Débora Waldman est directrice artistique de l’Orchestre National Avignon-Provence. Elle avait été la première femme nommée chef permanent d’un orchestre professionnel en France. Elle avait également dirigé l’Orchestre de Dijon lors des Victoires de la Musique 2023 dans son costume réalisé dans l’atelier couture de l’Opéra Grand Avignon (et notre entretien d’alors). Au-delà des événements médiatiques, elle continue son travail de mise en valeur des femmes compositrices, et d’accompagnement du dispositif Demos, avec notamment le récent grand concert Demopop’s du 15 juin 2024 dans la Cour d’Honneur du Palais des papes d’Avignon ; et, cet été, elle n’aura guère le temps de poser la baguette avant la nouvelle saison.
Voir notre présentation d’ensemble du 44e Festival de La Roque d’Anthéron
et tous nos articles sur le Festival 2024 de La Roque d’Anthéron
-Débora, vous allez commencer par un ciné-concert Chaplin aux Chorégies, La Ruée vers l’or ; c’est un exercice que vous avez déjà pratiqué, dans le même cadre, l’an dernier. Quelles sont les difficultés particulières de cet exercice ?
–C’est évidemment plus compliqué qu’un concert symphonique par rapport à la liberté d’interprétation. On est en dirigé par la machine, et il faut synchroniser l’orchestre par rapport au tempo imposé. C’est très technique, et la difficulté est de trouver la poésie dans cette technicité.
-Comment se prépare-t-on en amont ?
-Il n’y a pas d’espace pour la spontanéité. Après avoir beaucoup réfléchi sur la Symphonie de Schumann, on passe du temps à faire de la technicité pour arriver au maximum de précision, et cela demande beaucoup de temps. Personnellement je dois vérifier si l’orchestre me suit. Cela ne laisse aucune place à la virtuosité du chef. Quand il s’agit d’une symphonie, le public ne sait pas ce que le chef a dans la tête, quelle lecture il fait de l’œuvre ; si quelque chose ne « sort » pas de l’interprétation, c’est que le chef n’a pas réussi. Dans le cinéma, tout doit être déjà en place ; aucune décalage n’est possible, il faut se plier au timing général…
-Vous serez ensuite, toujours à la tête de l’Onap, au 44e Festival international de piano de La Roque d’Anthéron. C’est la 1e année où tous les orchestres de la région Sud, ou presque, sont programmés au festival. Avec la structure Arsud par exemple, y a -t-il des projets communs entre les orchestres de la région, comme cela existe déjà entre les 4 maisons d’opéra ?
-Non, pas pour le moment, du moins.
-Vous donnerez un concert le 25 juillet dans le magnifique parc du château de Florans.
–Nous jouerons l’Ouverture de Don Giovanni, et la Symphonie n°7 en la majeur opus 92 de Beethoven. Et nous aurons la joie d’accueillir à nouveau David Kadouch au piano pour une œuvre relativement rare, le Concerto pour piano n°2 en la mineur opus 85 de Hummel, qui fut un élève de Mozart (1778-1837, NDLR). Nous avions joué des compositrices l’an dernier, Marie Jaël et Louise Farenc, avec Celia Oneto Bensaïd au piano. C’est un programme qu’on avait proposé à René Martin, et qu’il avait accepté. Cette année, il souhaitait ce concerto de Hummel, qui est sans doute le plus beau. Le programme est conçu en complémentarité, dans le style et en miroir avec Beethoven. IL fallait marquer ce chef-d’œuvre, cette symphonie que nous jouons beaucoup cette année.
-Vous serez aussi le 23 juillet aux Musicales du Luberon, dans un partenariat déjà bien établi. Est-ce vous qui proposez le programme ?
–Patrick (Patrick Canac, le président, NDLR) fait des propositions à l’orchestre, mais on se retrouve beaucoup en résonance. Là nous avons un programme autour de Mozart, avec une Symphonie et une Ouverture, dans la magnifique carrière des Taillades. Comme Mozart et Haydn conviennent tout à fait à notre effectif…
-Vous jouerez avec le clarinettiste Pierre Génisson…
-Oui ; on le connaît déjà (sourire).
-Et Karine Deshayes…
-(éclat de rire) Je croyais que c’était une surprise ! Oui, nous avions partagé cette expérience sur Rossini l’an dernier. Karine sera sur le programme avec plusieurs œuvres, des moments de respiration animée par Jean-Michel Duhez, avec des anecdotes, des informations historiques, des clefs d’écoute…
-Et d’autres festivals, me semble-t-il ?
-Oui, aux Nuits d’Uzès (dans le Gard, en région Occitanie, mais à quelques kilomètres de la région Sud-Provence, NDLR), le 19 juillet, avec le même programme qu’à La Roque d’Anthéron.
-Je présume qu’au-delà de l’été, vous avez des projets personnels ?
-En tant que chef invité je serai chargée de défendre la musique française en Allemagne, à Salzbourg notamment, avec César Franck, Charlotte Sohy (à laquelle l’Onap dirigé par Débora Waldman a consacré un coffret de 3 CD remarqués, NDLR). L’année prochaine, je vais créer un opéra contemporain, signé du compositeur belge Harold Noben (site officiel), avec une chanteuse, autour de Madame Bovary. Et je suis toujours en résidence , je dirigerai Traviata, en France, à Limoges.
-Comment se répartit votre activité, entre ces différents pôles ?
-Disons la moitié pour le symphonique, 30% pour la création, et des projets pédagogiques, les festivals d’été, un opéra…
-Dans nos différents échanges, je crois ne vous avoir jamais posé la question : si vous n’aviez pas été ce que vous $etes, qu’auriez-vous aimé être ou faire ?
-(sans hésitation) Femme diplomate, ou avocate… Peut-être un jour… Les conflits géopolitiques m’intéressent beaucoup. »
Propos recueillis par G.ad. Photo G.ad.
Laisser un commentaire