Pour se croire chez Maxim’s… de chez soi
Opéra Confluence. Captation le dimanche 27 décembre 2020, 14h30. Visible en accès libre le jeudi 31 décembre 20h30, jusqu’au 15 janvier 2021, sur le site de l’Opéra Grand Avignon. Durée du spectacle 3h15
La Veuve joyeuse, opérette en trois actes de Franz Lehár, livret de Victor Léon et Leo Stein, d’après une comédie d’Henri Meilhac, L’Attaché d’ambassade. Adaptation française de Robert De Flers et Gaston De Caillavet
Création à Vienne le 30 décembre 1905
Direction musicale Benjamin Pionniec. Mise en scène Fanny Gioria (notre entretien ici). Assistante mise en scène Irène Fridrici. Chorégraphe Elodie Vella. Décors Eric Chevalier. Costumes Erick Plaza-Cochet. Lumières Gaëtan Seurre. Etudes musicales Ayaka Niwano
Missia Palmieri Erminie Blondel (notre entretien ici). Nadia Popoff Caroline Mutel (notre entretien ici). Olga Noémie Fernandes. Sylviane Aurélie Garros. Praskovia Anne-Sophie Boutant
Prince Danilo Philippe-Nicolas Martin. Baron Popoff Guillaume Paire. Camille de Coutançon Samy Camps. Figg Baptiste Joumier. Lérida Pierre-Emmanuel Roubet. D’Estillac Jean-François Baron. Pritschitch Pascal Canitrot. Bogdanovitch Patrice Laulan. Kromski Xavier Seince
Orchestre National Avignon-Provence
Choeur de l’Opéra Grand Avignon. Direction Aurore Marchand
Ballet de l’Opéra Grand Avignon
Réalisation des costumes Ateliers de l’Opéra Grand Avignon. Perruques et coiffes Sandrine Degioanni
Nouvelle production. En coproduction avec L’Avant-Scène Opéra – Neuchâtel
La production a été diffusée en accès libre sur le site de l’Opéra Grand Avignon pour le Réveillon 2020, et demeure jusqu’au 15 janvier 2021. Pour se croire chez Maxim’s malgré le couvre-feu…
Un saut périlleux sans filet
Les sorties de Réveillon sont interdites cette année le soir de la Saint-Sylvestre, mais la soirée n’en a pas été morose pour autant. L’Opéra Grand Avignon a partagé sur le Web, gratuitement, la traditionnelle opérette de fêtes, La Veuve joyeuse. Créée à Vienne, avec une intrigue située dans le Paris de la Belle Epoque, immédiatement plébiscitée par l’Europe entière, cette œuvre de Franz Lehar, rendue célèbre par la valse de « L’Heure exquise » et le sextuor « Ah les femmes, les femmes, les femmes… », n’a jamais cessé d’être jouée.
Un saut périlleux sans filet, c’est le défi auquel se préparaient, le cœur battant, tous les artistes de la Veuve joyeuse, avant la captation sans public, en ce dimanche 27 décembre à l’Opéra Confluence d’Avignon : aucune répétition sans masque avant la générale pour le Chœur, une seule pour les solistes et le Ballet ! Les chanteurs ne connaissaient de leurs voix que des sons étouffés, une articulation déformée, et cet inconfort, évidemment accepté, ne permettait guère de laisser augurer le meilleur résultat, comme le craignaient notamment Caroline Mutel (notre entretien ici) et Erminie Blondel (notre entretien ici)…
Et pourtant le bonheur d’être sur scène malgré tout a galvanisé chacun des artistes, et sur la chaîne Youtube de l’Opéra Grand Avignon le public a pu voir, pour le Réveillon, un spectacle abouti, coloré, festif. Trois actes, trois univers de fêtes bien différentes (chic, tout en blanc, puis folklorique, multicolore et kitsch, enfin cabaret, tout en rouge comme attendu), dans un tourbillon de danses et chants, avec chœurs renforcés. Et les quelques journalistes conviés pour la captation – nous avions eu la chance d’assister déjà depuis quelques semaines, dans les mêmes conditions, au conte chorégraphique l’Histoire du soldat, à la création mondiale du Messie du peuple chauve, et au concert « Revisiter » de l’Orchestre National en Région Avignon-Provence – n’ont pas boudé leur plaisir, même si un spectacle comique ne prend sa pleine valeur que par la chaleur communicative d’une salle.
