C’était un Provençal attaché à ses racines, même s’il a travaillé jusqu’à Tokyo. Robert Fortune est décédé mardi 28 février 2024 dans sa 81e année. Il était né à Eyragues, où il était revenu depuis quelques années, une petite ville bucco-rhodanienne entre Alpilles et Durance, à quelques kilomètres de Saint-Rémy-de-Provence et d’Avignon, et à peine plus loin de Cavaillon et d’Arles.
Il avait exercé pendant 35 ans comme acteur et metteur en scène, de théâtre et surtout d’opéra.
Formé par Antoine Bourseiller au CDN du Sud-Est (théâtre la Criée à Marseille), d’abord acteur il jouera au festival d’Avignon, en 1967 dans la Cour d’Honneur (mise en scène de Roger Planchon) puis au cloître des Carmes. Et bien plus loin, au festival de Baalbeck en 1969.
Il a fait ses premières armes comme assistant d’Antoine Bourseiller, Roger Planchon, Jean-Claude Auvray, Andreï Serban et Luca Ronconi, et a mis en scène une quinzaine de spectacles grand public, comme France Gall ou Emilie jolie, ainsi que Brigitte Fossey avec laquelle il était resté très lié. C’est ensuite l’opéra qui deviendra son terrain de prédilection – débuts à Nancy en 1981 -, avec près d’une quarantaine de productions, dont plusieurs marquantes dans notre département, quand Raymond Duffaut dirigeait à la fois l’Opéra d’Avignon et les Chorégies d’Orange.
A Avignon, La Flûte enchantée (1991) avait été reprise plusieurs fois devant des salles toujours combles (plus de 10.000 spectateurs, un exemple unique !) ; Carmen (1996) dans une coproduction avec Klagenfurt en Autriche, et Candide de Bernstein (1998).
Les Chorégies lui avaient également réservé un triomphe pour Lucia de Lammermoor (1997) et Traviata (1999) ; il avait été le premier à y introduire le mapping, non en substitution mais en accompagnement du décor, « et l’ouverture virtuelle du rideau de la Scala sur le prélude de Traviata reste un moment et une image inoubliables », souligne le directeur d’alors.
Mais c’est à la Mireille de Gounod que son nom reste lié : à Avignon en 1992, une première production avait fêté le centenaire de l’œuvre, avec de magnifiques décors et costumes de Laure Malclès, un événement national, puisqu’elle sera reprise à Paris et ailleurs avec le même succès ; une seconde mise en scène en 2010 signera le retour de Mireille au théâtre antique d’Orange après 50 ans d’absence, d’Andrea Guiot, disparue le 15 février 2021 à Nathalie Manfrino dans le rôle-titre, et au pupitre le prometteur Alain Altinoglu, qui fait aujourd’hui une immense carrière.
Mais Robert Fortune a également monté La Grande-duchesse de Gerolstein (1988) au Festival de Carpentras alors consacré à Offenbach, et Cendrillon de Massenet au Festival de Vaison-la-Romaine.
Raymond Duffaut souligne que « Robert était un homme intelligent et cultivé, dont les mises en scène étaient toujours justes, raffinées et élégantes, apportant une vision « dépoussiérée », mais toujours dans le plus grand respect des œuvres ». Et de nombreux Vauclusiens se rappellent un créateur affable et d’une souriante humanité.
Ses obsèques auront lieu à Eyragues le jeudi 7 mars 2024 à 15h.
G.ad. Photos Christophe Agostinis (portrait) et G.ad. (la distribution de Mireille aux Chorégies 2010)
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