Dimanche 28 avril, 17h, Temple Saint-Martial, Avignon. Saison de Musique Baroque en Avignon
Mathias Vidal, ténor – notre entretien ici -. Ensemble Amarillis (Héloïse Gaillard hautbois – notre entretien ici -, Alice Piérot violon, Marianne Muller viole de gambe, Violaine Cochard clavecin)
En co-réalisation avec l’Opéra Grand Avignon
Jean-Philippe Rameau, Cantates et pièces de clavecin en concert
Cinquième Concert : La Forqueray – La Cupis – La Marais – Cantate le Berger fidèle
Deuxième Concert : La Laborde – La Boucon – L’Agaçante – Menuet 1 et 2
Indes Galantes : Ritournelle pour l’entrée des incas
Cantate Orphée
Après Philippe Jaroussky le mois denier, Musique Baroque en Avignon accueille pour son prochain concert l’Ensemble Amarillis (instruments) et Mathias Vidal (voix). (Voir nos entretiens avec Héloïse Gaillard et Mathias Vidal)
C’est la charmante bergère de la mythologie antique, inspiratrice de multiples compositeurs, qui a donné son nom à cet ensemble baroque bien connu, inventif, toujours en recherche de nouveaux projets, et régulièrement salué par la critique ; un ensemble à géométrie variable, de 2 à 17 musiciens, qui était, pour cet avant-dernier concert 2018-19 de Musique baroque en Avignon, en formation de base (Héloïse Gaillard hautbois – lire notre entretien -, Alice Piérot violon, Marianne Muller viole de gambe, Violaine Cochard clavecin). L’ensemble Amarillis cultive aussi le clin d’œil à la fleur homonyme (avec y), qui, « sur une tige unique, permet à chaque soliste de faire épanouir ses couleurs, comme une métaphore de la musique de chambre », dit Héloïse Gaillard, également conceptrice des programmes. Dimanche, le concert était un hommage à Jean-Philippe Rameau. Imaginé en 2014 pour le 250e anniversaire de la mort du compositeur, il marie pièces instrumentales et cantates (sortes d’opéras miniatures, de petits drames). Mathias Vidal (notre entretien), complice artistique d’Amarillis, « notre haute-contre à la française, souligne encore la hautboïste, avec beaucoup d’aigus, un timbre puissant et velouté, et une diction magnifique », chantera les tourments d’Orphée perdant Eurydice au retour des Enfers, ainsi que de Myrtil, amoureux… de la si belle Amarillis.
Le CD paru en 2014, en vente lors du concert, pourra prolonger le plaisir de l’écoute. (G.ad.)
Dimanche 28 avril, 17h, temple Saint-Martial. Réservations sur wwww.operagrandavignon.fr, ou dans l’Espace Vaucluse, Place de l’Horloge, lundi-vendredi, 11h-18h, ou 04 90 14 26 40.
Jean-Philippe Rameau, Cantates et pièces de clavecin en concert
Analyse par Philippe Gut
Considéré comme l’un des plus grands compositeurs français, Jean-Philippe Rameau (1683-1764) est l’incarnation musicale du classicisme français à son apogée au XVIIIe siècle ; l’essentiel de son œuvre est consacré à l’opéra, le plus célèbre étant Les Indes galantes (1735) ; au terme de la Querelle des Bouffons qui opposa les tenants du classicisme à la française à ceux de la musique italienne, plus naturelle, plus émancipée, cette partie de son œuvre disparut du répertoire jusqu’au milieu des années Trente du XXe siècle ; on l’a désormais redécouverte, alors que ses pièces pour clavecin étaient connues et appréciées à l’instar de celles de Bach, Scarlatti ou François Couperin et ont traversé le temps avec un prestige égal. Théoricien de l’harmonie classique, ses ouvrages dans ce domaine font toujours autorité. Rameau composa dans tous les genres musicaux, mais bien qu’il ait pratiqué l’orgue fort longtemps, il n’a laissé aucune partition pour cet instrument.
Ce fut durant sa semi-retraite, entre 1740 et 1744, que Rameau composa ses Pièces de clavecin en concert (1741) ; c’était là son seul recueil de musique de chambre ; à la différence des « sonates à trois » où le clavecin assure la basse continue, chez Rameau le clavecin dialogue à égalité avec les instruments mélodiques que sont le hautbois, le violon et la viole dans le « Deuxième Concert », avec le violon et la viole dans le « Cinquième », le clavecin étant dit ici « concertant ».
