Quelle délicieuse Petite Sirène !
Vendredi 7 février 2025, 20h, durée 50 min. L’Autre Scène, Vedène
La petite Sirène. Musique et livret Régis Campo
Direction musicale, Jane Latron. Mise en scène/ dramaturgie, Bérénice Collet. Lumières, Alexandre Ursini. Créateur vidéo Christophe Waksmann. Décors/ costumes, Christophe Ouvrard. Assistante mise en scène, Marie Leroy. Études musicales, Juliette Sabbah. Voix off, Clara Barbier Serano, Bérénice Collet et Baptiste Fétique. La Petite sirène, Apolline Raï-Westphal. La sœur/ La servante Elsa Roux-Chamoux. La sorcière/ La grand-mère, Marion Pascal Vergez. Le prince, Sébastien Monti
Orchestre national Avignon-Provence : violon1, Pauline Dangleterre ; violon 1, 2e soliste, Po Chao Tseng ; violon 2, Marie-Anne Morgant ; violon 2, 2e soliste, Teresa Martinez Diago ; alto, Fabrice Durand ; violoncelle, Pierre Landy ; contrebasse, Frédéric Béthune ; flûte, Elodie Roux-Aragau ; clarinette, Christian Chiron ; percussions, Hervé Catil ; harpe, Aliénor Girard
Éditions Henry Lemoine & Cie
Créé le 9 mars 2024 au conservatoire de Nice
Dans le cadre d’Opéras au Sud, un programme unique et innovant de soutien à la production lyrique. Production à l’initiative de la Région SUD. Coproduction ARSUD, Opéra-Toulon Provence Méditerranée, Opéra Nice Côte d’Azur, Opéra Grand Avignon, Opéra de Marseille et ARCAL-Compagnie Nationale de théâtre lyrique et musical. Avec le soutien de la DRAC Provence-Alpes-Côted’Azur et du Fonds de création lyrique.
La Fondation Signature a décerné le Prix d’Atelier 2024 à l’Opéra de Nice Côte d’Azur pour la réalisation des costumes de La Petite sirène
Voir aussi toute la saison de l’Opéra Grand Avignon
et tous nos articles de février 2025
Quelle délicieuse Petite sirène, en opéra familial ! Il restait peu de places libres dans la salle de l’Autre Scène, où l’opéra Grand Avignon programme habituellement ses « petites formes » ou ses spectacles atypiques. Le public intergénérationnel a été séduit, comme en témoignait l’attention silencieuse de bout en bout. La partition, inventive et miroitante comme l’onde, révélait les multiples couleurs des divers pupitres de l’Orchestre National Avignon-Provence en formation chambriste joliment dirigé par Jane Latron : la harpe d’Aliénor Girard notamment, supplémentaire habituelle de l’Onap, est particulièrement sollicitée, et en des modes très divers.
Un dispositif scénique simple mais astucieux, même s’il n’est pas nouveau, suggère aussi bien le monde onirique des profondeurs – couleurs, images, lumières féériques – que celui de la surface. Une armoire s’ouvre sur la petite sirène, ou sa sœur, leur grand-mère, la sorcière, ou le prince ; les tiroirs s’en déploient opportunément en escalier. Tous les mouvements de décor sont fluides, les déplacements des personnages sont glissés, les ondulations des bras, des corps, miment la danse des vagues, comme les crescendos/ decrescendos de l’orchestre suggèrent le ressac.
On passe en souplesse du parlé au chanté, et l’on entre ainsi avec naturel, presque comme une souriante évidence, dans les différents univers qui s’imbriquent et se mêlent plus qu’ils ne s’opposent. Clara Barbier-Terrato, en remplaçante d’Apolline Raï-Westphal souffrante, incarne une petite sirène gracile, tantôt lumineuse tantôt douloureuse, toujours juste, scéniquement et vocalement. Le duo entre sa sœur et sa grand-mère (soprano/ mezzo) est un vrai moment d’opéra. Seul le livret se révèle indigent et plat, bien éloigné de la délicate poésie qui imprègne l’ensemble du spectacle.
