Le napperon comme dernier espace de liberté ?
Samedi 8 février 2025, 16h, durée 1h. D’altro canto. Ambra Senatore. Création 2024. Les Hivernales- CDCN (site officiel), 47e édition. Chorégraphie et interprétation : Ambra Senatore. Musique originale : Jonathan Seilman. Lumières : Fausto Bonvini. Regard extérieur : Agustina Sario
Voir aussi notre présentation des Hivernales, nos entretiens avec les chorégraphes Boris Charmatz et Soa Ratsifandrihana
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Elle est seule sur la scène, et veille sur le public alors qu’il s’installe dans la salle des Hivernales. Elle commence par quelques mots d’accueil, et énumère des interdits : de sortir, d’utiliser les téléphones… Ambra Senatore, danseuse, chorégraphe et performeuse, nous installe ainsi avec elle dans un espace-temps singulier. Place est faite aux gestes, quotidiens, furtifs, rapidement enchaînés, aux paroles, intonations, attitudes, mots repris en écho, comme en ricochets. De ce vocabulaire familier, parfois chamboulé, sourd comme une poésie surréaliste, et de temps à autre un rire, un sourire. S’échappent des parcelles d’histoires, des échos de trajectoires comme des grains d’humanité, captés ici ou ailleurs. En doux-amer, et par petites touches, se dit la difficulté d’être femme, particulièrement face aux interdits imposés par certains régimes liberticides. Les bouts de tissus, les napperons dont la chorégraphe parsème le sol et le mur de scène, sont autant d’indices qui jalonnent et éclairent le récit. Le napperon comme dernier espace de liberté ? « Celles qui les confectionnent détestent les napperons », précise très vite la danseuse-narratrice. Et revient cet ordre, martelé à l’impératif sur un ton sans appel : « Tu arrêtes ! ». Le propos s’éclaire peu à peu, jusqu’au mot final adressé au public : « Vous pouvez partir. Vous êtes libres » qui vient clore le tout dans une parfaite cohérence, et en toute connivence avec un public complice. On sait que la chorégraphe, également directrice du Centre Chorégraphique National de Nantes, cultive une relation ouverte au public, libre d’entrer et d’assister aux répétitions, au processus de création. Avec D’altro canto, elle signe un spectacle hybride, mêlant danse et théâtre, et place le lien au public au cœur de son travail, l’invitant à éprouver la liberté, et ses entraves.
C.I. Photos Bastien Capela.
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