La Traviata à Oppède-le-Vieux : le « Petit Poucet de l’opéra » en Provence !
Vendredi 15, samedi 16 et lundi 18 août 2025, 21h, Place de la Croix à Oppède-le-Vieux (84). Dans le cadre des Opéras et concerts au coucher du soleil (site officiel)
Violetta, personnage principal, courtisane, Inna Kalugina. Flora, amie de Violetta, Claire Cervera Lenert. Annima, femme de chambre de Violetta, Daria Mykolenko. Alfredo Germont, amant de Violetta, Ping Zhang. Gaston vicomte de Letorières, ami de Violetta, Grégoire Mour. Le baron Douphol, prétendant amoureux de Violetta, Zhiyi Zhu. Le marquis d’Obigny/ le docteur Grenvil, ami de Flora et médecin de Violetta, Aran Matsuda. GIUSEPPE – serviteur de Violetta, Francisco Valadez
Orchestre, Paris Symphonic Orchestra. Violon solo, Christophe Guiot. Etudes musicales, Sylvain Souret – Pianiste, chef de chant. Instrumentation, Jean-Philippe Kuzma. Réalisation scénique de l’Opéra, Cyril Diederich et les solistes. Régie lumières, Olivier Daulon. Direction musicale, Cyril Diederich
NOTRE COMPTE RENDU
On sait combien est riche et foisonnant l’été opératique en Provence, avec des lieux aussi emblématiques et incontournables que sont les Chorégies d’Orange (mais le théâtre antique l’est-il encore aujourd’hui avec deux seules soirées en version concertante… avec pourtant un montant de subventions doublé ?) et le Festival d’Aix-en-Provence qui, en revanche, parvient à le demeurer, en dépit des très graves problèmes financiers auxquels il doit faire face (comme l’ont révélé largement les médias en 2024, NDLR)…
Aussi, pouvait-on logiquement se demander ce qu’il pourrait advenir d’un projet différent, original, sans moyens, mais avec une volonté exorbitante, d’un « certain » Cyril Diederich, local de l’étape, mais dont il faut se souvenir qu’il fut à des périodes successives directeur-adjoint de l’Orchestre régional d’Avignon, directeur des Orchestres de Montpellier et de Mulhouse (dans le cadre de l’Opéra national du Rhin), mais dont on oublie souvent qu’il avait créé, au tout début de sa carrière professionnelle, et avec la complicité du regretté metteur en scène Guy Coutance, ces délicieux petits opéras de Haydn qui ont alors fait la renommée et l’identité de la Cour de la Charité de Carpentras : un lieu, un opéra de tréteaux, de jeunes artistes à découvrir (chose très rare à l’époque), et un petit orchestre : pari gagné, des salles pleines, de magnifiques découvertes !
Ce concept pouvait-il être imaginé dans un autre lieu, quelques décennies plus tard ? Défi aujourd’hui remporté haut la main.
Grâce à un lieu : cette magnifique place de La Croix, lieu évident et naturel de spectacle, enserré entre un micocoulier centenaire et une jetée d’oliviers…
Grâce à l’incroyable engagement d’une municipalité et de son maire actuel, Jean-Pierre Géraut, à celui de toute l’équipe de ces « Concerts au coucher de soleil » (quelle jolie appellation !), devenus aujourd’hui… « Opéras au coucher du soleil », équipe motivée, attentive et accueillante, entraînée par l’irremplaçable Marie-Dominique Besson.
Et grâce au chef d’orchestre (c’est le cas de le dire !) de ce projet, renouvelé, amélioré d’année en année, avec, en cette 9ème édition, une Traviata donnée 3 fois à guichets fermés (plus de 1500 personnes), certes Traviata qui fait partie du Top 10, voire du Top 3 mondial de l’opéra.
Et avec une ovation debout pour une jeune soprano ukrainienne qui abordait pour la première fois le rôle écrasant de Violetta (il l’était d’autant plus que l’ouvrage était donné sans entracte !), Inna Kaliguna, une voix généreuse, facile, d’une belle couleur, qui trouvait son meilleur emploi aux actes II et III, manquant en effet de quelque vélocité et agilité dans les vocalises exigeantes et quelque peu escamotées du « Sempre libera », scéniquement très engagée, parfois trop, la conduisant inutilement à devoir surjouer. Toutes remarques que le contact de la scène devrait lui permettre de gérer positivement.
Elle avait en l’Alfredo de Ping Zhang un partenaire efficace et consciencieux, vocalement correct (pas de cabalette au 2), chez qui on souhaiterait néanmoins un empressement plus évident.
