Il est des êtres rares…
Abdel Rahman El Bacha, piano, à Carpentras, Espace Auzon. Vendredi 11 janvier (film-conférence) et samedi 12 janvier 2019 (récital)
Il est des êtres rares, dont l’existence même est une bénédiction pour l’humanité, et dont la présence seule nous transfigure le monde. Abdel Rahman El Bacha est de ceux-là, par son regard et sa parole, par sa présence seule, tout autant que par sa musique.
C’était un événement ce week-end (voir notre entretien ici). La petite ville de Carpentras (84) accueillait le pianiste franco-libanais Abdel Rahman El Bacha, un fidèle du Festival de La Roque-d’Anthéron depuis bien des années, depuis que René Martin avait déniché la perle rare qu’était ce tout jeune lauréat du prestigieux concours international Reine Elisabeth (1er prix à l’unanimité !).
A Carpentras ce week-end de janvier 2019, El Bacha était invité notamment par Dany Baychère, qui l’avait accueilli il y a quelques années au collège Barbara Hendricks d’Orange qu’elle dirigeait, et qui a signé pour Classiqueenprovence plusieurs comptes rendus (en 2017 et 2018) et interview. El Bacha a conçu pour l’occasion un programme autour d’œuvres de sa composition – selon le souhait des organisateurs -, en y ajoutant Chopin, avec lequel il entretient (comme avec Beethoven ou Prokofiev) une relation privilégiée, ainsi que Granados, aux accents andalous, si proches de la musique orientale. Un pont lancé entre deux cultures, Orient et Occident.
Plus de 900 personnes étaient présentes à l’Espace Auzon, venues de tout le département. Qu’on ait découvert ce samedi, sous les doigts d’El Bacha, Chopin comme jamais, n’étonnera personne. Ce pianiste-là, dont on dit qu’il compte parmi les 5 meilleurs au monde, a de l’or dans les doigts. Ou plutôt il nous éclabousse d’une lumière intérieure qui jaillit par Chopin, par Granados, ou par les pièces d’El Bacha lui-même. Une lumière dont tout son être irradie, et qui dépasse de loin les notes, tout autant qu’elle les sublime. Un moment d’éternité suspendue, qui prenait ce samedi pleine profondeur et pleine saveur grâce à la soirée précédente : une conférence de Dany Baychère à propos de Un piano entre Orient et Occident, film de Gérard Corbiau (auteur, par ailleurs, du Maître de musique en 1988 et de Farinelli en 1994), avait dévoilé la sensibilité, l’humanité, le talent d’Abdel Rahman El Bacha, un sage qui s’en défend avec humour et modestie, et qui a mené ensuite avec la salle un dialogue authentique et riche, parfois intense.
Abdel Rahman El Bacha avait également, au cours de la journée, offert des master-classes marquées d’empathie et de simplicité.
On l’a entendu récitaliste et compositeur, on l’entendra concertiste le 11 octobre 2019 à Avignon, avec l’Orchestre Régional Avignon-Provence, dans le 3e concerto de Prokofiev (G.ad. Photos D.B. pour répétitions, G.ad. pour conférence).