Cinquième Concert :
La Forqueray – La Cupis – La Marais.
Ce concert se compose de trois pièces portant en titre le nom de trois musiciens, célébrant ainsi trois instruments, le clavecin (La Forqueray), le violon (La Cupis) et la viole de gambe (La Marais).
La première, La Forqueray, est une fugue dont le titre évoque peut-être le claveciniste et violiste Jean-Baptiste Forqueray ou son cousin Nicolas Gilles Forqueray, organiste de l’église Saint-Eustache à Paris.
La Cupis, marquée « Rondement », est un hommage à la danseuse Marie-Anne Cupis de Camargo qui dansa lors de la première d’Hippolyte et Aricie en 1733, mais aussi à son frère, violoniste et compositeur, Jean-Baptiste Cupis.
La Marais, également marquée « Rondement », évoque bien sûr le plus grand violiste qui en son temps joua avec ses fils devant le Roi Soleil ; le fils de Marin Marais, Roland, composa des « Pièces de viole » qui furent publiées durant les années Trente du XVIIIe siècle.
Cantate le Berger fidèle
Cette cantate créée en 1728 aux Tuileries à Paris, se compose de six parties, successivement : un Récitatif où le narrateur présente l’histoire, puis, dans un Air plaintif, il dit la douleur du berger Myrtil obligé de sacrifier celle qu’il aime pour satisfaire la déesse Diane ; dans le Récitatif qui suit, il se reprend et dans un Air gai, se refuse à croire en une issue fatale pour la femme aimée (cet air dans le style italien fut repris dans l’opéra Les Fêtes d’Hébé en 1739) ; le narrateur décrit la volte-face de Diane devant le courage déployé par le berger fidèle dans un dernier Récitatif ; un ultime Air vif et gracieux décrit les épreuves de l’amour et chante les retrouvailles de Myrtil et de celle qu’il aime…
Deuxième Concert :
La Laborde – La Boucon – L’Agaçante – Menuet 1 et 2.
Compositeur, historien et fermier général, Jean-Benjamin de La Borde (1734-1794) étudia le violon avec Dauvergne et la composition avec Rameau ; né en 1734 il n’avait donc que 7 ans lorsque son maître lui dédia la Pièce qui porte son nom, La Laborde, marquée « Rondement ».
Excellente claveciniste virtuose, Anne-Jeanne Boucon (1708-1780) fut l’inspiratrice de musiciens de son temps comme Jean Barrière en 1740 ou Jacques Duphly en 1744 ou encore Rameau qui lui consacra la deuxième « Pièce » de son deuxième concert qui porte son nom, La Boucon, marquée « Air gracieux ». Elle épousa en 1747 le célèbre compositeur Mondonville.
L’Agaçante, marquée elle aussi « Rondement », est une pièce évoquant le flirt tel que pratiqué au temps des Liaisons dangereuses… Rameau reprit cette page qu’il orchestra alors, deux fois, dans ses opéras La princesse de Navarre (1745) et dans Zoroastre (1749).
Ce « deuxième concert » s’achève par un quatrième mouvement constitué de deux Menuets d’une grande élégance et d’un charme avéré dans le plus pur style classique. Le second fut repris dans Les Fêtes de Polymnie en 1745.
Indes Galantes : Ritournelle pour l’entrée des Incas.
Les Indes galantes (1735), deuxième composition pour la scène de Rameau, premier de ses opéras-ballets est l’œuvre la plus célèbre du compositeur dans ce genre. Point d’actes dans ces opéras-ballets mais des « entrées » car il n’est nullement question ici d’un scénario formel ni d’une intrigue constituée. Le livret de Louis Fuzelier est d’une grande banalité ; ce qui fait le prix de ce chef-d’œuvre c’est bien évidemment sa musique, un des sommets du répertoire du Siècle des Lumières. Pour faire exotique, les « Indes » où se déroulent diverses intrigues amoureuses se situent en réalité en Turquie, en Perse et au Pérou (!). La « Ritournelle pour l’entrée des Incas » (la deuxième de l’œuvre, après la première évoquant « Le Turc généreux » et précédant la troisième « Les Fleurs, fête persane ») est l’une des nombreuses pièces instrumentales qui ponctuent cette entrée. Pour mémoire rappelons qu’une 4e Entrée fut ajoutée en 1736, celle des « Sauvages » qui se déroule en Amérique… (P.G.)