Le bon cru du Concours 2020 se confirme
Saisons de la Voix. Dimanche 6 juin 2021, 17h. Gordes, Hôtel de Ville, espace Simiane
Julie Nemer, mezzo-soprano, [Juliette Sabbah, puis Elenora Pertz, pianistes],
Floriane Derthe, soprano, Hugo Mathieu, pianiste
Fabien Hyon, ténor, Juliette Sabbah, pianiste
Alexander York, baryton, Elenora Pertz, pianiste
Direction artistique, Susan Manoff
Le Concert de printemps aux Saisons de la Voix de Gordes couronne traditionnellement des journées de master-classes ; celles-ci sont offertes aux lauréats du Concours international de l’automne précédent.
En introduction, Susan Manoff, animatrice des master-classes et organisatrice du concert, s’est réjouie de ce premier rendez-vous réussi des Saisons avec leur public après le long silence imposé par la pandémie ; elle a rendu un vibrant hommage au président Raymond Duffaut, exceptionnellement empêché, saluant en lui « le pilier de l’art lyrique en France et même dans le monde » et un homme « toujours fidèle au poste »…
Le Concours international de la mélodie de Gordes 2020 avait été un bon cru, avec un nombre important de candidatures et des lauréats de valeur. Neuf d’entre eux ont bénéficié des master-classes et ont animé le concert conclusif.
Depuis l’ouverture du concours aux binômes voix-piano, ceux-ci sont devenus majoritaires, et seule Julie Nemer s’était présentée en voix solo ; deux des pianistes rencontrées lors des journées précédentes l’ont successivement accompagnée, témoignant de la camaraderie artistique qui s’était nouée ainsi. Dans un programme aux ambiances diverses (Brahms, Mahler, puis cycle Debussy), elle a déployé un mezzo large et velouté, un timbre clair avec des aigus généreux.
Floriane Derthe a lancé ensuite (Mendelssohn, Debussy, Lili Boulanger) un soprano bien charpenté, accompagné par Hugo Mathieu – doigté appuyé mais nuancé – ; une jolie voix mais une projection victime de l’agressive réverbération des aigus dans cette salle au demeurant fort agréable.
On monte en puissance avec le ténor Fabien Hyon, en équipe avec la délicate Juliette Sabbah qui se ploie comme un roseau sur le piano ; son texte de présentation, scrupuleusement préparé, s’est placé sous le thème de l’urgence : « il n’est jamais anodin d’éprouver le besoin de se réunir comme ici pour retrouver l’urgence des fondamentaux », déclinant ensuite la même thématique pour son choix de programme polyglotte (Goethe, Fauré, Stevenson) ; un ténor barytonnant dont la puissance lyrique est écrasée par l’exiguïté du lieu ; et un couple en parfaite aisance avec la salle : « un tout dernier Fauré pour se dire adieu ? »
Un cran de plus avec le couple final, deux Américains qui ont poussé l’exquise courtoisie à ne s’exprimer qu’en français, en présentation comme dans le répertoire (Ibert, Ravel, Poulenc…), un répertoire « jeune, frais, moderne », parfois badin (« Cessez, messieurs, d’être épouseurs »), certain de l’effet produit ! Dans une totale complicité avec sa délicieuse pianiste Elenora Pertz, Alexander York impressionne par son timbre puissant et coloré qui se permet des basses généreuses, et tout autant par sa prestance, son charisme, son sourire de jeune loup… et son C.V. déjà très riche. Est-ce aussi un signe des temps ? Au moment même où la cheffe Debora Waldman publie sa Symphonie oubliée (bientôt notre compte rendu de lecture ici) rendant hommage à Charlotte Sohy, l’une des nombreuses compositrices injustement méconnues, Elenora Pertz vient juste de créer un Festival Lieder Ladies pour accompagner les artistes féminines du lied dans la réussite de leur carrière.
Ce concert de printemps réunissait donc des artistes talentueux et généreux, qui semblaient s’attarder avec autant de plaisir que le public dans cet Espace Simiane en surplomb du village de Gordes qui a déjà entamé sa saison touristique.
Prochain rendez-vous des Saisons de la Voix : le concert « Sous le soleil de Naples » pour la fête de la musique, le 21 juin à 20h au Théâtre des Terrasses de Gordes (tarif 10€).
G.ad. Photos G.ad. & R.D.
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