Eblouissante Marie-Ange Nguci
Mercredi 13 août 2025, 21 h, Auditorium du Parc du Château de Florans, Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron. Site officiel
Sinfonia Varsovia
Marie-Ange Nguci, piano et direction
Ludwig van Beethoven, Concerto pour piano et orchestre n° 4 op. 58. W.A. Mozart, Concerto pour piano et orchestre n° 20 K. 466. I. Stravinsky, l’Oiseau de Feu, extraits de la suite de 1919
Sans conteste, la jeune pianiste franco-albanaise Marie-Ange Nguci, 28 ans (le même âge qu’Alexandre Kantorow – entendu ici même il y a peu -), une habituée, maintenant, de la Roque d’Anthéron, est l’une des révélations majeures de ces dernières années. Musicienne intelligente et douée, élève du regretté Nicholas Angelich, elle a pu encore nous enchanter en cette soirée. Je n’avais pas eu l’occasion, l’année dernière, d’assister, avec le Sinfonia Varsovia, à ses premiers essais de direction d’orchestre et j’étais donc curieux de la voir à l’œuvre en cette présente édition. Son programme semblait la suite du précédent, Concerto pour piano n° 5 de Beethoven l’an passé, concerto n° 4 cette année, concerto n° 21 de Mozart en 2024, concerto n° 20 en 2025, un concerto qu’elle avait déjà donné en 2021, en ce même lieu, sous la direction, alors, d’Arie van Beek, à la tête de ce même Sinfonia Varsovia. Mais c’était bien elle, en ce 13 août, qui était entièrement à la manœuvre. Le Sinfonia Varsovia et Marie-Ange Nguci se connaissent bien, on le voit, et connaissent bien leurs partitions. Ce même orchestre, lui, avait déjà donné, en 2016, le concerto n° 4 de Beethoven avec Abdel Rahman El Bacha, sous la direction de Barry Douglas.
En cette soirée, son interprétation des deux concertos a été éblouissante. Son visage radieux, quand elle fait face au public, cache une personnalité passionnée, énergique, volontaire, autoritaire même. Depuis son piano, sa présence est permanente, galvanisante pour les musiciens, sa gestuelle toujours active. Son orchestre est bien tenu, coordonné, les nuances et dynamiques bien dosées. Sa technique pianistique lui permet de gérer aisément ses deux fonctions, les lignes musicales sont claires, piano et orchestre se marient ou dialoguent parfaitement.
Le premier mouvement du concerto de Beethoven déploie ses thèmes sereins ou plus animés, la cadence finale est admirable, maîtrisée avec virtuosité et sensualité. L’andante est plus dramatique, recueilli d’abord, avant une phase d’intensité plus tragique et un achèvement dans un calme mystérieux. Le final est allègre et joyeux, sautillant, les doigts courent, virtuoses, sur le clavier, une cadence inspirée clôt le débat. Ovation du public, bien évidemment !
Le concerto de Mozart fut également de belle facture : un allegro décidé, fougueux, dramatique parfois, un piano délicat ou conquérant, une excellente cadence, de la main de Beethoven (Mozart ne l’ayant pas écrite), une romance (Mozart voulut ainsi caractériser son deuxième mouvement) tendre et langoureuse, plus vive et animée en son avant-dernière partie, avant de retrouver sa tendresse initiale, un allegro énergique et joyeux, voyant la pianiste transmettre toute sa fougue à son orchestre, et à nouveau une cadence intense de virtuosité et de technicité… et à nouveau, belle ovation de la part du public !
Si Marie-Ange Nguci a su largement montrer ses capacités à diriger un orchestre depuis son piano, dans le domaine du concerto, donc, sa prestation de cheffe face à un orchestre seul m’a laissé plus perplexe. Elle avait choisi, pour cet exercice, les trois derniers numéros hyper-connus de la suite de 1919 de l’Oiseau de Feu de Stravinski, savoir la danse infernale du roi Kastcheï, la berceuse et le final, une œuvre que de toute évidence le Sinfonia Varsovia connaissait par cœur. Baguette dans la main droite marquant la mesure, main gauche pour les attaques et l’indication des nuances, remuante sur l’estrade, semblant parfois danser sur la musique, la cheffe néophyte ne nous a cependant pas paru vraiment influer sur l’essence de l’œuvre, lui imprimer sa personnalité, donnant l’impression parfois de diriger dans le vide et de l’œuvre une interprétation « standard », dans laquelle on aura noté une belle partie de basson dans la berceuse.
Mais Marie-Ange Nguci n’en est qu’à ses débuts dans cette fonction ; du travail est, certes, encore à effectuer, mais nous sommes certain, au vu de ses capacités musicales, qu’elle y réussira. Elle nous aura, en tout cas, offert une bien belle soirée, avec un Sinfonia Varsovia, précieux partenaire, encore à la hauteur de l’évènement, tous méritant les salves d’applaudissements finales.
B.D. Photos Valentine Chauvin
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