Festival d’Aix-en-Provence (site officiel) à l’Hôtel Maynier d’Oppède (18 juillet 2023)
Soprano, Pretty Yende. Piano, Vanessa Garcia Diepa
Airs et mélodies de Gioachino Rossini, Vincenzo Bellini, Gaetano Donizetti, Claude Debussy, Franz Liszt, Gerónimo Giménez
Les débuts d’une grande belcantiste au Festival d’Aix-en-Provence
Débutant au Festival d’Aix-en-Provence à l’occasion de ce récital, le public provençal a déjà eu l’occasion d’entendre Pretty Yende : c’est elle en effet qui incarnait Adina dans L’Elisir d’amore de Donizetti monté l’année dernière aux Chorégies d’Orange.
Pour la première partie de son programme aixois, la soprano sud-africaine reste dans son répertoire d’excellence, à savoir le bel canto. Gioachino Rossini entame les débats, avec sa Promessa extraite des Soirées musicales, chantée avec musicalité, précision d’intonation et amenée de petites variations dans la reprise d’un couplet, ceci dans une acoustique particulièrement sèche pour le piano. Bellini (Vanne, o rosa fortunata – extraite des Sei ariette) est un compositeur qui convient aussi idéalement aux moyens de l’interprète, tout comme Gaetano Donizetti. Même si les deux passages parlent d’amour, sa canzonetta napoletana « Amor marinaro » est logiquement bien plus enjouée que la romanza qui suit « L’amor funesto ». Au cours de ce dernier, long comme un grand air d’opéra, on entend ses accents douloureux, amplifiés par une juste dose de vibrato. Le piano de Vanessa Garcia Diepa accompagne avec franchise, peut-être un peu avare de demi-teintes et nuances douces.
La séquence suivante est consacrée à Claude Debussy, cinq mélodies dans lesquelles la qualité du français de la chanteuse – très correcte, mais toutefois perfectible – est par endroits un frein à la compréhension du texte. Cela étant particulièrement vrai quand les paroles sont débitées à vitesse rapide, comme dans « Mandoline ». On apprécie les belles envolées lyriques qui retombent ensuite en mezza voce dans « Clair de lune », ainsi que les aigus épanouis du dernier « Apparition ».
Après un entracte, la seconde partie est encore plus en adéquation aux moyens développés par la soprano, à commencer par les Trois sonnets de Pétrarque de Franz Liszt, chantés en italien. Le premier « Pace non trovo » est une longue pièce en plusieurs sections qui dessine un relief dramatique au piano, tandis que la voix tient de jolis aigus sur un long souffle. Le deuxième « Benedetto sia’l giorno » comporte aussi ses élans lyriques, avant de passer à davantage de douceur et sérénité pour le troisième « I’vidi in terra angelici costumi ». A la conclusion de celui-ci, sur les paroles « On ne voyait sur rameau branler feuille – Tant douceur imprégnait l’air et le vent », une petite feuille tombe justement d’un arbre pour atterrir devant la chanteuse, celle-ci l’observe en esquissant un sourire sur ses derniers mots… un petit moment de magie comme seul le spectacle vivant peut l’apporter !
Passage au répertoire espagnol pour terminer le programme, avec le compositeur Gerónimo Giménez, pour lequel la pianiste semble cette fois complètement à son affaire. Pretty Yende fait preuve d’abattage dans les deux extraits de La tempranica, et développe un très beau moelleux dans le médium. Il faut signaler par ailleurs qu’elle chante l’intégralité de son programme sans aucune partition. Le dernier « Me llaman la primorosa » extrait de El barbero de Sevilla, peut aussi faire concurrence aux passages les plus belcantistes, air très brillant à vocalises et trilles finaux tenus longuement.
C’est un Barbier de Séville plus connu que proposent en bis les deux artistes, celui de Rossini et son tube « Una voce poco fa » en air d’entrée de Rosina. Si l’accompagnement au piano est bien laborieux, la soprano paraît s’amuser des difficultés de la partition, ajoutant aigus piqués, enfilades de notes et variant à loisir les reprises… du grand art !
I.F. Photos © Vincent Beaume
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