Un spectacle jubilatoire
Mise en scène, Yves Beaunesne
Distribution. Thierry Bosc : Don Salluste. François Deblock : Ruy Blas. Zacharie Feron : Gudiel. Noémie Gantier : La Reine. Fabienne Lucchetti : La Duchesse d’Albuquerque. Maximin Marchand : Le Marquis de Santa-Cruz. Guy Pion : Don Guritan. Jean-Christophe Quenon : Don César. Marine Sylf : Casilda
Anne-Lise Binard (alto) et Elsa Guiet (violoncelle) : musiciennes
Collaborations artistiques. Dramaturgie : Marion Bernède • Scénographie : Damien Caille-Perret • Création costumes : Jean-Daniel Vuillermoz • Lumières : Nathalie Perrier • Création musicale : Camille Rocailleux • Maquillages, coiffures et masques : Cécile Kretschmar • Assistanat à la mise en scène : Pauline Buffet, Jean-Christophe Blondel et Laure Roldàn • Maître de chant : Haïm Isaacs
Production. La Comédie Poitou-Charentes / Centre dramatique national, avec le soutien de la DRAC Nouvelle-Aquitaine / Ministère de la Culture et de la Communication, de la Région Nouvelle- Aquitaine et de la Ville de Poitiers. Coproduction et création : Fêtes Nocturnes du Château de Grignan. Coproductions : Théâtre de Liège, les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Théâtre Montansier, Théâtre d’Angoulême / Scène nationale. Avec la participation artistique de L’ENSATT.
Bar du Bosquet
Dans le cadre des Fêtes nocturnes des Châteaux de la Drôme (Grignan, Montélimar et Suze-la-Rousse sont régis par le Conseil Départemental 26), chaque été depuis 33 ans, le château de Grignan offre son cadre somptueux à une pièce de théâtre unique pour une quarantaine de représentations et plusieurs dizaines de milliers de spectateurs.
Nous avons vu ainsi, avec un égal bonheur, des productions très réussies, jubilatoires et intelligemment populaires : un Tartuffe d’anthologie (2009), des Femmes savantes façon années 50 rafraîchissantes (2012), un Roi s’amuse iconoclaste (2010), un Don Quichotte diablement inventif (2016, pour le 30e anniversaire), une Lucrèce Borgia sous le mistral (2014, Béatrice Dalle grelottait dans le bassin de la mise en scène, et l’ensemble était menacé par les manifestations des intermittents), un Lorenzaccio éblouissant, de Daniel Mesguisch avec Marie-Claude Pietragalla et Julien Desrouault (2017), et des Noces de Sang poignantes (2018).
J’aime la spontanéité des pièces en création voire en gestation, plus encore que le vernis léché du produit fini. Ce Ruy Blas offre en même temps la fraîcheur des premières et la maîtrise des spectacles aguerris. Chapeau bas, messieurs !
Cette année c’est donc un beau télescopage entre la cour espagnole du XVIIe siècle, l’écrin du château Renaissance, les alexandrins – d’une incroyable fluidité – du XIXe siècle, et le souvenir inévitable, insistant, de La Folie des grandeurs de 1971. Sans oublier un élément important, une partition aux accents hispano-baroques, avec deux instruments (alto et violoncelle, Anne-Lise Binard et Elsa Guiet) et deux voix (Maximin Marchand, Marquis de Santa-Cruz et contre-ténor, et Marine Sylf, Casilda et soprano). Un spectacle multi-artistique, à la croisée féconde du théâtre et de la musique, voire du cinéma : Yves Beaunesne met par ailleurs en scène des œuvres lyriques (Lille, Versailles, Aix-en-Provence, Bastille), Zacharie Feron (Gudiel) chante et danse aux Chorégies notamment, Anna-Lise Binard (alto) vient du CNSM de Lyon, et Elsa Guiet prête sa voix et son violoncelle à diverses maisons d’opéras.
Sur le plan incliné dressé comme scène sur la terrasse du château de Grignan, aux accessoires minimalistes, les onze acteurs imposent leur présence intense, leur fantaisie, leur diction parfaite, leur jeu assuré.
Chacun connaît le sujet : un jeune domestique, Ruy Blas (François Deblock, décoiffant) est instrumentalisé par son maître Don Salluste (Thierry Bosc) machiavélique à souhait, dont il doit servir la vengeance ; il usurpe malgré lui de l’identité de Don César (Jean-Christophe Quenon, truculent), banni, puis de retour ; il séduit à son corps défendant une reine (Noémie Gantier, épatante de complexité et de naturel dans ses débuts de théâtre « classique »), une reine qu’il aime en secret, « ver de terre amoureux d’une étoile » -, une reine héritière à la fois de la juvénile Sissi, de la capricieuse Marie-Antoinette, de la combative Victoria, et – mal – gardée par une duègne croquignolette (Fabienne Lucchetti) ; quant aux grands d’Espagne, s’ils arborent des masques animaliers, c’est que Barbey d’Aurevilly, quasi contemporain de Victor Hugo, n’est pas très loin.
Mélodrame, drame politique, social, amoureux, Ruy Blas est tout cela. Drame de la grandeur, dénonciation de la corruption du pouvoir et de la déliquescence d’un monde qui se meurt, mais aussi formidable éclat de rire salvateur, Ruy Blas est tout cela aussi.
Grâce à une distribution brillante et une mise en scène d’une vigoureuse efficacité, le Ruy Blas d’Yves Beaunesne est un spectacle de valeur, énergique, joyeux, enlevé, coloré.
Il se joue depuis le 25 juin jusqu’au 24 août 2019. Durée 2h10. Réservations 04 75 91 83 65, ou www.ladrometourisme.com (G.ad. Photos Gilles Delahaye)
La tournée (dont encore plusieurs sites de Provence) :
-Août 2019
01 > 24 Fêtes Nocturnes du Château de Grignan
-Octobre 2019
08 > 10 Théâtre d’Angoulême, Scène nationale
16 > 19 Odyssud, Blagnac
-Novembre 2019
05 > 06 Théâtre Firmin Gémier/La Piscine, Scène nationale, Chatenay-Malabry
12 > 15 Théâtre de Liège
19 > 23 Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence
26 Théâtre de L’Olivier, Istres
-Décembre 2019
05 > 06 Théâtres de la Ville de Luxembourg
16 > 20 La Manufacture, Centre dramatique national, Nancy
-Janvier 2020
08 > 18 Théâtre de la Croix Rousse, Lyon
22 > 26 Théâtre Montansier, Versailles
-Février 2020
07 > 08 Théâtre Molière, Scène nationale de Sète
11 Maison des Arts du Léman, Thonon-les-Bains
26 > 29 Théâtre Gérard Philipe, Centre dramatique national, Saint-Denis
-Mars 2020
01 > 15 Théâtre Gérard Philipe, Centre dramatique national, Saint-Denis
20 Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France
24 > 25 Théâtre Auditorium de Poitiers, Scène nationale
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