Samedi 13 avril, 20h, durée 3h30 avec entracte. Dans le cadre de la saison de l’Opéra de Toulon (site officiel) ; pendant les travaux, opéra-hors-les-murs : Le Liberté, scène nationale, Place de la Liberté, 83000 Toulon
Claudio Monteverdi, Le Couronnement de Poppée
Opéra en un prologue et trois actes de Claudio Monteverdi (1567-1643). Livret de Giovanni Francesco Busenello, d’après les Annales de Tacite. Création : Venise, Teatro Grimano (Santi Giovanni e Paolo), en 1642-1643. Version de Venise (1650)
Direction musicale, Leonardo García Alarcón. Mise en scène, Ted Huffman. Réalisation de la mise en scène, Maud Morillon. Décors, Anna Wörl. Costumes, Astrid Klein. Lumières, Bertrand Couderc. Réalisation des lumières, Laurent Irsuti. Collaboration aux mouvements et maître d’armes, Victor Duclos. Collaboration artistique, Lise Labro. Dramaturgie, Antonio Cuenca Ruiz
Poppée, Jasmin Delfs. Néron, Nicolò Balducci. Ottavie / La Vertu, Victoire Bunel. Othon, Paul Figuier. Sénèque, Ossian Huskinson. Arnalta/ La nourrice/ Damigella/ 1er domestique, John Heuzenroeder. La Fortune/ Drusilla, Laurène Paternò. L’Amour/ Le vallet, Juliette Mey. Lucain/ 1er soldat/ 2e domestique, Luca Bernard. Liberto/ 2e soldat, Sahy Ratia. Un licteur/ 2e domestique, Yannis François
Orchestre Cappella Mediterranea
Coproduction Festival d’Aix-en-Provence, Opéra de Toulon, Opéra de Rennes, Palau des Arts Reina Sofìa/Valencia
Chanté en italien, surtitré en français
Voir aussi le compte rendu d’un autre de nos chroniqueurs,
toute la saison de l’Opéra de Toulon hors-les-murs
Quelle belle découverte que cette version harmonieuse, tant vocalement, instrumentalement que scéniquement, malgré l’indélicat contrepoint apporté par ce long tuyau d’évacuation mi-noir et mi-blanc qui oscille en permanence au-dessus des protagonistes tel un pendule.
À la manière d’un opéra tréteau qui convoque dans la fosse un orchestre resserré de treize musiciens, ce compris le maestro Leonardo Garcia Alarcón à l’orgue positif, qui n’hésitent pas changer d’instruments ou de jeu, les neuf chanteurs endossent parfois plusieurs rôles, dans une économie de costumes et d’accessoires.
Présents sur scène tout au long des trois actes, ils contemplent et cautionnent aussi bien la mort de Sénèque, la répudiation d’Octavie et le bannissement d’Othon que l’immoralité d’une intrigue qui consacre la passion adultérine qui réunit Poppée et Néron.
Le plateau, composé d’une majorité de jeunes chanteurs, fut propice pour le metteur en scène Ted Huffman à de sulfureux et érotiques échanges. Saluons le scandale de la mort de Sénèque, au-dessus du grabat duquel la mise en scène introduit une irrévérencieuse et licencieuse scène à trois, comme le bannissement de l’impératrice Octavie sur fond de préparation du mariage de Poppée et de Néron.
Le chef Leonardo Garcia Alarcón est là dans son élément, faisant feu parfois de son orgue pour brouiller l’harmonie, avilir ce qui aurait été trop joli, laisser place à un furieux solo de harpe ainsi qu’à l’écho opportun des klaxons d’un convoi de noces.
Le plateau brille de mille feux, porté par les voix brillantes et équilibrées des solistes. Plus souvent dénudés et nus pieds, la Poppée de Jasmin Delfs comme le Néron de Nicolò Balducci forment un couple d’amants des plus crédibles, manipulateurs mais aussi asservis à leur désir charnel. Leurs timbres fusionnels, en échos permanents, font merveille dans le duo final.
L’Octavie de Victoire Bunel, toute à son chignon et à sa tenue guindée, n’en est pas moins des plus nobles et dramatiques en épouse bafouée, qu’elle enjoigne Othon à assassiner Poppée ou qu’elle déplore son bannissement loin des fastes de la cour. Paul Figuier campe un juvénile Othon en bermuda, incrédule et cocu, mais pathétiquement fidèle à son amour pour Poppée.
La jeune Juliette Mey, honorée de son récent couronnement aux Victoires de la musique classique, brille en Amour en scène, tant par sa voix véloce, ronde et homogène, que par sa fanfaronne présence scénique.
Ossian Huskinson, auquel revient le rôle d’un Sénèque plus débonnaire que vieillissant, voit sa mort en sage stoïcien, tragi-comique, raillée par trois domestiques. La qualité de son timbre est indubitable, peut-être trop juvénile encore pour incarner le conseiller de Néron… mais après tout, n’est-il pas qualifié de maître impertinent et de philosophe insolent ?
La nourrice vibrionnante campée au pied levé par le ténor John Heuzenroeder en replacement de Joël Williams, use du travestissement en un mode burlesque qui fait mouche notamment dans son duo avec le page ou dans son air final qui la consacre matrone. En revanche la berceuse en demi-teinte qui lui aura été demandée de chanter en voix de tête, moins claironnante, qui plus est dans la niche réservée en fond de scène qui assourdit les voix plus qu’elle ne les amplifie, laisse insatisfait voire frustré.
Laurène Paternò en Drusilla, prête à se compromettre pour assister puis sauver Othon qu’elle aime, en s’accusant de la tentative d’homicide contre Poppée, endosse avec bravoure son rôle.
Alors que Luigi Rossi, à la même période, à Rome, dans Il palazzo incantato, conviait ses chanteurs à louer les plaisirs du palais de Cupidon – dans une version enchantée dirigée par Leonardo Garcia Alarcón à l’opéra de Dijon il y a quatre ans – il ne manquait au couronnement de Poppée qu’un chœur réunissant les voix amples et plutôt homogènes de cette troupe alerte, ce dont Monteverdi nous a malheureusement privés.
M.S. Photo : © Fred. Stephan
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