Zacharias, du grand art
Lundi 11 août 2025, 21 h, Auditorium du Parc du Château de Florans, Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron. Site officiel
Sinfonia Varsovia Orchestra
Christian Zacharias, piano et direction.
J. Haydn, Symphonie n° 39 « Tempesta di mare » Hob.I : 39. W.A. Mozart, Concerto pour piano et orchestre n° 14 K.449. J. Haydn, Concerto pour clavier et orchestre Hob.XVIII : 11. W.A. Mozart, Symphonie n° 25 K.183
Depuis sa découverte – c’était à La Roque en 2004 -, j’ai toujours apprécié l’art de Christian Zacharias, comme pianiste d’abord, puis chef d’orchestre. Le concert de ce 11 août n’a pas manqué de confirmer mon jugement, avec ce programme bien pensé, cohérent, mettant bien sûr en valeur les deux facettes de Zacharias, soliste et chef, et en parallèle des œuvres, datant des mêmes époques, de deux compositeurs contemporains et proches, représentants majeurs du classicisme viennois, Haydn (1732-1809) et Mozart (1756-1791). La symphonie n° 39 de Haydn date de 1768 et précède de 5 ans la n° 25 de Mozart (1773) et ce dernier écrivit son concerto pour piano n° 14 l’année même de la publication du n° 11 de Haydn (1784). Influence de l’aîné sur le cadet (symphonies), réaction de l’aîné face aux productions concertantes d’un cadet, qu’il reconnaissait déjà comme un futur grand (concerto n° 11) ? Les états d’esprit sont proches en tout cas, en cette période allemande du Sturm und Drang.
Qu’il soit sur l’estrade ou devant son piano, Zacharias captive, galvanise ses musiciens, tient en haleine un public attentif, qui ne bronche pas, jusqu’aux acclamations finales. Maître du jeu, son emprise est totale, sa direction est précise, expressive, semblant parfois sculpter la musique. On admire l’aisance, naturelle semblerait-il, avec laquelle il passe de la direction des phases orchestrales à son clavier, et inversement, quand il ne maîtrise pas les deux en même temps.
Ses interprétations ont été de véritables bijoux, respect des partitions, des nuances, des dynamiques, ensembles bien équilibrés et dosés, depuis les moments de grâce jusqu’aux plus sombres ou violents, expressivité, raffinement, lignes musicales claires, beau mariage entre le piano et l’orchestre, du grand art !
L’interprétation de la symphonie n° 39 a éclairé Haydn, la dimension de son œuvre et incitant à lui être plus attentif, à mieux le connaître, finalement. Peu jouée, on découvrait un allegro surprenant, avec ses jeux de silences, un andante expressif, délicat, narratif, un menuet dansant et imagé, et un final puissant, avec ses quatre cors, animé, vivant.
Le concerto n° 14 de Mozart permettait au soliste d’exprimer toutes ses qualités, finesse et délicatesse du jeu, virtuosité, clarté. L’allegro, empreint de grâce, laisse sourdre son inquiétude, un andantino subtil, joli dialogue piano / orchestre, exprime sa profonde méditation, le final est enjoué, virtuose, entraînant.
J’avais déjà eu le plaisir d’entendre le concerto n° 11 de Haydn sur cette même scène, en 2009, par ce même Zacharias. Il était alors à la tête de son orchestre de chambre de Lausanne. Cette œuvre possède une particularité qui la fait garder en mémoire, son final, le Rondo all’ungarese. Ce fut un plaisir de l’entendre à nouveau, un premier mouvement fidèle au tempo indiqué (vivace), laissant penser, d’ailleurs, à du Mozart, un adagio doux et délicat, et ce rondo rapide, virtuose, mené de main de maître.
L’ovation du public saluait l’orchestre et l’interprète, qui offrait deux bis, deux pièces de François Couperin, initialement pour clavecin, Les tours de passe-passe, du Livre 4, virtuose, des doigts allègres courant sur le clavier, et les barricades mystérieuses, du livre 2, plus calmes, mais virtuoses également.
La symphonie n° 25 de Mozart clôturait la soirée, caractéristique du Sturm und Drang, avec un allegro con brio, comme annoncé, énergique pour ne pas dire violent, vif, rapide, mettant en valeur le hautbois, un andante qui revient à la retenue, à la mélancolie, un menuetto nostalgique et son trio plus joyeux dévolu aux bois (hautbois, bassons) et aux cors, un allegro dynamique, mais qui n’arrive pas à cacher une certaine angoisse. Partition respectée, succès final et bis de l’orchestre, ou plus précisément des cordes, avec le bien connu presto du Divertimento K. 136.
Il faut rajouter ici que pour réussir un tel concert, le chef et le soliste sont bien sûr essentiels, mais un orchestre à son meilleur niveau aussi. Tel fut le cas du Sinfonia Varsovia, que les festivaliers connaissent bien, dont il faut reconnaître la souplesse et les capacités d’adaptation, lui qui voit se succéder à sa tête les chefs d’orchestre, Henri Aavik, le 10 août, Zacharias le 11, Marie-Ange Nguci le 13, et s’étoffer la liste des œuvres à interpréter. On a pu ainsi apprécier un orchestre aux cordes homogènes, de belle sonorité, aux vents sans reproches, un orchestre équilibré, bien articulé, exprimant comme voulu nuances et dynamique.
Tout était réuni pour une belle soirée !
B.D. Photos Valentine Chauvin
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