Renaud Capuçon est, dit-on, le gendre idéal. Son sourire n’est pas un sourire de politesse ou de convenance. Il a la chaleur de ce qui vient du cœur. Peut-on d’ailleurs être musicien sans être généreux ? C’est ainsi que, malgré un emploi du temps à 200%, entre deux concerts et sans doute entre deux avions (un concert en moyenne tous les trois jours, qui tiendrait à ce rythme-là ?), il a réussi à nous accorder quelques minutes… avec sourire et disponibilité, en amont du prochain concert avignonnais (7 décembre 2021).
-Renaud Capuçon, vous avez depuis longtemps une familiarité avec Jean-Sébastien Bach ; vous dites de lui qu’il est « le cœur du réacteur », ou « un baume qui apaise et qui élève », en qui on trouve « ordre et pureté ». Aujourd’hui que trouvez-vous de particulier chez lui, que vous ne trouvez chez aucun autre compositeur ?
-C’est le seul compositeur qui m’apaise. J’ai joué hier soir un concerto de Bach à Genève, et c’est encore ce que j’ai éprouvé. C’est celui qui fait le plus de bien, qui panse les plaies, et qui rayonne aussi ; et qui peut apaiser n’importe qui, quel que soit l’état d’esprit dans lequel on se trouve.
-Votre concert avignonnais affiche Schumann et Schubert à côté de Jean-Sébastien Bach ; pourquoi ce choix ?
-Ce sont deux compositeurs romantiques. A chaque sonate de Bach, nous voulions associer une autre sonate qui lui fasse écho. Schubert a la même pureté que Bach, et l’on sait par ailleurs combien Schumann admirait Bach.
-Avez-vous un rituel d’avant-concert ?
-Une sieste impérative. Puis un thé : c’est alors une nouvelle journée qui commence. La sieste me permet de recharger les batteries, et d’être en pleine capacité, en pleine forme physique et nerveuse.
-Vous jouez souvent avec David Fray. Quelle qualité vous séduit le plus chez lui ? Quel défaut vous agace le plus ?
-(rire) On aime jouer ensemble, donc toute qualité est réversible, elle a son revers. David a une vraie intransigeance musicale, cherchant la précision absolue ; ce peut être un défaut en même temps, tellement il cherche la précision ! Quand on prépare ensemble, il est convaincu et convaincant, mais il peut aller jusqu’à l’obstination. Mais on en rit ensemble, en franche camaraderie. (rire) C’est vraiment pour essayer de lui trouver un défaut !
-Nous avons tous traversé depuis un an et demi une période difficile, de pandémie, de confinements. Comment l’avez-vous vécue, sur le plan personnel et professionnel ?
-Par la sidération, comme tout le monde, par la peur, puis par l’action. Tout est fragile, il faut protéger les artistes. On le voit encore aujourd’hui : la reprise est tellement fragile, et dans certains pays les salles de concerts sont à nouveau fermées. Il faut tirer les leçons : les salles de spectacles ne sont pas des lieux de contamination.
-Vous avez chaque jour offert des concerts sur Facebook… Des difficultés, vous avez fait une force pour rebondir.
-Par mon tempérament, je suis quelqu’un de positif, qui avance, qui a du ressort. On est à la merci des événements mais il ne sert à rien de se lamenter. (Mieux encore, Renaud Capuçon vient de sortir un disque réunissant tous ces morceaux épars, dont chacun dessine une atmosphère, un univers émotionnel différent. NDLR)
-Si vous n’aviez pas été ce que vous êtes, qu’auriez-vous aimé être ou faire ?
-Plein de choses. Ecrire, travailler dans la littérature. (Un temps) Mais j’aurais aimé aussi faire Sciences Po, ou l’Ecole du Louvre, ou pilote d’avion, mais c’est un peu tard (sourire). En fait je suis très heureux d’être musicien, et c’est un état d’esprit complet, des pieds à la tête.
-Le Festival de Pâques se prépare. L’édition 2021 était entièrement numérique. Pour l’édition 2022, vous proposez deux pôles : une édition numérique et une édition « en présentiel ». Est-ce une solution de repli en cas d’aggravation de la situation sanitaire, ou est-ce destiné à durer ?
–En effet cette année encore nous aurons deux pôles. Dominique Bluzet y tenait, moi j’étais moins convaincu. Tous les concerts ne sont pas retransmis, mais cela permet de toucher un public beaucoup plus large. Et ce ne devrait pas être provisoire ; nous voulons créer une vraie vie de festival dans les retransmissions.
Propos recueillis par G.ad., décembre 2021. Photo Paolo Roversi, Erato
Nous avons également eu un entretien avec David Fray, le complice artistique de Renaud Capuçon dans ce concert. Puis nous avons réuni les deux entretiens, raccourcis, en un entretien croisé.
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