Mais ce conte délicieux est enchâssé dans un autre récit, comme l’avait fait, lui inopportunément, le récent Turandot, énigmes au musée. Avec la Petite sirène, le rajout introductif et conclusif, sans briser la poésie et en réelle unité de ton, apporte une vraie grille de lecture. Une jeune adolescente révoltée – qui deviendra en rêve la petite sirène -, échange des textos annonçant qu’elle « part » ; in fine, se réveillant, et ayant compris par son rêve le prix du sacrifice, elle tape sur son Smartphone, visiblement libérée : « Je reste ».
C’est dans le cadre des « Opéras au Sud », mutualisation des quatre maisons d’opéra de la région (Avignon, Marseille, Nice, Toulon), que Régis Campo a composé cette Petite Sirène, créée en mars 2024 au Conservatoire de Nice, et que Marseille accueillera les 3 et 5 avril ; à l’instar de Rusalka, monté dans le même cadre, créé à Avignon, et joué sous peu à Marseille (11, 13, 16 février). Ces créations méritent de tourner bien au-delà de leurs maisons co-productrices.
Régis Campo est par ailleurs nommé aux Victoires de la musique classique 2025 dans la catégorie Compositeur ; la cérémonie de remise des Victoires est attendue début mars.
G.ad. Photos Dominique Jaussein (Nice) et G.ad. (salut)
Note d’intention
Quelle bêtise irréparable peut commettre un adolescent ?
L’Opéra, grâce à sa musique enveloppante et immersive, permet, comme les contes et le théâtre, de donner à penser aux spectateurs – ici, aux jeunes spectateurs et à leurs parents, – dans un cadre où l’esprit est détendu et réceptif à l’histoire qu’on lui raconte. Derrière la féérie aquatique de Hans Christian Andersen se cache un conte cruel et initiatique qui nous en dit beaucoup sur les enfants et les adolescents, leur construction, leur rapport à eux-mêmes et leurs relations aux autres. En se mutilant, en renonçant à ce qu’elle est dans l’espoir illusoire de se faire aimer, La Petite sirène nous donne un bel exemple de ce qu’il ne faut pas faire.
La jeune créature de 15 ans décide de quitter un monde où elle est choyée mais dont les beautés ne lui semblent plus suffisantes pour combler ses aspirations : les attraits mystérieux d’un autre monde, qui lui est étranger et avec lequel elle n’aurait jamais dû entrer en contact, charment son esprit jusqu’à l’obsession. Ce monde, inaccessible pour elle sans des transformations physiques sans retour et des sacrifices sanglants, est magnifié en la personne d’un prince, dont la jeune sirène ne sait rien, sinon qu’il lui plait. La Petite Sirène, afin de suivre son désir, accepte l’inacceptable, sans comprendre qu’elle détruit tout espoir de parvenir à ses fins : pour obtenir les jambes dont elle rêve, elle doit renoncer pour toujours à sa voix, qu’elle donne en payement à la sorcière. Elle se prive ainsi de tout moyen de communiquer avec le prince, qui n’aura jamais l’occasion de la connaître suffisamment pour s’éprendre d’elle et en faire sa femme.
La Petite Sirène a beau savoir que la mort l’attend si elle échoue et que le prince en épouse une autre, elle persévère jusqu’au bout dans sa folie. Jusqu’à l’irréparable.
La sensation pour le public est celle, terrible, d’assister à une catastrophe annoncée. Dans ce contexte d’une cruauté inouïe, afin que l’espoir demeure, nous présenterons l’histoire de La Petite Sirène dans le rêve d’une adolescente contemporaine, elle-même sur le point de commettre une bêtise irréparable. Cette mise en abyme pendant son sommeil sera son chemin initiatique. À son réveil, la visite opportune qu’elle aura reçue en songe l’aidera à reprendre ses esprits et à donner un nouveau cours à sa vie.
La Petite sirène invite chacun à accepter de s’aimer tel qu’il est. Se trahir, se mutiler, renoncer à ce que l’on est profondément ne permettra jamais de se faire aimer. Penser que l’on peut séduire quelqu’un en trahissant son identité profonde est une erreur dans laquelle il est facile de tomber à l’âge où l’on se cherche, où l’on apprend à se connaître et où l’on tisse des liens de plus en plus forts avec le monde qui nous entoure. Comme enfermée dans un écrin aux mille détails, une boîte à musique, ou simplement une chambre d’adolescente, notre Sirène se tiendra dans un espace circonscrit sur scène et chargé de surprises, comme les éléments d’un rêve qui apparaîtraient soudain les uns après les autres. Les musiciens encadreront cet espace d’images, baignés dans une lumière aquatique. Nous chercherons l’émerveillement des yeux, baignés dans la musique chatoyante et féérique composée par Régis Campo, sans pour autant édulcorer la violence nécessaire du conte de Andersen.
