Pianoforte et clavecin réunis dans une œuvre unique
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence jeudi 19 janvier 2023
Concert Carl Philipp Emanuel Bach et Wolfgang Amadeus Mozart
Ensemble Café Zimmermann ; Pablo Valetti, violon et direction ; Céline Frisch, clavecin. Alexander Melnikov, pianoforte
Carl Philipp Emanuel Bach, Symphonie en ré majeur ; Concerto pour clavecin et piano en mi bémol majeur. Wolfgang Amadeus Mozart, Concerto en sol majeur ; Divertimento en fa majeur
Après leur dernier concert aixois de fin novembre au théâtre du Jeu de Paume (chroniqué dans ces colonnes), et après son invitation en décembre par Musique Baroque en Avignon (notre annonce et notre chronique), Café Zimmermann – que l’on retrouve très souvent dans nos pages – nous donne cette fois rendez-vous au Grand Théâtre de Provence, en compagnie du pianiste Alexander Melnikov.
Le programme, consacré aux deux compositeurs Carl Philipp Emanuel Bach et Wolfgang Amadeus Mozart, commence par la Symphonie en ré majeur du premier. La formation de Café Zimmermann apparaît dans une très belle forme, et bénéficie de l’acoustique très favorable de la salle pourtant imposante : virtuosité des cordes, interrompue par instants par de petites touches aux bois, en particulier des mélodies développées par le basson. Le deuxième mouvement plus lent en largo donne l’occasion à la flûte de conduire sa ligne musicale sûre et élégiaque, puis le presto final marque de forts contrastes entre presque silences et traits véloces et plus volumineux.
Le soliste Alexander Melnikov rejoint la phalange pour le Concerto pour piano n°17 en sol majeur de Mozart, une musique à vrai dire très… mozartienne, ronde et élégante. En accord avec la pièce, Melnikov joue ce soir un pianoforte, instrument bien moins métallique et sonore qu’un piano moderne, au son qui tend par moments davantage vers le clavecin que le piano. Dans ces conditions, le musicien soliste a tendance à disparaitre régulièrement derrière l’orchestre qui le couvre acoustiquement. Mais on goûte à la délicatesse et la précision des arpèges bien détachés lorsque le soliste joue seul, ou lorsqu’il est accompagné d’un léger tissu orchestral. On apprécie aussi, à la fin de chaque mouvement, les cadences longues et à haute musicalité du pianoforte, dans le silence respectueux de la salle. Quelques effets acoustiques amènent des variations dans le jeu, comme ces notes quasiment étouffées au cours du deuxième mouvement. La complicité musicale entre le soliste et l’orchestre est par ailleurs une évidence.
Après l’entracte, les cordes seules jouent le Divertimento en fa majeur de Mozart en trois mouvements, souvent joyeux et dansants. Le Concerto pour clavecin et piano de CPE Bach qui suit est une occasion rare d’entendre ensemble les solistes Alexander Melnikov au pianoforte et Céline Frisch, l’habituelle claveciniste de Café Zimmermann. L’écoute de cette pièce est un vrai plaisir, en particulier lorsque les deux solistes dialoguent en des petites phrases musicales, souvent chargées d’espièglerie. Techniquement, les deux rivalisent également en termes de rapidité d’exécution, de fluidité des notes et de justesse du jeu. Le deuxième mouvement lent déroule une musique fine comme de la dentelle, puis le dernier mouvement plus vif donne une place plus importante à l’orchestre, qui a toutefois tendance à couvrir à nouveau les deux musiciens aux claviers dans les tutti.
A la fin du programme, le premier violon Pablo Valetti, qui assure la direction musicale de l’ensemble, nous indique que cette partition de CPE Bach constitue en fait, à la connaissance des musicologues actuels, le seul double concerto écrit pour clavecin et piano. Les artistes reprennent donc en toute logique le dernier mouvement de ce double concerto.
F.J. Photos I.F.
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