Une voix provençale s’est tue, elle est partie vers d’autres étoiles…
« Vivre, vivre encore un jour, vivre, gorgé de soleil… » chantait-il en 1983. Après Guy Marchand le 15 décembre, Guy Bonnet, auteur-compositeur-interprète, est décédé ce lundi 8 janvier à 81 ans, entouré des siens dans « [soun] Avignoun » qu’il avait magnifiquement chantée. Homme modeste et discret, il se serait sans doute étonné que sa page Wikipédia fût déjà actualisée, comme pour une personnalité médiatique qu’il n’a jamais voulu être !
Le grand public se souvient de lui comme de l’Avignonnais aux 3 Eurovisions : un cas unique, et seul chanteur français avec Isabelle Aubret à avoir concouru 2 fois ; interprète avec Marie Blanche en chemise à jabot et pattes d’eph’ (1970, 4e place) et Vivre (1983, 8e place), puis auteur avec La Source (1968, 3e place), chantée par Isabelle Aubret, une chanson qui fera le tour du monde ; « c’était en fait ma 1e chanson » nous avait-il dit en 2018, un texte qui lui avait été inspiré par un film éponyme d’Ingmar Bergman que lui avait raconté son épouse Régine. Car Régine était toujours à ses côtés ; pendant les années de vaches maigres, puis quand le public et la critique l’ont connu et reconnu, elle « a été de tous [ses] combats, de toutes [ses] réussites », et son co-pilote quand leur camion sillonnait les routes de France la nuit entre deux concerts. « C’était physiquement très éprouvant, nous disait-il en 2021, mais j’ai aimé ça, j’ai aimé cette vie. Et j’ai l’habitude de dire en plaisantant que dans notre métier, il y a deux choses importantes : le début et la fin (il éclatait alors de rire). Moi j’ai commencé dans une révolution et j’ai fini dans une pandémie : ma carrière a vraiment débuté en 1968, et en 2020, avec la parution de mon autobiographie, j’ai décidé de tourner la page ; de continuer, certes, mais d’une autre façon ». Il avait décidé de profiter de ses proches, de Régine, de ses fils Nicolas et Laurent saxophoniste, de ses petits enfants Théo, Marius et Victoire, et de la vie, mais la maladie l’avait rattrapé.
Né en mai 1942 à Avignon, 1er prix de piano au Conservatoire, Guy Bonnet était alternativement ou simultanément, auteur, compositeur – il préférait dire « mélodiste » -, interprète. Pugnace et perfectionniste, poète inspiré, ce « Taureau, ascendant Taureau » ne sortait un album que lorsque toutes les notes étaient à leur place, et que les rimes – en français, ou en provençal, qu’il avait appris tardivement – sonnaient juste. Il n’était pas peu fier d’avoir chanté en 2018 à l’Opéra avec un orchestre symphonique, l’Orchestre National Avignon-Provence dirigé par Eric Breton, pîaniste-compositeur, son complice de longue date.
Guy Bonnet était un boulimique de travail, écrivant pour de nombreux artistes, composant pour divers publics et divers médias, et adaptant parfois ; il a écrit pour l’Avignonnaise Mireille Mathieu, la Vauclusienne (pertuisienne) Michèle Torr, la Vauclusienne d’adoption Dany (disparue en juillet 2022), mais aussi Sylvie Vartan et bien d’autres ; il avait été encouragé par Aznavour, Brassens, Trénet, excusez du peu… Les amoureux de Mistral, eux, se souviennent de son album Les chants d’amour de Mirèio, avec Elodie Minard et encore Eric Breton. Et si cet anxieux affirmait que « [son] métier [l’avait] dévoré », il avait su néanmoins s’adapter à de nouvelles techniques de spectacle. Il avait traversé les modes, au point qu’une « bluette provençale » (Elo e ièu) qu’il avait écrite en 1981 avait d’abord été reprise par un rappeur, puis adaptée par la chanteuse anglaise Jorja Smith en 2021 sous le titre Blue light, et avait sous cette forme dépassé les 100 millions de vues ! Avec humour, le « père biologique » s’en régalait !
Nous avions appris à le connaître au fil des interviews et des rencontres pendant plusieurs décennies. Pudique et délicat, chaleureux et sensible, il avait la Provence chevillée au corps – « Moun Miejour » était le titre d’une chanson et le nom de sa maison de production -, et l’élégance au fond du cœur. Lors du festival 2010, nous lui avions fait la surprise d’une… première rencontre avec Isabelle Aubret, qu’il ne connaissait qu’à distance ! Elle-même jouait alors Les Monologues au théâtre des Béliers, et, en 2020, elle lui rendait publiquement hommage – il était dans la salle avec Régine – lors d’un concert à Sorgues.
On le retrouve dans le beau livre autobiographique qu’il a publié en 2019 pour ses 50 ans de carrière, La Provence au fond du cœur.
Raymond Duffaut, son condisciple au Conservatoire, réagit à cette triste nouvelle :
« Guy Bonnet était un garçon charmant, excellent musicien et passionné de culture provençale.
Mon premier contact avec lui remonte à… 1952/53 où nous nous étions présentés à l’émission de Sylvie Raynaud-Zurfluh, Au royaume de la musique, en qualité de pianistes : c’était évident pour lui (il était l’élève d’Yves-Marie Bruel au Conservatoire), ça l’était moins pour moi.
Et j’ai travaillé à de nombreuses reprises à l’Opéra avec lui (concerts, pastorales) et aussi à l’auditorium Jean Moulin au Thor », deux structures que Raymond Duffaut avait dirigées pendant de longues années.
Les médias régionaux dès le 8 janvier, puis nationaux le 9, réagissent en nombre à cette nouvelle, autour d’un artiste talentueux et d’un homme simple qui avait travaillé pour être reconnu mais détestait créer l’événement. On retrouvera dans nos pages nos comptes rendus de CD et de concerts, nos divers entretiens, et BFM-TV cite d’ailleurs l’un d’entre eux.
Les obsèques de Guy Bonnet seront célébrées à Avignon, vendredi 12 janvier 2024 à 15h en l’église du Sacré-Coeur, suivies de l’inhumation au cimetière Saint-Véran.
G.ad. Photos G.ad.
EC dit
Sans oublier sa petite fille Victoire
Classique dit
Vous avez tout à fait raison, merci.
Cordialement,
G.ad.