Bérénice Collet
Régis Campo, compositeur
Né le 6 janvier 1968 à Marseille, Régis Campo grandit dans une famille passionnée de musique et d’art. Très tôt, il manifeste un intérêt pour la composition et le piano, qu’il commence à étudier dès son plus jeune âge. Fasciné par la richesse sonore et les possibilités expressives de la musique contemporaine, il s’oriente vers des études approfondies au Conservatoire de Paris, où il suit l’enseignement de Gérard Grisey et Alain Bancquart.
En 1995, à seulement 27 ans, Régis Campo remporte le prestigieux Prix de Rome, qui lui permet de résider à la Villa Médicis à Rome. Ce tournant marque le début d’une carrière brillante au cours de laquelle il développe un style musical à la fois lumineux, ludique et empreint d’un profond humanisme. Ses œuvres, telles que Pop-Art (2001), Happy Birthday (2006), et Les Quatre Jumelles (2008), rencontrent un vif succès et sont interprétées dans le monde entier.
En 2005, il est nommé compositeur en résidence à l’Orchestre national de Lille, où il collabore étroitement avec Jean-Claude Casadesus. Il poursuit ensuite une carrière internationale en créant des œuvres pour des formations prestigieuses comme l’Ensemble Intercontemporain ou l’Orchestre Philharmonique de Radio France. En 2025, il est nominé aux 32e victoires de la musique classique pour Dancefloor with pulsing.
Jane Latron, direction musicale
Jane Latron, cheffe d’orchestre française, se distingue par sa direction artistique créative et audacieuse. En 2023, elle a dirigé la création mondiale de La Petite Sirène de Régis Campo à l’Opéra de Nice, où elle est cheffe invitée depuis 2021. Elle collaborera prochainement avec l’Orchestre National de France, l’Orchestre Avignon-Provence et l’Orchestre de Toulon.
Sélectionnée en 2020 et 2021 par le chef Case Scaglione parmi cinq chefs internationaux pour la finale du concours de chef assistant de l’Orchestre National d’Île-de-France, Jane a également été finaliste du « Warsaw Wind Ensemble Conducting Competition 2021 ».
En juillet 2024, elle a fait ses débuts à l’Orchestre Philharmonique de Marseille avec un programme varié, comprenant des oeuvres de Stravinsky, Dukas et Ravel. Elle a aussi dirigé le Landesjugendsinfonieorchester, explorant le répertoire symphonique de Debussy, Dvořák et Chabrier. Formée auprès de chefs renommés comme Johannes Schlaefli et Benjamin Zander, Jane a été finaliste au concours de l’Orchestre National d’Île-de-France et a dirigé le Nouvel Orchestre Symphonique du Pays d’Aix.
Passionnée par le répertoire français, elle a enregistré l’intégrale des Fanfares Liturgiques de Henri Tomasi avec un ensemble de cuivres du CNSMDP.
Bérénice Collet, mise en scène / dramaturgie
Bérénice Collet s’est formée à la mise en scène en passant par les planches, à l’École Claude Matthieu. Elle approfondit sa technique de direction d’acteur avec Jean-Yves Ruf et Katie Mitchell. Depuis 1996, Elle partage son temps entre théâtre et opéra.
Ses spectacles ont été créés au Théâtre des Champs- Elysées, au Théâtre Musical de Paris-Châtelet ou encore au Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, à l’Opéra du Rhin, l’Opéra de Tours, le Saarbrücken Staatstheater, l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole et l’Opéra de Nice notamment.
Elle dirige la compagnie L’Empreinte première, qui a reçu le soutien de l’Arcadi, la Spedidam, la Région Aquitaine-Limousin Poitou-Charentes, la Région Ile-de-France, le département du Val d’Oise et le département des Yvelines.
