Mercredi 18 octobre 2023, 20h, théâtre Benoît XII, Avignon. Dans le cadre de la saison 2023-2024 des ATP (Amis du Théâtre Populaire d’Avignon, site officiel)
Le Fossé, de Jean-Baptiste Barbuscia. Mise en scène, Serge Barbuscia. Avec Xavier Coppet, Alcie Faure, Fabrice Lebert, Charlotte Adrien, Laurent Montel. Compagnie Serge Barbuscia
ATP contact: 04 86 81 61 97
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Cette première pièce d’un auteur de 27 ans – aujourd’hui 28 -, Jean-Baptiste Barbuscia, mise en scène par son père Serge, directeur du théâtre du Balcon, a déjà rencontré un large public. Les sept dates – une gajeure ? – de cette création-maison en avril 2023, sans compter les séances scolaires et diverses rencontres en amont, avaient pratiquement fait salle pleine ; le succès a été confirmé par le Festival 2023.
La pièce est reprise dans le cadre des ATP, en option hors abonnement, à raison d’une séance grand public (mercredi 20h, et de deux séances pour scolaires, le lendemain, à 10h et 14h30). Nous l’avions vue à sa création.
Nous avions échangé avec Jean-Baptiste Barbuscia quelques jours avant la création. La dernière ligne droite lui offrait « beaucoup d’excitation, certes, mais aussi des doutes, des inquiétudes. Comment le texte sera-t-il reçu ? Quelle est l’attente du public ? Sera-t-il surpris ? Je serais heureux s’il était surpris… ». Ce Fossé porte la fraîcheur des « premières fois », mais aussi, même allégée par un regard décalé, même distanciée par « le rire de l’insupportable », l’inquiétude d’un monde dont on ne sait s’il se termine. Ces « clivages de plus en plus profonds », ces « barrières invisibles, entre les hommes et les femmes, entre les cultures, les religions, les classes sociales », le jeune auteur en a fait une pièce nourrie de ses illustres devanciers, lui qui a été bercé par les mots depuis le berceau. Passionné, intarissable pour parler de sa pièce et de sa conception du monde, il constate aussi un énorme fossé générationnel : « J’ai toujours eu l’impression que mon père n’avait pas eu la même vie que moi ; lui n’avait peur de rien ; nous, nous avons peur de tout. A leur génération, pour reprendre Mark Twain, on n’avait pas dit que c’était impossible, alors ils l’ont fait ; à nous au contraire, on nous a dit : ne le fais pas ! Serge n’avait peut-être pas les armes, les bagages, pour créer, pour dire ce qu’il avait à dire, il n’était pas architecte, et pourtant il a construit des ponts, symboliquement… Moi qui ai les outils, qui sais où poser les pierres, mon pont me sera refusé… » C’est pour insuffler l’espoir, la confiance, que Jean-Baptiste organise quantité de rencontres avec les jeunes, certains à peine ses cadets : « Vous avez le droit de rêver vous aussi, de construire », de combler les fossés…
Nous avons vu la pièce.
Le fossé, quel fossé ? Devant un mur sinistre cachant « le » fameux fossé dont on parle toujours mais qu’on ne voit jamais, plus redoutable encore parce qu’il est fantasmé, voilà que trois, puis quatre, puis cinq personnages se rencontrent, s’évitent, jouent au chat et à la souris, en quête de réponses toujours absentes. Faut-il creuser ? Reboucher ? Pourquoi ? Pour quoi ? On est d’abord chez Godot, puis Sisyphe qu’on ne peut évidemment pas imaginer heureux, ou chez un Hamlet toujours englué dans son interrogation métaphysique (« to be or not to be ») ; et de multiples clins d’œil, culturels ou médiatiques, nous confrontent à une fable tout à fait contemporaine, dans un monde où la désespérance se révèle ontologique. Le rire, nerveux plutôt que libérateur, est bien la seule réponse que nous puissions apporter à un univers dont la finalité ne cesse de nous échapper. Et pourtant, cette petite flamme intérieure qui empêche de sombrer dans l’ennui ou le désespoir, ne serait-elle pas le tout dernier cadeau d’un Pandore moderne, l’Espérance ?
La séance sera dédiée à Richard Martin, fondateur du théâtre Toursky à Marseille, et ami de Serge Barbuscia, disparu le 16 octobre 2023
G.ad. Photo G.ad.
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