Les autres rôles, nombreux ici, étaient dans l’ensemble bien tenus (à l’exception d’une Flora sympathique, mais on ne peut plus effacée vocalement) avec le Baron de Zhiyi Zhu, le Marquis alerte d’Aran Matsuda, et un docteur Grenvil assez touchant (même interprète). Avec une mention particulière pour le Gastone de Grégoire Mour, dont la voix est solide et bien projetée, et une mention TOUTE particulière à l’Annina d’une autre jeune ukrainienne, Daria Mykolenko, très touchante dans le rôle lui-même, mais dont la voix est rayonnante et solaire dans les ensembles, nombreux du fait de l’absence de Chœur et remarquablement précis : une pépite en devenir !
Mais, pour nous, la plus belle satisfaction de ce plateau vocal vient du Germont d’Antonino Giacobbe : certes, la voix est encore jeune avec un médium et un grave un peu frêles, mais un aigu généreux, très bien placé, et surtout une musicalité et une interprétation déjà très affirmées. Un élément à suivre, indiscutablement !
Toutefois, en évoquant toute cette équipe, Cyril Diederich nous permettra-t-il de lui faire le reproche d’avoir distribué aussi peu de chanteurs français, alors que nous avons la chance d’avoir actuellement une formidable génération de jeunes chanteurs qui ne demanderaient qu’à porter une telle Traviata ! À méditer pour l’opéra 2026 !!
Et nous ne pouvons évidemment terminer ce compte-rendu sans évoquer cet orchestre d’une quinzaine de musiciens, fidèles au… coucher de soleil d’Oppède, issus des grands orchestres parisiens (Radio France et Opéra de Paris, notamment), sous la direction attentive et enveloppante de Diederich, avec un mot particulier pour la qualité du travail de réduction, avec un son toujours équilibré qui permet de faire rapidement abstraction du véritable effectif. Ce qui est un travail remarquable : le nom de son auteur pourrait être justement cité !
Et cette soirée, extrêmement jouissive dans sa simplicité, dans sa fidélité à l’œuvre et dans sa générosité, a conquis un public qui fait désormais de ces soirées une étape incontournable de l’été lyrique provençal : Petit-Poucet est devenu grand !
On attend avec impatience l’affiche 2026…
MdlV. Photos Alexandre Aubanel
LE MOT DU DIRECTEUR ARTISTIQUE
« Partager en intense harmonie, avec un public extrêmement divers, ma passion pour l’opéra, demeure un vœu que j’ai plaisir à réaliser chaque année en programmant les Concerts au coucher de soleil à Oppède-le-Vieux.
Après un cycle consacré à Mozart durant les années 2020, 2021 et 2022 avec les opéras Don Giovanni, Cosí fan tutte et les Noces de Figaro, nous avons présenté la saison dernière l’opéra le plus connu de Rossini, apogée de la comédie, Le Barbier de Séville, qui est considéré comme une préquelle à l’histoire des Noces de Mozart.
Cette prochaine édition 2025 sera ambitieuse et la distribution particulièrement choisie car c’est mon vœu le plus cher que de garder le sens du devoir de transmission en invitant chaque année de jeunes solistes issus de la nouvelle génération et de leur proposer d’interpréter leurs premiers grands rôles à l’opéra. Ainsi plus d’une vingtaine de jeunes artistes lyriques ont été accueillis dans notre festival et sont devenus des premiers rôles au sein d’opéras européens.
Le choix de La Traviata n’est pas anodin :
C’est sans doute l’œuvre la plus populaire et la plus accessible de Verdi et même de tout le théâtre lyrique
Elle est l’une des plus universellement représentées, avec Carmen et Tosca, toujours à l’affiche dans le monde.
C’est l’opéra préféré de Verdi par cet hommage qu’il rend à la femme, ce qui choquera le public, entraînant des lazzi à sa création à la Fenice : oser rendre héroïne une courtisane.
Inna kalugina, que j’estime être dans la jeune génération une véritable Traviata, tant par ses qualités vocales que son jeu dramatique, interprètera le rôle principal.
Je dirigerai ces trois soirées d’opéra à la tête du fidèle orchestre constitué des meilleurs musiciens de l’Opéra de Paris et des orchestres de Radio France qui ont plaisir à rejoindre notre équipe chaque année.
Loin des grandes scènes traditionnelles, ce festival d’opéras et de concerts lyriques est unique dans sa proposition artistique en région Provence-Alpes-Côte d’azur.
La pureté d’un village préservé, classé « patrimoine remarquable » souligne ce travail, au service de la musique et des artistes, avec une politique tarifaire qui se veut accessible à chacun.
Dans ce village au riche passé culturel avec le soutien du maire et de sa municipalité, gardons confiance en la pérennité de ce festival. »
Cyril Diederich
directeur artistique et musical des Concerts au coucher de soleil
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