Jeudi 7 novembre 2024, 20h, durée 1h15, La Scala Provence, Avignon
Direction musicale, Débora Waldman. Chant, Noëmi Waysfeld. Arrangements, Fabien Cali. Avec la participation exceptionnelle de Maxime Le Forestier
Orchestre national Avignon-Provence
Tarif : de 10 à 30€. Par téléphone, mardi-vendredi, 14h-17h, 04 65 00 00 90. Sur place, 3, rue Pourquery de Boisserin, mardi-vendredi, 14h-17h, et 1h avant chaque représentation.
Voir aussi tous nos articles de novembre 2024,
ainsi que notre entretien avec Noëmi Waysfeld,
et notre entretien avec Maxime Le Forestier
C’est à une soirée inédite que nous conviait l’Orchestre National Avignon-Provence qui aime les mariages artistiques, à La Scala Provence à Avignon, en ce même lieu où, il y a un an, il enregistrait avec Noëmi Waysfeld le CD qui sort justement ces jours-ci chez Sony Classical – nous l’y avions alors rencontrée – ; la chanteuse y avait proposé aussi quelques mois plus tôt son Voyage d’hiver avec le pianiste Guillaume de Chassy.
Dis quand reviendras-tu?, La dame brune, Ma plus belle histoire d’amour, Göttingen… nous avons tous des chansons de Barbara dans le cœur et dans la tête. Comment lui rendre hommage sans l’imiter, sans la trahir ? Noëmi Waysfeld offre son authenticité, sa sincérité, sa voix si particulière, et un sens de la musique que saluent les plus grands musiciens classiques. Elle se produit par ailleurs avec le Quatuor Dutilleux, les pianistes David Kadouch ou Alexandre Tharaud – un « disciple » passionné de Barbara -, la violoniste Sarah Nemtanu, le guitariste Kevin Seddiki, le violoncelliste Christian-Pierre La Marca, le contrebassiste Antoine Rozenbaum, le pianiste de jazz Guillaume de Chassy (et pour interpréter Le Voyage d’hiver de Schubert !)… Depuis son premier album en 2012, les grands médias unanimes, de Télérama à Libération, de France-Musique à Radio-Classique, lui tressent des lauriers ; la presse allemande salue ses interprétations des chants yiddish ; elle sait habiter tous les univers.
Si, pour le deuxième rendez-vous de la saison, la salle 600 de la Scala-Provence n’était pas pleine, elle était néanmoins fort honorable, et les absents ont eu tort ; les applaudissements in fine ont été nourris, accompagnés pour certains par une ovation debout.
La soirée était en effet de belle qualité. La délicieuse Noemi Waysfeld commençait donc sa tournée promotionnelle de sortie de CD par le lieu où elle l’avait enregistré, il y a tout juste un an. Bercée toute jeune par la voix et le répertoire de Barbara, elle a su s’approprier pleinement son univers, avec intelligence et sensibilité. Tout en délicatesse, elle a livré une soirée parfaitement organisée, mais menée dans une fluidité qu’on ne peut imaginer naturelle, et dont tous les détails sont pensés dans la justesse. Que ce soit les créations lumière, ou la disposition des quelque quarante musiciens -Orchestre National Avignon-Provence renforcé de quelques Cannois, dont le premier violon, le même concert devant être donné à Grasse le surlendemain dimanche -.
Dans des orchestrations parfaitement réussies de Fabien Cali, la voix de la chanteuse – certes sonorisée – n’a jamais été couverte par l’orchestre, dirigé par Débora Waldman, qui a su nouer tout au long du projet une vraie relation de complicité avec Noemi. Jamais couverte, sauf dans la reprise de La longue dame brune en second bis, après Dis, quand reviendras-tu ?, où l’enthousiasme des musiciens s’est quelque peu libéré.
On pouvait regretter que chaque chanson soit ponctuée d’applaudissements, empiétant parfois sur la note finale, tenue jusqu’au glissement espéré dans le silence… dont les bravos impétueux nous ont privés ; j’eusse aime un long voyage dans la linéarité sans interruption, mais, finalement, chaque chanson constituait son propre univers, et les bravos n’ont pas rompu l’atmosphère ; on entrait dans chacune comme à pas feutrés, par quelques notes a capella, ou quelques mesures harpe-xylophone ou harpe-contrebasse, avant que la houle des cordes ne s’enfle, que les hautbois et bassons ne soulèvent une lame de fond, que les cors n’éclatent en tempête ; et la voix de Noëmi, écume délicate, déroulait des mélodies sans mimétisme mais avec une fidélité de cœur qui mettait l’émotion au bord des lèvres. Un très léger vibrato, et un velours dans le phrasé dans lequel j’ai cru plusieurs fois retrouver une Isabelle Aubret. Avec même quelques réminiscences de La Fanette ou Deux enfants au soleil dans un poème de Prévert, car, parmi les quatorze chansons se glissent d’autres pépites, poèmes venus d’ailleurs mais qui s’entrelacent avec tendresse au répertoire majoritaire de Barbara.
Quant à la présence, très brève mais fortement médiatisée, de Maxime Le Forestier dans le rôle de Moustaki partenaire de cette « longue dame brune » au look d’adolescente, elle est arrivée au milieu du concert, avec la simplicité de l’évidence et le sourire du bonheur d’être là.
La longue liste des remerciements montrera la courtoisie de la chanteuse, dont le talent et la sensibilité frémissante ont fait l’unanimité.
A la fois chaleureuse et réservée, comme une plante sensitive, Noëmi quitte la salle en même temps que le public, et se prête de très bonne grâce, aux échanges, aux dédicaces…
Elle sait si bien le dire du bout du lèvres, si bien le dire du bout du cœur…
G.ad., texte et photos
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