La Voix humaine, Jean Cocteau, tragédie amoureuse pour une actrice et une pianiste, dans les Carrières du Château de Lacoste (20-08-2020)
Véronique Fourcaud, actrice ; Mahoko Nakano, pianiste ; Stephan Roche, mise en scène
Une belle avant-dernière soirée du Festival 2020 Pierre Cardin dans les Carrières du château de Sade à Lacoste, en forme d’hommage : La Voix humaine de Cocteau est accompagnée de multiples clins d’œil et retours en arrière dans les éditions antérieures. Le Festival a eu raison de se maintenir malgré les incertitudes de la situation sanitaire.
Le Festival de Lacoste est loin de faire le plein ce soir… et c’est bien dommage ! Le cadre de ces anciennes carrières à ciel ouvert est en effet toujours aussi enchanteur, impressionnant et sans doute aussi un peu énigmatique, voire menaçant au fur et à mesure de la tombée du jour. Les conditions d’écoute sont en tout cas idéales, le lieu encaissé étant mis à l’abri du vent. Le titre à l’affiche de la soirée fait partie du répertoire théâtral, La Voix humaine de Jean Cocteau et non pas la tragédie lyrique de Francis Poulenc composée sur le même texte, mettant en scène une femme seule au téléphone, en pleine rupture amoureuse.
Fidèle parmi les fidèles à la manifestation depuis sa création il y a 20 ans, Eve Ruggieri présente la soirée au public, en remerciant d’abord chaleureusement le maître des lieux Monsieur Pierre Cardin. Il s’agit même d’un double remerciement, d’abord pour son action de soutien aux artistes à Lacoste, et ailleurs, depuis de nombreuses années, et puis pour saluer le maintien de l’édition 2020, en cette année si particulière : « A une époque où beaucoup ont baissé les bras, vous avez tenu à continuer le Festival de Lacoste (…) Vous avez vaincu ce sinistre virus qui nous éloigne les uns des autres (…) ». Eve Ruggieri nous rappelle ensuite la première triomphale en 1930 de la pièce du touche-à-tout Jean Cocteau, surnommé « le prince futile », et s’interroge : « Que penserait-il de notre époque où l’on rompt une liaison d’un simple SMS, sans une voix, sans un regard ? ». Et puis ce soir, il s’agit d’une Voix humaine un peu « augmentée » – comme pourraient dire les « modernes » ! – puisqu’en plus du texte original sont annoncées cinq chansons sur les thèmes de la solitude, de la jalousie, de la souffrance…
Le spectacle est mis en scène par Stephan Roche, également interprète d’une partie des chansons. La scénographie est légère, centrée sur quelques éléments essentiels de mobilier : lit à gauche, fauteuil à droite et au centre une table basse sur laquelle repose l’acteur-objet principal de la représentation… le téléphone ! Pour interpréter la femme délaissée, Véronique Fourcaud est une belle diseuse qui imprime au texte les bons choix de tons, débits et rythmes avec naturel, passion… et en somme humanité ! La tâche n’est pourtant pas aisée dans ce très long monologue émaillé de silences – pesants lorsque les mots ne parviennent plus à sortir « face » à son ex-amant distant – et de coupures techniques inopinées, marquées ensuite par des « drelin drelin » du piano lorsque le correspondant rappelle. Le piano très agréable et bien en situation de Mahoko Nakano distille quelques petites musiques d’ambiance, mais sait aussi laisser les plages de silence où le spectateur partage la déception de cette femme, son désespoir, jusqu’à son effondrement, à genoux à terre ou écroulée dans le fauteuil.
La première des chansons qui ponctuent la pièce est La solitude interprétée justement par Véronique Fourcaud dans le style de Barbara, et plus tard Sans toi d’Agnès Varda. Trois chansons échoient à Stephan Roche, d’abord L’un part, l’autre reste de Charlotte Gainsbourg, puis la plus célèbre Avec le temps où l’on entend des accents de Léo Ferré, enfin le poème de Paul Verlaine Le ciel est, par-dessus le toit, Si bleu, si calme ! sur une musique de Reynaldo Hahn.
Au terme de la pièce proprement dite, les artistes ont préparé une petite surprise en proposant des extraits de spectacles antérieurs produits par Pierre Cardin. C’est pour l’occasion Stephan Roche qui prend le micro en commençant par un passage de Tristan et Yseult, la « légende musicale » inscrite à l’affiche de la première édition du Festival de Lacoste en 2001. Le chanteur faisait partie de la troupe et il est amusant de voir les images d’il y a 20 ans projetées sur les murs de pierre, au travers du riche jeu de lumières et fumées. Vient ensuite une production plus récente de théâtre musical, Rimbaud Verlaine, passée fin 2019 au Théâtre du Gymnase à Paris, puis pour conclure Dali Folie, spectacle musical plutôt déjanté, monté il y a 20 ans à l’Espace Pierre Cardin.
Un public heureux qui en a pris plein les yeux, un magnifique ciel étoilé, une petite fraîcheur nocturne bien agréable après la chaleur de la journée… nous nous joignons à l’ensemble des artistes : Merci Monsieur Cardin ! (F.J. Photos Morgan Palun).
Laisser un commentaire