Cristiana Reali a repris sa tournée ; elle incarnera Simone Veil à L’Autre Scène de Vedène, dans le cadre de la saison 2024-2025 de l’Opéra Grand Avignon, mercredi 8 janvier 2025 ; ce rôle, qui lui a valu une 6e nomination aux Molières en 2022, elle l’avait déjà incarné sur la scène de l’Espace Auzon à Carpentras, le 25 février 2022 ; et de cette femme exceptionnelle qui a marqué l’Histoire, l’actrice nous avait parlé quelques jours en amont de la représentation ; venue du théâtre classique – formée par Francis Huster dont elle a partagé la vie entre 1991 et 2008 -, elle a joué « entre 100 et 150 fois les Misanthrope, Hamlet ou Crébillon » -, elle nous disait alors vouloir se renouveler mais en sachant que le public « l’attend dans des rôles-phares », des personnages marquants.. Cette pièce, qu’elle a adaptée en 2019 de l’autobiographie de Simone Veil parue en 2007, Une vie, elle l’a nommée en clin d’œil Les combats d’une effrontée, imaginant l’interview radiophonique d’une jeune thésarde, au moment de la panthéonisation de Simone Veil, disparue en 2017.
-Cristiana Reali, « effrontée » n’est peut-être pas l’adjectif auquel on penserait spontanément à propos de Simone Veil !
–C’est pourtant ainsi qu’on voyait Simone, dès son jeune âge dans sa famille ; une famille harmonieuse et aimante, avec un frère et une sœur, où elle avait déjà un sacré caractère ! C’est ainsi que Marceline Loridan-Ivens la qualifiera aussi au camp d’Auschwitz-Birkenau (cinéaste et écrivaine, décédée en 2018, NDLR). Toute jeune elle avait le goût de la contestation, au point que son père devait l’asseoir à table à côté de lui pour garder un œil sur elle !
-Est-ce l’époque particulière qui a forgé son destin exceptionnel ?
-L’époque tragique a conforté son tempérament. Mais dans le spectacle, nous n’avons pas voulu, à proprement parler, raconter son histoire : le passé revient en flash à l’occasion des prises de grandes décisions.
-Comment êtes-vous entrée dans le personnage de Simone Veil ?
-Une familiarité physique m’a aidée, et, avec chignon et tailleur, c’est la magie du théâtre. Mais surtout je ne dis que ses paroles exactes ; j’ai lu ou visionné toutes ses interviews, tous les documentaires, puisqu’elle a tout légué aux Archives nationales. Je l’ai beaucoup écoutée : elle écrit comme elle parle, j’ai repris ses mots. Je me suis déjà imprégnée en faisant l’adaptation de son livre. Puis je me suis demandé comment elle bougeait ; en fait très peu. Moi qui suis italienne, qui parle avec les mains, je dois me tenir les doigts ! Dans les documents conservés, on la voit presque toujours assise, elle lève rarement la tête ; j’ai travaillé surtout le regard, le silence, les phrases inachevées. J’ai utilisé tout ce que j’avais en tête, par mimétisme, mais je ne l’ai pas copiée.
-Quel a été le déclencheur du projet ?
–J’ai lu le livre en 2019, Simone Veil était morte en 2017, j’ai trouvé que le livre pouvait être intéressant pour le théâtre. Je menais alors un autre projet, le temps de négocier les droits.
-La famille a-t-elle eu un droit de regard ?
-Sur les détails, mais elle m’a fait confiance.
-Et comment a-t-elle reçu le spectacle ?
–Avec beaucoup d’émotion, tant les fils, Pierre-Francois surtout avec qui j’ai eu le plus de contacts, que la belle-fille. Pour eux, cela a été difficile, très émouvant, mais ils ont beaucoup aimé le spectacle. Et des spectateurs aussi j’ai des retours incroyables, les gens sont très touchés.
-Auriez-vous aimé rencontrer Simone Veil ?
-J’aurais voulu écouter, aujourd’hui, ce qu’elle aurait eu à dire sur notre époque. Car sous ses airs classiques, c’était une femme très moderne, tournée vers les jeunes générations ; elle faisait confiance à l’avenir. A ses yeux, la réconciliation était la seule façon de ne pas recommencer.
-Quel sera le destin de ce spectacle Simone l’effrontée ?
–Je ne sais pas encore. On sera déjà en tournée jusqu’en juin (2022, NDLR), et peut-être une reprise en janvier. Comme Simone Veil, ce qui m’importe c’est la transmission, l’héritage. Mais entre-temps je ferai sans doute des tournages télé, pour faire une pause avant de retrouver le personnage.
Propos recueillis par G.ad. Photos Globes de Cristal/Wikipédia & Abaca
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