Un spectacle aussi fort que nécessaire, à l’heure où guettent les obscurantismes
Mardi 28 janvier 2025, La Scala Provence
Une farouche liberté. De Gisèle Halimi et Annick Cojean, avec Marie-Christine Barrault et Hinda Abdelaoui. Mise en scène Lena Paugam
Ce spectacle est de ceux auxquels on souhaite longue vie. Créé à la saison dernière avec les comédiennes Ariane Ascaride et Philippine Pierre-Brossolette (lire notre compte-rendu), il est repris cette année avec Marie-Christine Barrault et Hinda Abdelaoui, qui prêtent leur voix, leur visage, à Gisèle Halimi, avocate et farouche combattante du droit des femmes. Tiré d’une série d’entretiens menés par la journaliste Annick Cojean, il retrace le parcours de celle qui, née dans une Tunisie patriarcale où être femme est une malédiction, se bat dès l’enfance pour imposer sa liberté. Dans un décor dépouillé où s’invite le bleu de la Méditerranée, la jeune Hinda Abdelaoui et l’immense Marie-Christine Barrault, tout aussi lumineuses l’une que l’autre, se renvoient la balle en toute fluidité.
C’est d’abord, pour la jeune Gisèle, l’éveil d’une conscience, à l’ombre d’une mère qui ne l’aima jamais ; la conquête du savoir, l’avidité d’apprendre. L’accès à la connaissance, le déploiement de son intelligence, elle le pressent, seront ses planches de salut. Lorsqu’elle revêt la robe d’avocate, c’est pour servir la liberté, l’indépendance, à commencer par celles des femmes. On la trouve aux côtés de la jeune militante algérienne Djamila Boupacha, torturée et violée par ses geôliers aux côtés de Marie-Claire Chevalier, jeune fille enceinte après un viol et jugée devant le tribunal de Bobigny pour avoir avorté à une époque où l’IVG est encore hors-la-loi. Et aussi aux côtés de deux jeunes femmes violées poursuivant leurs violeurs devant le tribunal d’Aix-en-Provence. Bravant les injures et les menaces, elle fait de ces procès des tribunes contribuant à faire évoluer les mentalités, et in fine à changer la loi. Une vie de combats, menée non sans grâce ni panache, qui s’achève dans la sérénité de la mer retrouvée.
La salle pleine à craquer applaudit debout un spectacle aussi fort que nécessaire, à l’heure où guettent les obscurantismes. La pièce sera reprise cet été à la Scala Provence pendant le festival d’Avignon, cette même cité qui vit l’an dernier une autre Gisèle, dans l’affaire dite des viols de Mazan, demander justice à visage découvert « pour que la honte change de camp ».
C.I. Photos Thomas O’Brien & Manuel Pascual
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