Bérénice Collet est en compagnonnage avec le Festival d’Aix-en-Provence pour les saisons 2016 et 2017. Elle collabore ensuite avec Katie Mitchell sur La Maladie de la mort de Marguerite Duras, aux Bouffes du Nord en 2018. Parmi ses productions récentes : Vanessa de Barber, The Consul de Menotti, La Flûte enchantée de Mozart, Marlène Baleine, création mondiale sur des musiques de la Renaissance. Elle a également mis en scène la première française de Talestri, Reine des Amazones de Maria Antonia Walpurgis avec l’Arcal et les Concerts de l’Hostel Dieu, et la création mondiale de La Petite Sirène de Régis Campo à l’Opéra de Nice. Depuis 2022, elle a conçu dans les Yvelines un projet collaboratif associant comédiens amateurs et comédiens professionnels. Elle s’investit par ailleurs régulièrement dans un projet à destination de parents incarcérés.
Apolline Raï-Westphal, La Petite sirène
La soprano Apolline Raï-Westphal a étudié au CNSM de Paris. Lauréate de plusieurs concours elle est récompensée de 6 prix lors du concours de Gordes et vient de remporter le 1er prix de mélodie française au Concours de Marmande.
2022 marque ses débuts à l’Opéra-Comique dans Armide de Glück. Depuis, la carrière d’Apolline se développe sur plusieurs scènes de premier plan telles que le Wiener Konzerthaus, le Théâtre des Champs-Elysées, l’Opéra Royal de Versailles, l’Opéra de Nice, l’Opéra de Nantes, le Capitole de Toulouse ou encore l’Opéra de Rennes.
Elsa Roux Chamoux, La sœur / La servante
Elsa Roux Chamoux est une soprano française. Elle a été membre de l’Opéra Studio de l’Opéra National du Rhin, et a obtenu son Master à la Guildhall School of Music and Drama de Londres. Elle a gagné plusieurs prix dans des concours nationaux et internationaux (Allemagne, Moscou, Pays de Galles, Angleterre, Italie, Arménie, Autriche…). Elle est apparue dans plusieurs rôles d’opéra comme : Didon, Rose, Zerlina, Rosina, Cenerentola, Hansel, Cherubino, Celia…
Elle a aussi une licence en Management et a été sacrée Championne du Monde de Rink Hockey (hockey sur patin à roulettes), au Brésil en 2012 en tant que gardienne de l’Équipe de France.
Marion Vergez Pasca, la sœur / la servante
Révélation lyrique de l’ADAMI 2023, artiste en résidence à l’Opéra-comique de Paris et à La Chapelle Musicale Reine Elisabeth de Bruxelles pour la saison 23/24, Marion est une des mezzo sopranos les plus en vues de sa génération.
Elle chante cette saison Lola (Cavalleria Rusticana) à St Etienne, La Chiffonnière (Louise) au Festival d’Aix-en-Provence, Sesto (La Clemenza di Tito) avec OperaFuoco. Elle sera plus tard Dinah (Trouble in Tahiti) à Massy et la 2ème Nymphe (Rusalka) au Capitole de Toulouse. Son premier enregistrement consacré à des mélodies espagnoles paraîtra bientôt sous le Label Mirare.
Sebastian Monti, le prince
Dès le début de sa carrière, le ténor franco-italien Sebastian Monti interprète les rôles-titres dans Actéon de Charpentier avec les Talens Lyriques dirigé par Christophe Rousset, Atys de Lully au Megaron d’Athènes, Platée de Rameau à l’Opéra de Massy, Orphée dans Orphée et Euridice de Gluck avec Les Goûts-Réunis dirigés par Dominique Daigremon.
En 2022-23 et cette saison, Sebastian fait ses débuts au Oldenburg Staatstheater dans le rôle de Calisis dans Les Boréades de Rameau sous la direction d’Alexis Kossenko, mais aussi Rinuccio dans Gianni Schicchi de Puccini et Gonzalve dans L’heure espagnole de Ravel. Il chante ensuite Marzio dans Mitridate de Mozart mis en scène par Ralf Pleger sous la direction musicale de Lars Ulrik Mortensen au Royal Danish Opera (Copenhague et Malmö) et est ténor solo dans le Requiem (Gilles) à l’Opéra Royal de Versailles avec le Helsinki Baroque Orchestra.
Il interprète le rôle-titre dans une production scénique de Platée à l’Opéra de Schloss Waldegg (Suisse), puis les rôles de Lucano, due Soldati dans L’incoronazione di Poppea à l’Opéra de Rennes, Le Bourgeois gentilhomme (Lully) à l’Opéra de Graz (dir. K. Junghänel).
Laisser un commentaire