Un oratorio monumental dans toute sa force pour le Vendredi-Saint
Festival de Pâques. www.festivalpaques.com Aix-en-Provence, église de la Madeleine. Vendredi 2 avril, 20h30
Johann Sebastian Bach (1685-1750), Matthäus-Passion, BWV 244 (Passion selon saint Matthieu)
Pygmalion, orchestre et chœur, direction Raphaël Pichon. Maîtrise de Radio France, Morgan Jourdan, directeur musical adjoint, chef de choeur
Julian Prégardien, Evangéliste. Stéphane Degout, Jésus. Christian Immler, Pontifex Kaiphas, Pilatus. Sabine Devieilhe, soprano 1, uxor Pilati. Hana Blažíková, soprano 2. Lucile Richardot, alto 1. Tim Mead, alto 2. Reinoud van Mechelen, ténor 1. Emiliano Gonzalez-Toro, ténor 2, témoins. Maïlys de Villoutreys, Ancilla I. Perrine Devillers, Ancilla II. Etienne Bazola, Petrus, Pontifex I. Georg Finger, Judas, Pontifex II.
Pour le Vendredi-Saint, le Festival de Pâques 2021 programme la monumentale « Passion selon saint Mathieu », de Jean-Sébastien Bach, animée du souffle spirituel de l’ensemble Pygmalion et de solistes de premier plan, placés sous la direction inspirée de Raphaël Pichon
Le Festival de Pâques 2021 propose pour son édition 2021 ce sommet de l’oratorio baroque que constitue la Passion selon Saint Mathieu, de Jean-Sébastien Bach. Une œuvre monumentale de 2h45 sans entracte, dans une tension soutenue et un souffle quasi épique. Une véritable performance dont il faut saluer les interprètes, tous d’une qualité irréprochable du début à la fin. Plusieurs fois remaniée, cette œuvre exprime la douleur des derniers moments de la vie du Christ : la Cène, la trahison et l’arrestation, l’injustice de la parodie de procès, la douleur de la montée au Golgotha, la fulgurance atroce de la crucifixion.
La rudesse de la langue allemande souligne le drame terrible qui se joue à travers le texte de Mathieu, ponctué de chorals, dont certains seront fâcheusement affadis dans la liturgie catholique. Le récit de l’Evangéliste est confié au ténor Julian Prégardien, familier de ce répertoire, qui offre ses inflexions amples, sa voix robuste et la finesse de sa sensibilité à un texte aux multiples facettes. Tous les autres solistes, simples membres du chœur en dehors de leurs interventions, incarnent à tour de rôle avec un égal talent tous les protagonistes : les basses Stéphane Degout, sobre et magistral en Jésus, et Christian Immler en Pilate, les soprani Sabine Devieilhe, bouleversante épouse de Pilate, poignante dans l’air « Aus Liebe will mein Heiland sterben » (« C’est par amour que mon Sauveur veut mourir », https://www.youtube.com/watch?v=oc2S7Mg9Cug ) et Hana Blazikova, l’alto Lucile Richardot, les ténors Reinoud van Mechelen – voix habituelle des Arts florissants -, et Emiliano Gonzalez-Toro, capable de passer du baroque au jazz avec Thomas et David Enhco. Seul le jeune anglais Tim Mead n’a pas trouvé d’emblée sa place vocale, entre sa tessiture de contre-ténor et son emploi d’alto, dans ce répertoire qui ne lui est pourtant point étranger.
Dans ce drame, où point parfois l’espoir de la Résurrection, les chœurs représentent aussi bien les Juifs de l’époque que les chrétiens de toutes époques ; ils dessinent avec précision une image très juste de l’humanité, à la fois foule compacte et somme d’individualités distinctes.
L’ensemble Pygmalion – musiciens masqués de noir – sur instruments anciens ne mérite que des éloges : les cordes expriment les sentiments et subliment les arias, les flûtes et hautbois accompagnent le récit, les violes d’amour, théorbe et luth tissent avec une élégante délicatesse l’univers baroque, alors que le clavecin brode son continuo.
La prise de vue éclate en plusieurs caméras : parallèle de la mosaïque musicale que constitue l’œuvre, construite pas à pas à travers des éléments épars, et le glissement progressif vers les images en sépia suit l’insistante intrusion du malheur.
On peut revoir ce concert en replay sur Arteconcert.com pendant 3 mois. Pygmalion avait également enregistré la Passion selon Saint Mathieu, avec d’autres solistes – Sabine Devieilhe n’étant alors que choriste -, à Versailles en 2017 ; visible sur YouTube.
G.ad.
Анатолий dit
We have grown accustomed to urgent, almost breathless, retellings of the Passion story, with brisk tempi hurtling the narrative along, so it was a treat to hear Raphael Pichon’s spacious, luxuriously upholstered for the Festival de Paques, Aix-en-Provence. Of the many Bach performances available online this Easter, few could claim to be quite so richly augmented as this stream, which saw a cast of outstanding soloists join the period-instrument players and choir of Ensemble Pygmalion in the sumptuous grandeur of the Eglise de la Madeleine for a radiantly transcendent rendition of one of Western music’s greatest monuments.