Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, mercredi 14 février 2024
Marina Viotti, mezzo-soprano
Orchestre : Le Cercle de l’Harmonie ; Jérémie Rhorer, direction
Wolfgang Amadeus Mozart, Ouverture des Noces de Figaro. Wolfgang Amadeus Mozart, « Voi che sapete » (air de Chérubin), extrait des Noces de Figaro. Christoph Willibald Gluck, Danse des esprits bienheureux, « Qu’entends-je ? … Amour vient rendre à mon âme » (air d’Orphée), « J’ai perdu mon Eurydice » (air d’Orphée) et Danse des furies, extraits d’Orphée et Eurydice. Christoph Willibald Gluck, « Divinités du Styx » (air d’Alceste), extrait d’Alceste. Camille Saint-Saëns, « Mon cœur s’ouvre à ta voix » (air de Dalila), extrait de Samson et Dalila. Jules Massenet, Méditation de Thaïs. Georges Bizet, « Près des remparts de Séville » (air de Carmen), extrait de Carmen. Felix Mendelssohn Bartholdy, Ouverture du Songe d’une nuit d’été. Gaetano Donizetti, « L’ai-je bien entendu ?… Oh mon Fernand » (air de Léonore), extrait de La Favorite
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Le programme « Amor, Furor » de cette soirée de Saint-Valentin s’articule, comme l’indique la mezzo Marina Viotti au micro lors de brèves interventions, autour du thème de l’amour, sentiment exprimé par de nombreuses héroïnes dans l’histoire de l’opéra, le plus souvent teinté de sérieuses contrariétés, voire assez régulièrement de fureur.
C’est l’orchestre du Cercle de l’Harmonie qui est réuni ce soir, sous la baguette de son chef et fondateur Jérémie Rhorer, une formation jouant sur instruments d’époque dans un son certes moins métallique et agressif à l’oreille, mais pas exempt de brillant non plus, donnant un très juste équilibre en somme. Dès l’ouverture des Nozze di Figaro de Mozart, on apprécie ainsi la rondeur des bois ainsi que la vivacité des pupitres de cordes. La bonne forme de la phalange ne se dément pas par la suite, variant les nuances et rythmes dans les extraits symphoniques d’Orphée et Eurydice de Gluck, partant d’un tempo particulièrement lent pour le Ballet des ombres heureuses (« Danse des esprits bienheureux » dans le programme, mais il existe plusieurs traductions à partir de l’italien !), pour passer à une énergie et une dynamique supérieures au cours de la Danse des furies… et quel travail à la main gauche pour les cordes !
En seconde partie, la Méditation de Thaïs met en valeur le violon solo de la formation, instrument d’une juste intonation et qui paraît chanter la belle mélodie de Massenet, soutenue par les quelques notes de la harpe. L’ouverture du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn plonge par la suite au cœur du répertoire romantique, et, passé un fugace flottement rythmique sur les premières mesures, les musiciens font à nouveau preuve d’expressivité et de séduction sonore pour délivrer une élégante musique vif-argent.
Depuis son prix d’Artiste lyrique de l’année aux dernières Victoires de la Musique, la mezzo-soprano franco-suisse Marina Viotti a logiquement gagné en notoriété, mais sans rien perdre de ses qualités vocales, ni de son naturel. En veste rouge sur cuir noir en première partie, puis robe violette au dos nu en seconde, ainsi que des boucles d’oreilles LOVE de circonstance (« LO » à droite et « VE » à gauche), l’artiste ne se départ jamais de son large sourire lorsqu’elle s’adresse au public. Ses airs doux sont les plus enchanteurs, dès le premier « Voi che sapete », conduit avec musicalité et délicatesse, un bijou d’air où la dernière reprise est attaquée pianissimo et accompagnée de légères et subtiles variations. « J’ai perdu mon Eurydice » joue également de l’élégance de la ligne vocale, diction idéale sur un souffle généreux, variant avec goût les nuances piano – forte pour nous faire partager la détresse d’Orphée. Après l’entracte, le timbre capiteux de Dalila joue davantage sur la séduction, tout comme Carmen « Près des remparts de Séville », qui sollicite ici encore plus le registre grave, superbement exprimé et dans un serein équilibre avec l’orchestre.
Les passages élégiaques précédents alternent avec quelques séquences de pure virtuosité, comme « Amour vient rendre à mon âme » qui conclut le premier acte d’Orphée et Eurydice. Les vocalises y sont déroulées avec fluidité, même si toutes les notes ne dégagent pas la même puissance, l’air se terminant par une longue cadence de la mezzo seule, relevant d’une belle intuition musicale. L’air « Ô mon Fernand » de La Favorite de Donizetti qui conclut le programme nous montre à nouveau tout l’art de l’interprète, d’abord la ligne vocale conduite avec soin pendant la cantilène, enchaînant avec la cabalette qui relève davantage du registre « Furor »… et certains aigus de très grande ampleur. Marina Viotti nous offre en bis le rondo final de La Cenerentola de Rossini, vocalises en feu d’artifice, aisance, naturel, homogénéité des traits d’agilité, soit un rôle absolument idéal pour la chanteuse. Puis c’est « l’Amor » qui a le dernier mot, en reprenant l’air de Carmen chanté précédemment, à la demande du public enthousiaste.
F.J. Photos © I.F.
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