C’était il y a un an – l’éternité du « monde d’avant » – : Guillaume Paire/Popoff savait déjà que, dans une loge de chez Maxim’s au IIIe acte, il clamerait son bonheur d’être là, en répétition, et d’entrer bientôt en scène. Une mise en abyme aujourd’hui troublante, malicieuse dans l’imagination de Fanny Gioria (notre entretien ici), et qui résonne étonnamment en ces jours de pandémie où la culture appartient aux « produits non essentiels ».
Le parti pris d’une troupe en train de répéter est loin d’être nouveau, remontant à L’illusion comique de Corneille au moins. Mais l’effet miroir, par le faux régisseur-plateau, n’est point ici trop intrusif, et donne même aux retrouvailles finales de Missia et Danilo une saveur supplémentaire. Quant à la réécriture du livret, avec ses clins d’œil attendus à l’actualité, à travers une Marsovie qui n’avait alors d’imaginaire que le nom, a su doser avec pertinence parties parlées et parties chantées.
Les conditions de captation ne permettent pas toujours aux voix féminines de passer la rampe. Néanmoins Missia et Nadia occupent bien la scène. On connaît le talent de Caroline Mutel pour aller de l’oratorio et de la cantate sacrée à l’opérette – ici même Orphée ou Le Chanteur de Mexico -, mais on la découvre ici en meneuse de revue, dans une prestation inattendue qu’elle assume avec brio. On devrait la réentendre en janvier 2021, pour peu que la situation sanitaire le permette, dans un tout autre répertoire avec les Nouveaux Caractères, les Leçons de Ténèbres de Couperin déprogrammées du printemps dernier.
A ses côtés, la jeune Erminie Blondel – que nous avons vue plusieurs fois sur d’autres scènes, Gordes, Musiques en Fête aux Chorégies – réussit à la fois une belle prise de rôle-titre, et ses débuts dans l’opérette, dans un spectacle complet, puisqu’elle parle, chante et danse, avec le même bonheur. Sa voix fraîche attrape avec agilité les aigus les plus acrobatiques, son jeu de scène est juste, et elle semble être née en valsant !
Philippe-Nicolas Martin ne pouvait qu’incarner un excellent prince Danilo, magistral, entre sincérité et dépit amoureux. Guillaume Paire, en baron Popoff, bénéficie, lui, de la mise en abyme pour jouer sur les divers registres scéniques et vocaux. Et Samy Camps, régulièrement accueilli sur les scènes de Provence, se révèle nettement plus crédible en Camille de Coutançon qu’en Orphée.
L’Orchestre National Avignon-Provence mène le bal sous l’alerte baguette de Benjamin Pionnier, directeur de l’Opéra de Tours depuis 2016, qui passe du MET aux scènes européennes, et d’Offenbach à Ravel ; sa direction précise évite l’emphase qui peut saisir un chef emporté par l’enthousiasme jubilatoire du french cancan.
Dans une relative homogénéité, chanteurs et danseurs se croisent, se côtoient, se marient dans un rythme enlevé – valses, polkas, twists et autres rocks -, à travers des « tubes » connus de tous, comme la « Chanson de Vilya », le duo du « Pavillon » ou le pétulant « Ah les femmes, les femmes, les femmes ». Le talent des dix artistes du Ballet, indispensable au succès d’une opérette – et dont l’espace scénique est souvent réduit, compte tenu du nombre de personnages -, souligne que cette production est aussi une « heure exquise ».
G.ad. Photos Studio Delestrade/ Avignon-Cédric & Michaël
Delmas dit
Bonjour
Je cherche à rentrer en contact avec Me Irène Fridrici….pouvez-vous lui transmettre ce message.
Classique dit
Bonjour, Merci pour votre message. Nous tentons de la joindre et nous revenons vers vous.
F.H. dit
Je viens de regarder.. Captation méritoire dans les conditions actuelles, même si cette actualisation peut être déroutante. J’ai particulièrement apprécié costumes et voix sans oublier la musique bien sûr ! (F.H.)