Une bouffée de jeunesse
Opéra Grand Avignon, Vendredi 15 avril 2022
Spectacle accueilli. Ne fait pas partie de la programmation de l’Opéra Grand Avignon
Julien Clerc, Tournée « Les Jours heureux »
On ne s’étonnera pas de voir figurer dans les pages de Classiqueenprovence quelques grands noms de la variété/chanson, comme Julien Clerc aujourd’hui ou Hugues Aufray il y a peu. Le succès d’émissions aussi qualitativement populaires que Musiques en Fête, en direct des Chorégies d’Orange – dont on trouve le compte rendu chaque année dans nos pages et à laquelle Julien Clerc avait lui-même participé – nous montrent, si nécessaire, l’universalité de la (bonne) musique et le bonheur du spectacle vivant de qualité. Il existe partout suffisamment de murs sans que nous en érigions nous-mêmes !
La nouvelle tournée de Julien Clerc passe donc par Avignon. Pendant qu’il la préparait en 2021, le chanteur avait confié à un magazine national qu’il détestait l’impolitesse et cultivait la discipline, qu’il aimait cuisiner et lire, que son bateau avait longtemps été son refuge ; il rappelait sa double formation musicale – le piano classique d’une part, le jazz et la chanson de l’autre -. C’est cet éclectisme qui irrigue l’ensemble de son parcours depuis ses débuts en 1967 (premières compositions), 1968 (premier tube, La Cavalerie), et 1969 (première scène avec la comédie musicale Hair). Le toujours fougueux septuagénaire (né en 1947) enchaîne nouvel album sorti en février 2021, Terrien, et nouvelle tournée, « Les Jours heureux » après la « Tournée des 50 ans », où il avait donné plus de 200 concerts en Europe et au Canada. Comme d’habitude, il a composé au piano les musiques, à partir des textes que lui ont écrits plusieurs auteurs, qu’il avait laissés libres de leur inspiration. Si Terrien, de Bruno Guglielmi, donne son nom à l’album, posant la question centrale de « qu’est-ce aujourd’hui qu’habiter la Terre ? », d’autres plumes (Didier Barbelivien, Carla Bruni, Bernard Lavilliers, Jeanne Cherhal, Clara Luciani) lui ont aussi offert des chansons sur les enjeux de notre société : dépression, violences faites aux femmes, institutrices, écologie… Plus d’inquiétude que d’amour, puisque tel est l’air du temps, mais, quels que soient les sujets, on connaît le talent de l’artiste pour leur donner élégance et poésie.
Sans boule de cristal, on pouvait légitimement penser que l’Opéra Grand Avignon, dont le premier balcon arbore depuis le 30 mars un drapeau de l’Ukraine – que nous avons adopté comme image de fond de Classiqueenprovence -, afficherait complet jusqu’au poulailler, comme l’avant-veille pour le nouveau seul-en-scène – décevant – de l’humoriste-chroniqueur Vincent Dedienne ; sans doute la première fois de la saison, si l’on excepte le récital de Julie Fuchs, l’enfant du pays, annoncé depuis avant le confinement pour la réouverture de l’Opéra Grand Avignon entièrement rénové.
En effet, l’Opéra Grand Avignon avait fait salle pleine ce vendredi soir, autour de Julien Clerc et de ses quatre musiciens, de l’orchestre au poulailler. Une salle pleine comme autrefois. Qui donc a dit que Julien Clerc était septuagénaire ? Les cris d’enthousiasme qui l’ont accueilli, les applaudissements ardents, lui ont redonné vingt ans… et aux spectateurs – de tous âges, même si les plus nombreux… n’avaient plus 20 ans ! – tout autant : on a tapé des mains, on a chanté, on a dansé, aux balcons, à l’orchestre (là, c’était moins facile, mais le cœur y était !), pour presque deux heures ininterrompues.
La soirée, en trois parties, a été menée tambour battant. Rock et disco au début, avec batterie, projecteurs, et rythmes soutenus, pour des chansons de l’album « Terrien » sorti l’an dernier. Puis, devant le rideau de scène en velours rouge, avec lumières tamisées, séquence souvenir, en hommage à tous les grands aînés : Trénet, Aznavour, Bécaud, Montand, Barbara, Ferré…, un hommage ponctué d’anecdotes personnelles parfois croustillantes. Enfin retour aux décibels et aux faisceaux colorés, pour une séquence d’auto-souvenir avec les grands standards qui n’ont même pas vieilli, même La Cavalerie qui porte fougueusement ses 54 ans ! Fausse sortie, applaudissements décuplés : l’homme, à la silhouette d’éternel adolescent, est un professionnel aguerri ; il revient. Encore un ou deux titres, puis il salue avec les musiciens, deuxième sortie… et revient pour deux ou trois chansons ! Le public apprécie ces cadeaux ! Une bouffée de jeunesse et d’énergie en ces temps plus que moroses…
G.ad. Photos G.ad.
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