Somptueux concert, programme original
Parc du Château de Florans, La Roque d’Anthéron le 9 août 2022. Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron
Direction musicale, Pascal Rophé. Piano, Florent Boffard. Percussions, Julien André, Demba Soumano et Dramane Sissoko. Danse, Aminata Traoré
Sinfonia Varsovia
Bartók : Concerto pour piano et orchestre n°3. Ligeti : Concerto pour piano et orchestre
Le XXème siècle est au programme ce soir, avec deux pièces bien différentes quoique provenant de deux compositeurs hongrois, Béla Bartók (1881-1945) et György Ligeti (1923-2006).
Créé en 1946, le Concerto n°3 pour piano et orchestre est une œuvre de la plus grande maturité de Bartók, qui décèdera d’ailleurs avant d’en avoir terminé la composition, en laissant toutefois des instructions pour compléter les dernières mesures. La pièce est plutôt facile d’écoute, magnifiée par le Sinfonia Varsovia – voir aussi nos comptes rendus des récents concerts des 5 et 8 août 2022 – dirigé par Pascal Rophé et le piano de Florent Boffard. Soliste de l’Ensemble Intercontemporain de 1988 à 1999, familier du répertoire du XXème siècle, ainsi que des compositeurs contemporains, Florent Boffard dégage une grande maîtrise technique ainsi qu’un fort caractère sur ses attaques. Quant à l’orchestre, aucune faiblesse n’est à relever au sein du Sinfonia Varsovia, la phalange ayant fait des progrès spectaculaires depuis ses premières interventions au festival, il y a plusieurs années. On entend quelques touches de modernité originales, comme les piccolo, xylophone et piano au deuxième mouvement Adagio religioso, ou encore le troisième Allegro vivace qui démarre comme une fugue de Bach, pour évoluer et se transformer en des styles très divers. Pascal Rophé coordonne remarquablement l’ensemble et maîtrise avec précision les tempi et leurs ruptures, l’opus laissant une place de choix à l’instrument soliste.
Une pause est marquée avant de passer à Ligeti, non pas un entracte mais une intervention de l’ethnomusicologue Simha Arom, qui rappelle l’influence des polyrythmies africaines sur l’œuvre de Ligeti, le compositeur étant attiré par certaines ambiguïtés musicales en « trompe-l’oreille ». Il présente également les quatre artistes en présence, Julien André, Demba Soumano et Dramane Sissoko qui tapent sur leurs percussions tandis qu’Aminata Traoré danse avec énergie, au cours de trois morceaux pendant une dizaine de minutes.
Après cette transition, le concerto de Ligeti s’ancre davantage dans une modernité aux dissonances plus fréquentes, même si l’œuvre s’écoute bien plus facilement que certains opus d’Arnold Schönberg (1874-1951) par exemple.
Si le premier mouvement Vivace molto ritmico e preciso commence curieusement dans une ambiance jazzy – pour les combinaisons des accords piano, pizzicati des cordes et percussions – quelques sonorités alla Messiaen se font rapidement entendre (descentes d’accords au piano, cuivres, …). Le début du deuxième mouvement Lento e deserto montre une folle originalité, un infime fond de contrebasses et de brèves notes aux bois puis cuivres, comme de petits cris plaintifs. Le troisième Vivace cantabile convoque un piano qui joue continuellement ses arpèges à grande vitesse, Florent Boffard y montrant une endurance à toute épreuve. L’œuvre fut créée en 1986 avec ces trois mouvements, mais après plusieurs écoutes, Ligeti n’était pas convaincu du finale et composa deux mouvements supplémentaires, pour une première de l’œuvre complétée en 1988.
Le tout forme une partition très riche et dense, mettant les trois percussionnistes et le pianiste à très haute contribution, mais tous les artistes sont à saluer et remercier pour ce somptueux concert au programme original.
F.J. Photos Valentine Chauvin
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