Féérique
L’Autre Scène, à Vedène (84), samedi 4 janvier 2020, 20h30, et dimanche 5 janvier, 16h
Ballet de l’Opéra Grand Avignon (http://www.operagrandavignon.fr/lopera-theatre-grand-avignon/le-ballet/ ). Eric Belaud, Directeur de la Danse et chorégraphe.
Albert Roussel, Le festin de l’Araignée (1913). Igor Stravinsky, Pulcinella (1920)
Pulcinella, Anthony Beignard. Pimpinella, Noémie Fernandes. Tartaglia, Anne-Sophie Boutant. Furbo, Ari Soto
Les couples : Bérangère Cassiot & Giulia Monaco ; Rémi Okamoto & Béryl de Saint-Sauveur ; Arnaud Bajolle & Sylvain Bouvier ; Joffray Gonzalez & Romain Sirvent
Entrée libre sur réservation. www.operagrandavignon.fr
Si elle se cale sur cette soirée du Nouvel An, l’année 2020 sera lumineuse ou ne sera pas. Salle pleine (certes, soirée gratuite), public conquis, étoiles sur scène autant que dans les yeux des petits et grands… Voilà une production sans chichi mais de grande classe.
Les chorégraphies d’Eric Belaud sont, comme toujours, limpides et élégantes, légères jusque dans le drame, joyeuses et toniques. Furieusement vivantes. Lumières et couleurs sont aussi soignées que les jetés, arabesques ou entrechats.
En ce début d’année, ce nouveau spectacle dessine deux univers bien différents : la cruauté d’une nature délicieusement anthropomorphique, et le monde sucré de la commedia dell’arte, mais ne vous y fiez pas trop !
Dans le Festin de l’araignée, sur le fond de scène rétroéclairé, est dessinée une toile d’araignée dans la finesse incisive de l’encre de Chine. La danseuse arachnéenne, collant noir, dos résille (quasi-réplique de la toile) imprime sa présence sensuelle, tantôt redoutablement séductrice, tantôt cyniquement triomphante, tantôt mordante. Autour d’elle, tout un petit monde charmant ; papillon aérien, grosses chenilles maladroites, libellule diaphane, inquiétante mante religieuse, fourmi ou libellule…, palpitent, s’envolent, avec une grâce subtile ou une touchante gaucherie. Les costumes, joliment stylisés, sont aussi travaillés que les lumières qui caressent chaque tableau, dans la fluidité de passages glissés.
La puissance évocatrice de la partition commandée en 1912 à Albert Roussel par le théâtre des Arts, et largement inspirée des Souvenirs entomologistes de Jean-Henri Fabre, ne peut que trouver que des spectateurs conquis, à quelques kilomètres de Sérignan-du-Comtat, où « l’Homère des insectes » avait installé son Harmas en 1879 ; ce ballet-pantomime a d’ailleurs été créé en 1913, l’année même où le président de la République Raymond Poincaré est venu offrir à l’entomologiste l’hommage de la nation.
C’est un tout autre univers, après l’entracte, que Pulcinella, tout aussi réussi, avec néanmoins le bémol, dans l’un et l’autre cas, d’une sonorisation trop forte.
Avec costumes fleuris, couleurs sucrées à la fraîcheur printanière, les couples se font, se défont, en douceur plutôt qu’en douleur. Si le Polichinelle bondissant et jubilatoire – sans bosse -, incarné par le facétieux Anthony Beignard – ailleurs Peter Pan capricieux ou lutin croquignolet – attire à lui toutes les donzelles, et s’attire ainsi les foudres des fiancés, tout finira par cinq mariages, qu’on ne peut qu’imaginer heureux.
Dans ce cocon léger mais crédible, on se séduit, s’aime et se désire, avec la même insouciante légèreté qu’on se sépare, papillonne, et se retrouve. Et avec la même intensité qu’on défend son territoire amoureux au prix de corps-à-corps musclés.
A cette partition hétéroclite composée par Stravinsky pour les danseurs de Diaghilev – avec décors et costumes de Picasso -, le chorégraphe a donné une cohérence narrative, au-delà des tableaux aux sonorités distinctes, autour du thème central de Pergolèse.
Pour le public néophyte comme pour les lyricophiles abonnés à l’Opéra Grand Avignon, c’est une chance absolue d’avoir un ballet « maison », un trésor que l’on apprécie aussi bien dans les chorégraphies seules que dans les productions opératiques. On peut le voir en répétition en 2016 (G.ad. Photos spectacle : Cédric & Mickaël/ Studio Delestrade-Avignon. Photo salut : G.ad.).
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