Beau final pour le Sinfonia Varsovia, avec deux excellents solistes
Vendredi 12 août 2022, 21 h, Auditorium du Parc, Festival International de Piano de La Roque-d’Anthéron
Sinfonia Varsovia, Aziz Shokhakimov, direction. Nelson Goerner, piano. Gabriel Stern, piano
Liszt, Totentanz (Danse macabre) pour piano et orchestre. Liszt, Concerto pour piano et orchestre n° 1. Liszt, Concerto pour piano et orchestre n° 2
Encore une belle soirée, comme sait nous en offrir le Festival de La Roque-d’Anthéron, réservée cette fois aux œuvres pour piano et orchestre les plus connues de Franz Liszt. Etaient présents, pour les interpréter, le maître, Nelson Goerner, et son élève à la Haute Ecole de Musique de Genève, le pianiste franco-israélien Gabriel Stern, 30 ans cette année, à qui notre région n’est pas inconnue puisqu’il débuta son apprentissage au conservatoire de La Ciotat et passa par celui de Marseille avant de prendre son envol. Il avait fait ses débuts à La Roque-d’Anthéron en 2020 par une interprétation fort remarquée des Etudes d’exécution transcendantes de Liszt (parues récemment en CD chez Mirare), compositeur qu’il affectionne particulièrement, comme nous l’a prouvé le présent concert.
Pour l’occasion, les deux solistes avaient choisi un piano Fazioli, que nous avons trouvé mieux approprié à la virtuosité et au brillant lisztiens qu’au concerto de Robert Schumann joué la veille, quoiqu’il fût à la limite de la justesse dans les extrêmes aigus.
C’est Nelson Goerner qui ouvrait le programme avec la Danse macabre (créée en 1849), œuvre qu’il avait déjà eu l’occasion de donner en 2018, avec le premier concerto, accompagné du même Sinfonia Varsovia, dirigé alors par le chef chinois Lio Kuokman. Cette paraphrase sur le Dies irae grégorien, réputée pour être l’une des partitions les plus difficiles pour le piano, a été aisément maîtrisée de bout en bout par le pianiste, à la technique irréprochable, d’une haute virtuosité, parcourant le clavier avec agilité, se jouant des glissandi, offrant toute sa délicatesse aux variations les plus méditatives et sa force aux plus énergiques. Soliste, chef et orchestre ont su rendre tous les aspects de cette œuvre, sombre, inquiétante, mais aussi théâtrale, évoquant l’avancée irrémédiable de la mort, mais ménageant aussi des instants de réflexion et de méditation. A l’ovation enthousiaste du public, Nelson Goerner a répondu en bis par l’andante, plus calme et rêveur, de la Sonate en la majeur D. 664, op. 120 de Schubert, avant de laisser la place à son élève pour les deux concertos.
Gabriel Stern abordait, pour commencer, le premier concerto, le fameux « concerto pour triangle », selon Hanslick (critique musical, 1825-1904), étant donné l’emploi fréquent de cet instrument dans les deux derniers mouvements, créé en 1855 par Liszt lui-même au piano et Berlioz à la baguette. Il en donna une belle interprétation, maître, avec le chef, de la dynamique, sachant exprimer, seul ou en parfaite osmose avec l’orchestre, la poésie, la finesse et la grâce, notamment dans le 2ème mouvement (quasi adagio) et le début du 3ème, aussi bien que l’énergie la plus virtuose, comme dans le final conquérant et martial.
Nous ne comparerons pas l’interprétation du 2ème concerto (créé en 1857) avec celle de Kantorow donnée quelques jours auparavant. Gabriel Stern a su lui aussi bien défendre cette œuvre, toujours à l’aise dans la virtuosité exigée, les arabesques pianistiques, les moments poétiques, non dénués de sentimentalité, les contrastes dramatiques, et en donner une interprétation convaincante, avec les qualités déjà affichées dans le premier.
Gabriel Stern s’est montré un pianiste sobre dans son maintien au piano, ne s’extériorisant pas, mais animé d’une énergie intérieure, économe dans ses mouvements physiques. Son jeu est tout en souplesse, sensible, précis, d’une belle musicalité. Le public l’a bien sûr ovationné, mais sa discrétion et sa réserve desservent encore le contact qu’il peut avoir avec lui. Il gagnera à être plus souriant et à s’attarder un peu plus sur scène lors des applaudissements.
Les bis qu’il a donnés étaient, comme on pouvait s’y attendre, tirés des Etudes d’exécution transcendantes, l’une paisible et introvertie, « Paysage », l’autre plus énergique, fougueuse et animée, « La chasse sauvage ».
Ce concert était, pour cette année, le dernier du Sinfonia Varsovia. Nous avons pu, à travers les prestations auxquelles nous avons assisté (le 5 août, avec en soliste Alexandre Kantorow ; le 8 août, avec Anne Queffélec piano et Marion Tassou voix ; le 9 août, avec Florent Boffard et percussions et danse ; le 11 août, avec David Kadouch et Tanguy de Williencourt), apprécier un orchestre bien en place, homogène, de belle sonorité, en pleine possession de ses partitions, engagé et répondant avec précision aux volontés du chef.
Aziz Shokhakimov a, lui, bien géré l’ensemble des œuvres proposées, sachant transmettre à ses musiciens, par sa présence, sa gestuelle expressive, son entière implication, sa passion et son énergie. Nous aurons plaisir à le revoir.
B.D. Photos Valentine Chauvin
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