Un Molière façon Grand Siècle, une comédie-ballet facétieuse
Les Fâcheux, Molière. Musique de Lully. Dans le cadre des Fêtes nocturnes des Châteaux de la Drôme (site officiel)
Mise en scène, Julia de Gasquet. Chorégraphie, Pierre-François Dollé. Dramaturgie, Marie Bouhaïk-Gironès, chercheuse et spécialiste des théâtres anciens. Direction musicale, Anne Piéjus, chercheuse et musicologue, éditrice de la pièce dans la bibliothèque de la Pléiade. Scénographie, Adeline Caron. Création lumières, Nathalie Perrier. Costumes, Julia Brochier. Maquillage, Mathilde Benmoussa. Son, Antoine Bouhaïk. Régie générale, Gaëtan Besnard. Administration de production, Danièle Gironès. Stage d’assistanat à la mise en scène, Alexia Rampinelli
- Comédiens : Lysandre/ Alcandre/ Alcippe/ Dorante/ Caritidès/ Ormin/ Damis, Thomas Cousseau. Orante, Julia de Gasquet. Eraste, Adrien Michaux. La Montagne/ Filinte, Alexandre Michaud. Orphise, Mélanie Traversier. Et la voix de François Marthouret
- Danseurs : Jehanne Baraston, Pierre-François Dollé, en alternance avec Akiko Veaux (11-26 juillet et le 6 août)
- Musiciens : basse de violon, violoncelle piccolo, Lena Torre, en alternance avec Sumiko Hara (15-20 août) ; flûte à bec et basson baroque, Julián Rincón, en alternance avec Felipe Jones (20-22 juillet, les 5 et 6 août et 15-20 août) ; violon baroque, Danican Papasergio.
Production La compagnie de la Chamade, en coproduction avec l’EPCC Châteaux de la Drôme et en partenariat avec l’Université Sorbonne Nouvelle. Avec le soutien du T2G / CDN de Gennevilliers et de la Comédie-Française
Du 24/06 au 20/08/2022, tous les jours à 21h. Pas de représentations du 3 au 10 juillet inclus, le 12 juillet, le 17 juillet, le 24 juillet, du 29 au 31 juillet inclus, les 7 et 8 août, le 14 août. Réservations possibles par courrier, téléphone ou sur le site.
Pendant près de 2 mois, on célèbre Molière façon Grand Siècle sur la terrasse du château de Mme de Simiane, fille de Mme de Sévigné qui y séjourna aussi…
La 35e édition des Fêtes nocturnes de la Drôme (site officiel) s’ouvre le 24 juin 2022. De fait, Classiqueenprovence se sent aussi chez lui, dans ce petit territoire dont des caprices de l’histoire ont fait un morceau de la Drôme, Région Rhône-Alpes, jouxtant une enclave du Vaucluse, Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Et si nous n’avons pas connu la toute première édition, en 1987, depuis une vingtaine d’années nous les avons pratiquement toutes vues.
Nous avons vu ainsi, avec un égal bonheur dans ce cadre toujours magique à la tombée de la nuit, des productions très réussies, jubilatoires et intelligemment populaires : un Tartuffe d’anthologie (2009), un Roi s’amuse iconoclaste (2010), des Femmes savantes façon années 50 rafraîchissantes (2012), un Feydeau en 2015, un Don Quichotte diablement inventif (2016, pour le 30e anniversaire), une Lucrèce Borgia sous le mistral et menacée par les intermittents (2014 ; la production a tout de même réuni plus de 32.000 spectateurs, sans compter la tournée automnale), un Lorenzaccio éblouissant, de Daniel Mesguich avec Marie-Claude Pietragalla et Julien Desrouault (2017), des Noces de Sang poignantes (2018), un Ruy Blas aristocratique (2019), enfin un Capitaine Fracasse circassien en diable (2021).
Nous gravissons la rue pavée grimpant à l’assaut du château, avec le souvenir du poète Philippe Jaccottet, disparu le 24 février 2021, qui nous avait reçue en 1993 dans sa maison toute proche.
Cette nouvelle production s’annonce sous les meilleurs auspices, pour le 400e anniversaire de maître Poquelin, qu’on a célébré aussi à l’Opéra Grand Avignon, et qu’on célèbre en ce moment même au Festival Off d’Avignon. On y retrouve avec bonheur Thomas Cousseau, rôle-titre du Capitaine Fracasse de 2021, et successeur de Molière dans le septuple rôle-titre ; on y entend François Marthouret, qui fut le cardinal Barbarin dans le film Grâce à Dieu, de François Ozon (2018) ; et l’on découvre Julia de Gasquet dont on parle beaucoup et qui fut pendant plusieurs années et jusqu’à ces jours-ci directrice du Festival de la correspondance à Grignan (il en existe un autre à Manosque).
