Une « Ode » à Mendelssohn, Rachmaninov, et à une inconnue qui mériterait de ne plus l’être !
Voir aussi toute la saison 2022-2023 de l’Onap
Concert « Ode ». Vendredi 25 novembre 2022, 20h, durée 1h10, Opéra Grand Avignon
Orchestre National Avignon-Provence. Direction, Rani CALDERON. Piano, Jean-Paul GASPARIAN
Felix Mendelssohn, « Ouverture » de Ruy Blas, op. 95. Serguei Rachmaninov, Concerto pour piano n° 1 en fa dièse mineur op. 1. Alice Mary Smith, Symphonie n°1 en do mineur
Après les « Romances au violon » avec Cordelia Palm en septembre, après « Deux Sœurs » avec Karine Deshayes et Delphine Haidan en octobre, l’Onap placé sous la direction de Rani Calderon invite le très talentueux pianiste Jean-Paul Gasparian, pour le 1er Concerto de Rachmaninov avec lequel le soliste entretient une complicité artistique de longue date, comme il nous l’a confirmé dans un entretien en amont du concert.
Deux compositeurs disparus quadragénaires sont aussi au programme : Mendelssohn (1809-1847) et Alice Mary Smith (1839-1884), qui fut la première Britannique à composer une symphonie.
Début de soirée à L’Opéra-Théâtre d’Avignon avec l’Ouverture de Ruy Blas op 95 signée Mendelssohn (1809-1847). Composée en 1839 pour la pièce éponyme de Victor Hugo, en 3 jours seulement, à la demande de l’Alter Theater de Leipzig, cette pièce a été exécutée pour la première fois sous la direction du compositeur. Félix Mendelssohn qui n’aimait pas du tout la pièce de Victor Hugo a, dans un premier temps, refusé d’écrire cette composition, mais il a cédé vu le défi que représentait cette création, et ce fut une réussite. Le succès a été immédiat et se poursuit encore aujourd’hui. La première audition eut lieu le 11 mars 1839 sous la direction du compositeur, lors de la première de la pièce de Victor Hugo.
Les premiers accords solennels donnés par les cuivres créent une ambiance vite contrée par les cordes qui jouent une mélodie de grande vélocité. Cette courte pièce de 8’ est menée tambour battant par un chef d’orchestre très présent. La trajectoire dramatique se dessine tout de suite. Le ton haletant ne lâche plus le spectateur. Rani Calderon, chef d’origine israélienne, empoigne l’ouverture avec une énergie passionnée, y insuffle la rage de vivre voulue par Mendelssohn.
Le premier concerto pour piano de Rachmaninov op1 est une œuvre de jeunesse, composé en 1891 alors que le compositeur n’est âgé que de 19 ans. L’œuvre est dédiée à Alexandre Siloti, pianiste et cousin du musicien. Elle a été retravaillée en 1917, donc 26 ans plus tard !
Le premier concerto de Rachmaninov est l’une des pièces les plus sous-estimées du compositeur : effectivement, les deuxième et troisième concertos sont les plus joués, et ceci depuis toujours ! Aux USA, en 1917, Rachmaninov déclarait « Quand je dis en Amérique que je vais jouer le premier concerto, ils ne protestent pas, mais je peux voir à leur tête qu’ils préfèreraient le second ou le troisième ». Pourtant, avec le premier concerto, les harmonies qui font la spécificité de ce compositeur sont omniprésentes. Dès les premiers accords, le pianiste Jean-Paul Gasparian (voir notre entretien) rend justice à cette très belle composition, il la joue avec passion et enthousiasme. Le chef mène vigoureusement l’Orchestre National Avignon Provence, l’ensemble soliste et orchestre est homogène. Dans le deuxième mouvement après l’introduction au cor, le dialogue avec le pianiste s’instaure, cette œuvre est révélatrice de la virtuosité, de l’éblouissante technique et de l’élégance du compositeur. Le phrasé sensible de l’interprète touche à la nature profonde du compositeur.
Le troisième mouvement conclut le concerto dans un tourbillon de virtuosité pianistique.
Jean-Paul Gasparian prend congé du public avec une page donnée en bis pleine de tendresse, celle du Prélude op.23 n°4 du même compositeur, Prélude avec lequel le pianiste a été nommé dans la catégorie « soliste instrumental » des Révélations des Victoires de la musique classique 2021. Le public est conquis, subjugué par tant de talent.
Une compositrice britannique tout à fait inconnue du public est ensuite programmée, Alice Mary Smith (1839-1884). Elle fut la première britannique à composer une symphonie. Les femmes n’étaient à l’époque pas reconnues en tant que compositrices.
Sa symphonie en La mineur est de forme très classique en 4 mouvements. Elle révèle une compositrice aux idées très originales et qui savait orchestrer. Elle connaissait l’instrumentation et maîtrisait la dramaturgie musicale. Sa musique évoque les compositions de son contemporain Félix Mendelssohn.
L’orchestre est en phase avec cette musique lumineuse, tonique, qui donne beaucoup d’élan pour conclure une soirée placée sus le signe d’une « Ode » à la musique classique.
D.B. Photos M.A.
Le concert est précédé d’un avant-concert pour échanger avec les artistes, de 19h15 à 19h35, dans la charmante Salle des préludes à l’Opéra Grand Avignon. Une « Promenade Orchestrale », conférence interactive avec Lea Becvort, musicologue, est donnée également le mercredi 23 novembre de 18h à 19h à la Bibliothèque Ceccano (entrée libre) ; la conférence permet de bénéficier d’un tarif C pour le concert Ode.
Marina dit
Magnifique concert !
Le soliste, le chef et l’orchestre particulièrement inspirés.
Merci