Evitons les jeux de mots faciles autour de ce festival attachant : “on y vient, on y revient…” Et pourtant…
Peinture et musique dialoguent joliment dans la chapelle Saint-Ferréol, bijou niché dans la plaine au pied du village pittoresque, de Viens, aux confins du Vaucluse et des Alpes de Haute-Provence. C’est une histoire d’amitié et de continuité (cf. infra). Depuis une vingtaine d’année l’association des Amis de Viens y organise les Ferréofolies (site officiel), festival pluri-artistique capable de remplir la chapelle sous la présidence dynamique de Viviane Dargery. L’AG se tient d’ailleurs en plein festival, le samedi 5 août 2023 à 15h à la Chapelle.
C’est un véritable élan collectif qui a permis, depuis 1992, sous l’impulsion du maire Victor Audibert, et grâce à un don de Christine Ruiz Picasso, de faire renaître de ses ruines cette chapelle alors dévorée par les buissons, les herbes folles, et dont les pierres étaient à peine visibles. La restauration par des entreprises locales, terminée en 1997, a offert au public un écrin délicat pour diverses manifestations, articulées autour du – double – concert médian du pianiste Jean-François Zygel, capable, lui aussi, de déplacer les montagnes (voir notre compte rendu 2022).
Les expositions s’y succèdent par quinzaine, ponctuées, accompagnées ou suivies de concerts.
Le coup d’envoi des Ferréofolies 2023 est donné par une conférence de Yoyo Maeght, petite-fille d’Aimé, créateur en 1964 de la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence, venue notamment évoquer ses souvenirs de Picasso.
Vont se succéder l’exposition Claude Colomer (4-16 juillet).
Puis celle de Joëlle Mechoulan qui nous emmène aux confins des étoiles (17 juillet-4 août).
Enfin celle de Stéphane Lehembre, qui fait éclater les couleurs (8 août-2 septembre).
En concert, la chapelle résonnera des accents du Concert Balad’un âne, le 1er juillet.
Puis du Quatuor Messiaen, le 29 juillet, jeune formation féminine issue du lycée puis du Conservatoire d’Avignon (aujourd’hui CRR Grand Avignon), ville natale du compositeur.
Avant le point d’orgue, le double concert très attendu de Jean-François Zygel. Si celui-ci y a créé il y a quelques années son Requiem imaginaire, s’il a composé une œuvre pour la chapelle, s’il y a donné des improvisations mémorables (comme sur La Fontaine en 2022 – notre compte rendu et notre entretien -, cette année, le pianiste aux 100.000 idées par seconde proposera « Le pouvoir de la musique » ; sous le titre largissimo, se cachent, n’en doutons pas, invention et facétie… et talent ! L’artiste et l’organisatrice offrent des places aux lecteurs de Classiqueenprovence.
G.ad.
La première attestation écrite du village de Viens, aux confins du Vaucluse et des Alpes de haute-Provence, date de 991. Viens est aujourd’hui (sans doute aussi à l’époque) un village perché sur un éperon rocheux. La chapelle, elle, est construite, sans doute aux alentours de l’an mil, dans l’étroite vallée du Calavon, alors appelé le Coulon ; elle est dédiée à saint Ferréol, un soldat martyr du IIIe siècle, protecteur des champs et des cultures. Entre des périodes d’intense activité (avec des fêtes votives en même temps que des cérémonies religieuses) jusqu’à aujourd’hui, elle connaîtra des décennies voire des siècles d’abandon. Au XVIe siècle une crue du Calavon la fera déplacer de quelques dizaines (?) de mètres.
C’est de 1993 que date sa renaissance, après 80 ans de délabrement progressif.
Christine Ruiz-Picasso, veuve du fils aîné du peintre, installée tout près depuis une vingtaine d’années, s’émeut de l’état pitoyable de la chapelle. Elle fait un don, sous réserve que la chapelle soit reconstruite par des artisans locaux, que les Viensois se la réapproprient, et qu’elle accueille en même temps événements musicaux et expositions d’art contemporain.
Le peintre Michel Guéranger est sollicité pour décorer les plafonds, de la nef (1997) puis des transepts (2013). Et depuis 1997 la chapelle Saint-Ferréol est redevenue un lieu de partage artistique extrêmement vivant, un « dialogue entre Histoire et Modernité » ; et, « à chaque fois qu’on y donne un concert, écrit justement Jean-François Zygel dans la monographie consacrée à la chapelle, les anges du ciel arrêtent un instant leurs jeux et tendent l’oreille ».
G.ad.
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