L’Histoire toujours en marche ?
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Le Train bleu, 15h50, 2h05 (trajets en navette compris). Du 3 au 21 juillet, relâche les 8 et 15 juillet. A partir de 13 ans
Nous revivons dans la salle des Menus plaisirs à Versailles la nuit du 4 août 1789 avec intensité et suspense. Tel un sprint (raconter plusieurs heures en moins d’une heure) afin de montrer que cette nuit a changé durablement le monde du XVIIIème siècle sans que ses principaux acteurs ne l’aient ainsi imaginé au début.
Un narrateur est seul sur scène, Maxime Pambet, entouré par un public siégeant dans 4 tribunes : les députés des trois ordres siégeant dans la nouvelle Assemblée nationale depuis juin 1789. En s’installant, le public ne sait quelle tribune il choisit, ni quel rôle il pourra être amené à jouer lors de cette représentation.
Hugues Duchêne, auteur et metteur en scène, a choisi d’adapter le roman de Bertrand Guillot pour nous faire vivre plus de 8 heures de discours, d’échanges, de sidérations et de propositions qui ont marqué l’histoire française. Maxime Pambet interprète à tour de rôle les différents acteurs de cette nuit : Adrien Duquenois, Joseph Delaville Le Roulx, Jean-Baptiste Target, Guy Le Guen de Kerangal, députés du Tiers-État ; Isaac Le Chapelier, président de l’Assemblée, le vicomte de Noailles, le duc d’Aiguillon, le duc du Châtelet, Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, députés de la noblesse ; Charles-Maurice de Talleyrand, député du clergé, pour n’en citer que quelques-uns.
Nous assistons alors à un tourbillon de prises de paroles et de discours qui retracent tout d’abord cette célèbre nuit : après les propositions du vicomte de Noailles – que tous paient les impôts, que les charges soient supportées par tous, que les droits féodaux soient rachetables et que les corvées seigneuriales soient abolies -, le système de la société d’ordres commence à se fissurer sous l’annonce des nobles de la renonciation à leurs droits personnels. La surenchère est criante. Le Tiers-Etat exulte, et une autre nuit commence, tout le monde veut s’exprimer. Contre toute attente, quelle portée historique aura cette nuit ! Une nation prend naissance, il n’y a plus de particularités régionales ni de privilèges. Que d’exaltations ! Le roi n’est nullement contesté : la monarchie perdure.
La deuxième partie retrace les 15 années qui ont précédé l’année 1789 et tous ses bouleversements : la proclamation de Louis XVI comme roi, le déficit budgétaire, l’affaire du collier de la Reine, puis la convocation des États généraux et les dates clés du printemps et de l’été 1789.
Enfin, la dernière partie rappelle que le roi ne signe pas ce décret du 4 août alors que les événements s’enchaînent : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la nationalisation des biens du clergé, les femmes allant à Versailles chercher le roi car le peuple crie toujours famine dans ce royaume aux nombreuses richesses !
Outre la performance scénique de Maxime Pambet de nous faire revivre, tel un sprint, ces événements qui ont accéléré le cours de l’histoire, Hugues Duchêne intervient aussi dans ce spectacle pour engager un dialogue avec son narrateur sur la similitude de l’histoire avec notre époque. Cette nuit du 4 août est aussi réclamée à nouveau par certains aujourd’hui pour mettre fin au productivisme, à la surconsommation, à la production de CO2, soit une révolution énergétique qui effraie en proposant un nouveau monde. Ce mur qui est tombé est assez proche de celui qui deux cent ans plus tard est tombé à Berlin. Finalement les termes utilisés (privilèges, impôts, inégalités, croissance, travail, carbone, élection…) peuvent prendre un autre sens plusieurs années plus tard et conduire à un changement de régime redouté par tous les acteurs qui le vivent…
Un spectacle si intense historiquement mais aussi moralement quant à ses parallèles avec notre monde contemporain. Cette folle nuit ne semble pas finie pour le spectateur : l’histoire est-elle un éternel recommencement ? Expliquer le passé pour mieux comprendre le présent ? L’actualité nous donne à réfléchir …
Christèle. Photo Blokaus 808
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