Création mondiale en présence du compositeur
Festival d’Aix-en-Provence. Hôtel Maynier d’Oppède. Jeudi 8 juillet 2021
Barbara Hannigan, soprano. Charles Sy, ténor.
Bertrand Chamayou, piano. Patricia Kopatchinskaja, violon
Henri Duparc, L’Invitation au voyage pour voix et piano ; Lamento pour voix et piano.
Pascal Dusapin, La natura del mondo pour soprano et piano (Commande du Festival d’Aix-en-Provence | Création mondiale)
Olivier Messiaen, La Mort du nombre ; Chants de Terre et de ciel ; Quatuor pour la fin du Temps
Forte affluence ce soir à l’entrée de l’Hôtel Maynier d’Oppède ; il faut dire que le programme affiche de très grands noms du monde musical : la soprano et cheffe d’orchestre Barbara Hannigan, la violoniste Patricia Kopatchinskaja, le pianiste Bertrand Chamayou, ainsi que le jeune ténor Charles Sy.
Le concert donné dans la cour intérieure en plein air démarre de manière chronologique avec le 19e siècle d’Henri Duparc (1848-1933) et deux de ses mélodies bien connues. L’Invitation au voyage et le Lamento sont joués par Bertrand Chamayou et chantés par le ténor canadien Charles Sy, diplômé de la Juilliard School de New-York en 2019. Si la diction est très claire et détachée, le timbre sonne de manière un peu serrée. Ces deux pages, écrites respectivement sur des poèmes de Charles Baudelaire et Théophile Gautier, manquent ici sans doute de rondeur, ce type de voix très aiguë pouvant en revanche servir idéalement certaines partitions d’un Benjamin Britten par exemple.
On passe ensuite au 21e siècle avec la création mondiale de La natura del mondo, en présence du compositeur Pascal Dusapin (né en 1955) parmi l’auditoire. Le texte de la pièce, qui provient de La Divina Commedia de Dante, est chanté par Barbara Hannigan, tandis que Bertrand Chamayou distille d’abord de petites notes au piano, puis alterne avec de plus rares accords et arpèges. La partition ressemble à un long récitatif plaintif, avec certains passages qui éveillent l’intérêt : quelques notes tenues en son fixe avant d’y adjoindre un vibrato final, de légers hoquets sur le mot « balbuzïendo » (l’italien du Dante date du 13-14es siècles !), ou encore plusieurs aigus stratosphériques. C’est surtout l’interprétation de Barbara Hannigan qui se révèle passionnante, en véritable funambule du chant, qui se rit des écarts vertigineux entre certaines notes, toujours avec une musicalité impeccable.
Retour au 20e siècle ensuite, pour une longue séquence dédiée à Olivier Messiaen (1908-1992), qui commence avec La Mort du nombre, opus interprété par les quatre artistes en présence. Les contrastes musicaux sont saisissants, entre le violon léger et poétique de Patricia Kopatchinskaja et le piano montrant davantage de caractère de Bertrand Chamayou.
Du même compositeur, les Chants de Terre et de ciel pour soprano et piano constituent le morceau de choix de la soirée. Les premiers accords sont typiques de l’écriture de Messiaen, une musique riche de beautés et de surprises. Le style est parfois jazzy (le 2e chant « Antienne du silence »), l’humour est dosé à petites touches (3e chant « Danse du Bébé-Pilule »), la palette de nuances et rythmes est étendue, comme le 3e chant qui va crescendo jusqu’à un chant à plein force. Hannigan et Chamayou s’y montrent remarquables techniquement ; il faut reconnaître que les ruptures de rythmes sont parfois compliquées, ainsi que pour l’expressivité. Le texte chanté n’est toutefois pas toujours facilement compréhensible, mais l’engagement emporte tout. Les « Alléluia » du 6e chant « Résurrection » résonnent comme dans une église, sur des accords qui peuvent aisément évoquer des cloches.
Après des applaudissements très nourris et plusieurs rappels, c’est le retour au calme pour le mouvement final aux violon et piano de « Louange à l’Immortalité de Jésus », un passage instrumental à la douce mélodie remplie de poésie.
F.J. Photos I.F.
Павел dit
de Pascal Dusapin – une commande du Festival d’Aix-en-Provence donnee en premiere mondiale – aux ?uvres d’Olivier Messiaen et de Henri Duparc, suscitant une reflexion sur la mort et l’au-dela qui tend le fil rouge du motif « terre et ciel » a travers des atmospheres tour a tour extatiques, charnelles, domestiques ou metaphysiques.
Classique dit
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