Les Fâcheux (1661) constituent la toute première comédie-ballet de l’histoire, et la première des 14 que Molière, dans un répertoire de 33 pièces, co-signera avec Lully ou avec Marc-Antoine Charpentier, l’auteur du fameux Te Deum qui sert d’indicatif à l’Eurovision. Longtemps snobées comme genre mineur et léger, les comédies-ballets sont aujourd’hui redécouvertes dans leur jaillissement juvénile, dans leur fraîcheur inventive. Non contentes de répondre aux contraintes de chacun des trois arts – théâtre, musique et danse -, elles doivent de surcroît trouver une cohérence narrative et esthétique à l’articulation des trois, et donnent toujours un grand spectacle pluri-artistique. Nul doute que cette production ne rivalise avec panache, mutatis mutandis, avec la création de 1661, au château de Vaux-le-Vicomte pour les divertissements royaux, où Molière lui-même jouait le rôle des huit importuns successifs qui empêchent Eraste de déclarer sa flamme à Orphise.
On nous pardonnera sans doute, pour une occasion exceptionnelle, de nous laisser aller à une critique prosodique et rimée.
C’était un soir d’été comme on en connaît tant,
Doux et tiède en Provence, au château de Grignan.
« Ce n’était que Molière », avait écrit Musset.
Que Molière et sa pièce, que Molière en effet.
Dans la cour du château, oui, c’était bien Molière,
Qui fête en cette année un bel anniversaire.
Grande peur le matin : des grêlons vigoureux ;
Il eût été fâcheux… d’annuler Les Fâcheux !
L’horizon est tout proche, et le ciel est bien clair ;
Dans la cour du château se joue donc ce Molière ;
Quatre cents ans déjà pour ce si jeune auteur,
Primesautier en diable, inventif en bonheur.
Lully et Poquelin ont signé ce poème,
Musical et dansant, c’était bien le neuvième.
Eraste veut se déclarer auprès d’Orphise,
Aidé par son valet tout plein de balourdises ;
La bienséance veut que, quoique bien conquise,
La dame ne cesse de jouer mignardise.
Si Adrien Michaux campe un fort bon Eraste,
Alexandre Michaud le seconde très faste ;
Mélanie Traversier donne à Orphise forme,
Juli-a de Gasquet est aussi grande forme.
Autour du quatuor, des importuns défilent,
Sous les seuls traits de Thomas Cousseau si agile.
L’époque y est troublée et joue les faux semblants ;
Les faux bosquets dessinent entrelacs subtils,
Où se perdent ou bien se cachent les amants.
L’intrigue en ces temps incertains noue un doux fil.
Trois violons, basson et violoncelle, deux danseurs, cinq acteurs,
Dessinent l’univers d’un baroque léger,
Délicat, élégant, sensible et bien réglé,
Mélancolique aussi sous des aspects rieurs.
On sourit, on s’émeut, on rêve, on se régale.
Pomone et Flore clairs, fleuris et tournoyants,
Font ombres dansantes sur le mur du château,
Quand descend la nuit claire au cœur de ce roman,
Les pipistrelles succèdent aux martinets,
Quand les cymbalettes des cigales se taisent,
Quand bougies aux fenêtres vont consteller d’étoiles
La façade aux pilastres, aux colonnes, aux coquilles…
Branle, pavane et menuet après soirée,
Appellent le public pour apprendre à danser,
Comme à la cour du roi, comme dans les campagnes,
Avant d’aller dormir avecque sa compagne.
G.ad. Photos G.ad.
Sans doute pas la meilleure pièce de Moliere, mais une pièce qui évoque aux familiers des comédies de cet auteur beaucoup de passages d’autres de ses comédies.
Une mise en scène qui ne m’a pas plu: -ou trop ou pas assez » commedia del arte »
– la mise en évidence des rimes souvent exagérée pour un public de notre époque
– j’ai eu beaucoup de mal à supporter le jeu d’ Eraste
Un bonus à la partie musique et danse: fraîcheur et plaisir des yeux
Merci pour votre message.
Je partage entièrement votre commentaire sur la pièce de Molière.
Quant au commentaire sur cette production, j’aime toujours à voir que la magie du spectacle vivant est de parler à chaque spectateur différemment.
Belle fin d’été à vous, avec encore quantité de festivals, de concerts, de beaux coups de coeur !
Cordialement,
G.ad.
Une mise en scène sobre avec de bons comédiens, un décor d’époque.
Mais des fâcheux trop gentils, sans grand effet de surprise.
Une jolie pièce à laquelle il manque cependant un grain de folie. Pourtant, le texte en alexandrins a des choses à dire…
Merci de nous avoir fait partager votre commentaire. Le château de Grignan est néanmoins un écrin somptueux.
Bel été à vous ! Peut-être à plus tard pour d’autres messages sur festivals, concerts…
Cordialement.