Cavalli de retour au Festival d’Aix-en-Provence avec La Calisto façon Liaisons dangereuses
La Calisto, opéra de Francesco Cavalli
Lundi 7 juillet 2025. Théâtre de l’Archevêché. Festival d’Aix-en-Provence (site officiel)
Direction musicale, Sébastien Daucé. Mise en scène, Jetske Mijnssen. Scénographie, Julia Katharina Berndt. Costumes, Hannah Clark. Lumière, Matthew Richardson. Chorégraphie, Dustin Klein. Dramaturgie, Kathrin Brunner
Calisto, Lauranne Oliva. Giove, Alex Rosen*. Diana, Giuseppina Bridelli. Endimione, Paul-Antoine Bénos-Djian*. Giunone, L’Eternità, Anna Bonitatibus. Linfea, Zachary Wilder*. La Natura, Pane, Furia, David Portillo. Mercurio, Dominic Sedgwick. Destino, Satirino, Furia, Théo Imart*. Silvano, Furia, Douglas Ray Williams
Orchestre : Ensemble Correspondances
* Anciens artistes de l’Académie
Après les formidables succès obtenus ces dernières années, on pense à Elena en 2013 puis Erismena en 2017, données toutes deux au Théâtre du Jeu de Paume, le Festival d’Aix-en-Provence joue à nouveau la carte Francesco Cavalli, cette fois avec le titre plus connu La Calisto, représentée dans la Cour de l’Archevêché. La mise en scène de Jetske Mijnssen, et particulièrement les costumes d’Hannah Clark, transposent l’action en plein XVIII ème siècle, au vu des longues vestes et bas pour les hommes, tandis que les femmes portent de belles robes légèrement baleinées. Nous ne sommes pas vraiment ici chez les dieux, mais bien dans la société d’Ancien Régime, où les plans machiavéliques conçus par Mercure afin que son patron Jupiter séduise la jeune et innocente Calisto nous évoquent le cynisme des Liaisons dangereuses, dans sa version du film de Stephen Frears sorti en 1989. Le décor unique, tout de parois boisées, réalisé par Julia Katharina Berndt place en son centre un petit plateau tournant, où le demi-cylindre vertical présente tour à tour une surface convexe ou concave, et de rares éléments de décors à l’intérieur de cette dernière : d’abord un cercueil lors d’une cérémonie mortuaire au prologue, puis trois musiciens à l’entrée en scène d’Endymion, deux fauteuils et une méridienne, ou encore un lit à baldaquin au troisième acte.
L’action se développe grâce à un jeu d’acteur naturel et bien réglé, une intrigue qui relève régulièrement du marivaudage, avec quelques touches d’humour qui font agréablement sourire : séducteur compulsif, Jupiter prend le déguisement de sa fille Diane pour conquérir Calisto, mais parallèlement Diane (la vraie) n’est pas insensible aux charmes de son prétendant Endymion. Les situations extravagantes se succèdent, surtout lorsque divers personnages ont bien du mal à comprendre les changements d’attitude entre la fausse puis la vraie Diane. La présence de l’épouse furieuse et jalouse Junon ajoute du piquant, ainsi que celle de Pan, amoureux lui aussi de Diane. Ce traitement XVIII ème siècle généralisé uniformise tout de même l’allure des protagonistes, y compris par exemple les personnages de Pan, ses acolytes Sylvain et le Petit Satyre, loin ici de leur apparence habituelle qui tend davantage vers le bestial.
La distribution vocale fait un sans-faute, depuis la jeune et talentueuse Lauranne Oliva en Calisto, timbre d’une gracieuse fraîcheur, ligne vocale ferme et chant expressif. De nombreux interprètes ce soir sont passés par l’Académie du festival et il est très heureux de lire leurs noms sur l’affiche, quelques années plus tard. Ceci est vrai par exemple pour Alex Rosen en Giove (Jupiter), basse profonde et solide, qui intervient par moments en voix de tête sous les habits de Diane, déclenchant à tout coup les sourires du public. Voix splendide et spécialiste du répertoire baroque, la mezzo italienne Giuseppina Bridelli séduit de bout en bout, en particulier son amoureux Endymion, le contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian de tessiture plutôt alto, qui se rapproche d’ailleurs de celle de Diane au cours de leur duo. L’autre mezzo Anna Bonitatibus est justement explosive dans le rôle de l’épouse trompée. Il faut voir son regard lorsqu’elle apprend la nouvelle aventure adultérine de son Jupiter de mari, de la bouche d’une Calisto qui ne comprend pas le revirement de Diane, d’abord très entreprenante avec elle (Jupiter déguisé), puis soudainement froide plus tard (la vraie Diane). Dans le rôle de la vieille Linfea en proie au désir de l’amour qu’elle n’a jamais connu, le ténor Zachary Wilder sait se montrer émouvant, à l’opposé du baryton Dominic Sedgwick qui joue davantage le registre de l’entremetteur pour le compte de Jupiter. Le trio David Portillo (Pan), Douglas Ray Williams (Sylvain) et le sonore contre-ténor Théo Imart en Petit Satyre complète une remarquable équipe vocale, également très investie dans le jeu scénique et sollicitée aussi pour de brefs ballets en fins d’actes.
Autre plaisir pour les oreilles, le chef Sébastien Daucé et son Ensemble Correspondances servent avec application et passion la partition de Cavalli. Légèrement surélevés, les musiciens sont répartis sur la très grande largeur de la fosse de l’Archevêché, tous visibles depuis les rangées de spectateurs.
A noter que le spectacle est monté en coproduction avec plusieurs maisons d’opéra, dont l’Opéra Grand Avignon qui l’accueillera lors d’une prochaine saison. Afin de ménager le suspense pour les futurs spectateurs, nous ne dévoilerons pas ici la conclusion proposée dans cette mise en scène… une fin inattendue pour le moins !
I.F.& F.J.©Monika Rittershaus
Le Vaucluse n’est pas inconnu pour plusieurs de ces artistes, qui ont séduit à des dates diverses le public de Musique Baroque en Avignon : Lauranne Oliva avec le pianiste américain Levi Gerke en avril 2025, le contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian en avril 2024 – Grand Prix de la première édition du Concours #Raymond Duffaut en 2015 – avec l’ensemble Alia Mens d’Olivier Spilmont, le ténor Zachary Wilder avec l’ensemble La Chimera en novembre 2023 (voir aussi notre entretien), et Théo Imart avait été à 22 ans en 2017 lauréat du concours #Jeunes talents Raymond Duffaut
G.ad.
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