Un grand, très grand moment de musique et de partage
41e Festival international de piano de La Roque d’Anthéron. Mardi 10 août 2021, 09h45. Auditorium du Parc de Florans
Bruno Rigutto, Paolo Rigutto (site officiel, et notre entretien), pianos.
Mozart : Sonate pour deux pianos en ré majeur K. 448. Schumann : Scènes d’enfants opus 15. Chopin : Scherzo n°2 en si bémol mineur opus 31. Ravel : Alborada del gracioso, extrait des Miroirs
Si les concerts constituent toujours des moments exceptionnels, la rencontre musicale avec deux pianos organisée à la Roque d’Anthéron prend une autre dimension : celle de la filiation, de la transmission et du plaisir musical partagé entre un père et son fils.
En invitant Bruno Rigutto, considéré comme l’un des plus brillants pianistes français, avec son fils Paolo – qui nous avait accordé un entretien en amont du concert -, jeune pianiste déjà très talentueux pour un échange à deux pianos, René Martin savait combler un public acquis aux deux artistes.
La Sonate pour deux pianos en ré majeur K448 de Mozart est le sujet idéal pour les solistes : il s’agit d’une œuvre de jeunesse (Mozart n’avait que 25 ans lors de sa composition). C’est l’une des seules œuvres que Mozart ait écrites pour deux pianos et de surcroît, cette sonate serait connue pour contribuer à apaiser et faire du bien à l’esprit selon la fameuse théorie de l’effet Mozart. Quel programme ! Les deux pianistes se font face. Dès le début du premier mouvement, Allegro con spirito, le ton allègre emporte le public. Les deux pianos se partagent la mélodie avant de la jouer simultanément. Légèreté du thème, concordance des artistes, on ressent ce jeu de dialogue tendre et complice dans l’écriture de la pièce. L’interprétation de Bruno et Paolo Rigutto nous entraîne vers le second mouvement Andante. Sous une apparente facilité, le thème s’égrène, on n’explique pas la grâce et la clarté de Mozart, on la ressent et il est miraculeux que les artistes puissent avec une telle symbiose communiquer leur émotion au public. Le finale Molto Allegro commence par un thème galopant, c’est brillant. Géniale et aérienne, l’interprétation des pianistes se refuse à tout effet artificiel. Nous sommes dans du pur Mozart.
La suite du concert est assurée par Bruno Rigutto en soliste. Le programme est résolument romantique avec des compositeurs comme Schumann, Chopin et Ravel. Le pianiste restitue l’unicité des Scènes d’enfants op15 de Schumann. B.Rigutto déroule le fil narratif des 13 tableaux et en restitue toute la musicalité. Sous ses doigts, l’élégance fine et romantique de l’œuvre est mise en valeur. Dans le Second Scherzo en si bémol mineur op31 de Chopin, c’est la virtuosité qui s’impose, par une exécution éblouissante.
Extrait des Miroirs de Mautice Ravel, L’Alborada Del grazioso (L’Aubade du bouffon) raconte l’histoire d’un homme qui tente de charmer une demoiselle par une sérénade grotesque ; elle repousse ses avances, et le ton de la musique est ironique. Les arpèges serrés de la main gauche évoquent la guitare, les figures de triolets de double croches, les castagnettes, tandis que le motif mélodique répété avec insistance et exubérance est celui du bouffon. L’excellence du jeu pianistique, dans une obsédante rythmique de Bruno Rigutto, est servie par un toucher très expressif et virtuose.
Devant l’ovation qui lui est faite, un bis s’impose et c’est à René Martin, directeur artistique du festival de la Roque d’Anthéron, que va la dédicace du pianiste en remerciement d’une programmation qui a su combler public et artistes en cette période difficile de pandémie. Le pianiste joue alors une de ses compositions très italienne : une mélodie napolitaine. Le piano se transforme alors en mandoline avec ses tremolos qui nous font voyager vers le sud de l’Italie. Paolo revient alors sur scène pour offrir un nouveau bis en compagnie de son père : l’Allegretto Gracioso op72 n°8 de Dvorak (extrait des danses slaves). Cette pièce normalement orchestrale trouve un relief magnifique dans cette interprétation à 4 mains. Celles-ci se croisent, conversent dans cette pièce émouvante de beauté.
Le public n’a pu que s’émerveiller de cette complicité magnifique entre les deux Rigutto. Un grand moment de bonheur et d’échange !
D.B. Photos Valentine Chauvin
Нина dit
Au sommaire de cette Matinale : le Yellow Lounge au Batofar, un livre sur le Ballet de l Opera de Paris, mais avant tout le pianiste Bruno Rigutto comme invite principal !
Classique dit
Merci pour votre commentaire. Mais n’hésitez pas à communiquer toutes informations utiles : date, heure, etc… Cordialement.
Damas dit
Merci pour cette critique qui me fait partager des moments inoubliables
Classique dit
Merci pour votre commentaire. N’hésitez pas à partager d’autres moments inoubliables tout au long de l’année sur Classiqueenprovence.fr. Cordialement.