation, avant la grande tournée ; et, avec le bouleversement de la pandémie, c’est finalement Marseille qui a marqué le début du tour de France (c’est d’ailleurs là que nous l’avions vu, NDLR). Avignon marquera la fin du Tour de France ces 24 et 26 mars, et l’ultime représentation, la der des ders, sera donnée le 2 avril à Neuchâtel, d’ailleurs avec les forces artistiques et techniques de l’Opéra Grand Avignon.
-Comment est organisée la distribution ?
–Il y a deux distributions, en coproduction avec le Palazzetto Bru Zane, qui a permis d’ailleurs l’édition du livre-disque avec l’une de celles-ci, livre-disque qui sera sans doute vendu à Avignon. Il y a 3 ans, la pandémie a entraîné des reports d’autres spectacles, des remplacements de chanteurs, les disponibilités étant variables, sans compter deux sopranos qui ont définitivement renoncé à leur carrière, Violette Polchi, qui tenait le rôle principal de Caprice, et Ludivine Gombert, qui était Flamma. Ce Voyage a eu beaucoup de succès, la scénographie est aussi très originale, mais c’est une production lourde, délicate, avec de nombreux costumes, vidéos, accessoires ; une production complexe, pour une tournée dense. Même le jeune metteur en scène, Olivier Fredj, qui a démontré de nombreuses qualités, nous l’avons recruté sur concours parmi 40 dossiers ; il a su donner beaucoup de poésie, d’imagination, de rythme…
-Et pour la direction ?
–De même qu’il y avait deux distributions, il y avait deux chefs à parité. Pierre Dumoussaud chef principal (il dirigeait à Marseille, NDLR) et Chloé Dufresne. Le premier, nommé en 2022 aux Victoires de la musique, a récemment demandé à être libéré pour diriger Hamlet, en remplacement d’un collègue défaillant – avec un Ludovic Tézier qui entre ici dans la légende de l’opéra à l’Opéra National de Paris où il est invité pour la première fois – : une proposition qui ne se refuse pas ! Quant à Chloé Dufresne, elle dirige deux concerts avec l’Orchestre Philharmonique de Los Angeles, l’un des plus grands orchestres internationaux, dont elle est l’assistante. C’est donc Yves Senn (chanteur et chef d’orchestre, directeur de L’Avant-Scène Opéra à Neuchâtel, NDLR) qui sera au pupitre.
-Quelle est finalement la version que nous allons voir à Avignon ?
–Ce sera Héloïse Mas (qui vient de triompher dans la Carmen de Jean-Louis Grinda à Marseille, NDLR) dans le rôle de Caprice, après Violette Polchi et Marie Perbost. Avec aussi Sheva Tehoval, une excellente jeune soprano coloratur qui était présente dès la création (nous l’avons vue en début de saison dans Le Chevalier à la rose) ; Jennifer Michel dans le rôle de Flamma. Et dans le rôle de V’lan, un baryton bouffe, le seul qu’on n’avait pas trouvé dans les auditions ; chacun des directeurs a proposé un nom, et nous nous sommes mis d’accord sur Mathieu Lécroart, et Jérôme Bouteiller, qui a triomphé en juin dernier dans le Don Carlo à Marseille. Et c’est ici Mathieu Lécroart qui est à l’affiche.
-La structure Génération Opéra, qui a succédé au CFPL, poursuit-elle dans la même ligne ?
–C’est Jérôme Gay qui est l’actuel président, et il poursuit en effet… En ce moment ce sont les auditions pour le concours Voix nouvelles 2023-24 (site officiel). Et le projet de la prochaine coproduction se portera sur une comédie musicale. Je suis toujours très heureux de l’idée des coproductions nationales, pour des raisons artistiques bien évidemment, mais aussi financières et techniques. Néanmoins je regrette un peu le choix d’une comédie musicale, qui n’est pas écrite pour des voix lyriques mais pour des voix avec micro ; et les tessitures sont souvent graves pour les sopranos ; ce qui fait que le choix des artistes n’est pas vraiment significatif. Mais c’est un genre où il se créé très peu d’œuvre nouvelles, en France notamment.
-A côté du CFPL devenu Génération Opéra, existe la R.O.F., La Réunion des Opéras de France, au sein de laquelle vous avez eu également des responsabilités. Comment s’articulent ces deux structures ?
–Le CFPL devenu Génération Opéra est la branche artistique. La ROF, elle, est collégiale, avec une répartition tripartite entre les directeurs de maisons, les administratifs et les élus ; elle travaille notamment sur les politiques culturelles, statutaires, administratives des maisons. Il existait aussi la Chambre des directeurs d’opéra, qui est la branche syndicale, et qui, en se réunissant avec les orchestres, est devenue Les Forces musicales (site officiel)….
-Très actives sur les réseaux sociaux…
-La présidence en est tournante, tous les deux ans, entre opéras et orchestres.
Trois structures différentes et complémentaires autour de l’art lyrique.
Propos recueillis par G.ad. Photos G.ad. & Christian Dresse (Voyage)
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