Avec l’été reviennent les festivals de musique, notamment en Provence avec ses quelque 150 ou 200 festivals, des plus prestigieux ou plus confidentiels. Parmi ceux-ci, en presque fin de saison, les Ferréofolies. Ce « petit » festival qui depuis une vingtaine d’années a redonné forme et vie à la jolie chapelle Saint-Ferréol au pied de la colline où se perche le village médiéval – qui a fêté son millénaire en 1990 – de Viens, à l’extrémité orientale de Luberon, dans le canton d’Apt en Vaucluse, presque aux confins des Alpes de Haute Provence.
Sous l’active présidence de Viviane Dargery, c’est le talentueux pianiste-improvisateur, pédagogue hors pair, Jean-François Zygel, qui revient chaque année depuis deux décennies animer ce festival et le clôturer par deux concerts d’improvisation, avec cette année une nouveauté. Chaque année en cet été déclinant (depuis 2019, en 2022…), malgré un agenda particulièrement riche il nous accorde un entretien amical en amont de sa prestation.
-Comme chaque année, Jean-François, nous allons vous retrouver ces 26 et 27 d’août en terre de Provence.
-Je m’en approche géographiquement, puisque ce 23 août je joue à deux pianos à Romans-sur-Isère avec André Manoukian, dans un endroit magique, en plein air juste devant le musée de la chaussure ; j’ai d’ailleurs consacré à Romans en décembre dernier un récital en forme de portrait musical (une des spécialités de l’artiste, originale, et toujours fort appréciée in situ, comme à Carpentras, notre entretien puis notre compte rendu, NDLR).
–Et vous avez également donné un duo avec André Manoukian dans ce même département de Vaucluse, aux Taillades fin juillet dans le cadre du festival d’été des Musicales du Luberon.
-Oui, et France Télévision a même réalisé une captation, qu’on pourrait voir, peut-être en 2026. De même que notre duo aux Baux-de-Provence en juillet 2024 a été diffusé un an après… et il est toujours disponible en replay.
–Malgré de multiples autres sollicitations, vous vous réservez chaque année le créneau des Ferréofolies.
-Vous le savez, cela fait de nombreuses années que je termine toujours ma saison par ces deux concerts successifs dans notre merveilleuse petite chapelle, si poétique, si intime, si conviviale. Un lieu de 150 places, assez précieux, si différent des grandes salles de concert, et comme vous l’avez remarqué, le pot de l’amitié qui suit, avec ses différentes boissons et victuailles, est toujours très apprécié.
-C’est d’ailleurs un festival pluri-artistique, un dialogue entre musique et peinture.
-Oui, vous connaissez le principe, le concert se déroule toujours au sein d’un accrochage, cette année il s’agira des joyeux et jubilatoires collages de Bernard Ellert.
-Cette chapelle a une longue et belle histoire…
-J’ai connu la chapelle Saint-Ferréol en ruine, je me réjouis tellement de sa magnifique résurrection, je suis heureux d’y donner bénévolement chaque été un concert au profit de l’association que préside avec un engagement sans failles par Viviane Dargery.
-Et vous réservez cette année une surprise… qui n’en est plus une ?
-Ah oui, il y a une nouveauté cette année : je propose un atelier d’improvisation entre les deux concerts, mercredi 27 août à 11h, toujours bien sûr dans la chapelle Saint Ferréol. Il y aura cinq musiciens, amateurs ou professionnels, classique ou jazz : violon, violoncelle, flûte, piano… C’est entrée libre, gratuit pour le public comme pour les participants ! C’est toujours très intéressant pour le public d’assister à un tel atelier, cela lui permet de comprendre comment se construit le discours musical, le rythme, l’harmonie, la mélodie, la forme.
-Vous nous disiez il y a quelques années que rien n’était plus préparé qu’un concert d’improvisation. Boutade, paradoxe, provocation ? En fait, comment se prépare-t-on à être improvisateur ?
-La réponse est à la fois simple et mystérieuse.
Il faut tout d’abord travailler son instrument, en connaître les possibilités et en inventer de nouvelles, inventer de nouvelles, dispositions instrumentales, élargir sa palette de nuances.
Ensuite, il faut manier avec richesse et subtilité la langue harmonique, donc il faut avoir travaillé l’harmonie et, je pense même, les styles.
Bien sûr, on doit s’exercer aux différentes formes traditionnelles, pratiquer le contrepoint, la variation, sans oublier l’indispensable travail rythmique.
Ensuite, il faut s’exercer à toutes les formes d’improvisation : en solo, en duo, en trio, pour accompagner des danseurs, pour soutenir un film sous la forme que j’aime tant du ciné-concert, pour le théâtre, pour toutes les expérimentations artistiques contemporaines, etc.
-C’est bien connu, vous aimez les mots autant que les notes. Vous restez fidèle à vous-même tout en vous renouvelant sans cesse, « Ni tout à fait [le] même ni tout à fait [un] autre », écrivait Nerval qui pensait peut-être à vous par anticipation… Ainsi, nous vous avons entendu notamment dans cette chapelle dialoguant avec votre ami La Fontaine (notre entretien, puis notre compte rendu). Cette année, c’est avec Victor Hugo ?
-Oui, cette année, le fil rouge de mon concert sera Victor Hugo. Si vous êtes présente à l’un de mes deux récitals, vous pourrez constater que ma musique a beaucoup changé depuis environ six mois… J’espère que cela vous plaira ! Mon piano, ma musique, mon inspiration seront-ils à la hauteur du souffle phénoménal d’Hugo ? Comment vous répondre ? J’espère vous convaincre, j’espère convaincre le public, je ne suis certes pas le premier musicien à mettre en musique Victor Hugo !
Propos recueillis par G.ad.
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