« Traditions romantiques »
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Opéra Grand Avignon / Avignon, mardi 7 février 2023, 20h, durée 1h15
Grand Théâtre de Provence, jeudi 9 février 2023, 11h
Orchestre National Avignon-Provence. Direction, Débora Waldman. Cheffes assistantes, Zoe Zeniodi et Joanna Natalia Ślusarczyk, dans le cadre de « l’Académie la Maestra ». Violon, Renaud Capuçon
Félix Mendelssohn (1809-1847), Ouverture La Belle Mélusine, en fa majeur op. 32, MWV P 12 (1834). Samuel Barber (1910-1981), Concerto pour violon et orchestre op. 14. Louise Farrenc, Symphonie n° 3 op. 36 en sol mineur
Tarifs : de 5€ à 30€. Par téléphone : au 04 90 14 26 40, mardi-samedi, 10h-17h sans interruption ; ou en ligne ; ou par correspondance et sur place : Opéra Grand Avignon service Billetterie 4 rue Racine 84000 Avignon
Même concert au Grand Théâtre de Provence, à Aix-en-Provence, mercredi 9 février, 11h. Billetterie .
Un programme Barber / Farrenc n’est pas particulièrement conçu pour attirer un public nombreux, les interprètes fussent-ils de qualité, et le soliste moins connu et médiatique que celui qu’il nous était proposé d’entendre ce mardi 7 février. Mais voilà, associé à l’excellent travail que fait Débora Waldman à la tête de son Orchestre National Avignon-Provence, – une cheffe qui se prépare par ailleurs à diriger le 1er mars 2023 à Dijon la cérémonie des 30es Victoires de la musique classique -, le talent, la notoriété, l’aura de Renaud Capuçon ont attiré la foule et rempli la salle d’un public enthousiaste. Tant mieux pour la musique, tant mieux pour ces deux œuvres de Barber et Farrenc que tout le monde, pratiquement, découvrait.
Moins méconnue, mais pas des plus jouées de Mendelssohn, l’ouverture La Belle Mélusine débutait le concert. Déçu par l’ouverture de l’opéra Melusina de l’Allemand Conradin Kreutzer (à ne pas confondre avec le plus célèbre Rodolphe Kreutzer, le dédicataire de la fameuse sonate), créé en 1833, Mendelssohn, dans la foulée, avait décidé d’en écrire une autre. De cette œuvre, où alternent et se mêlent le thème ondoyant du monde féérique et aquatique de la femme-serpent, mené par les clarinettes, avec parfois l’appui des flûtes, et le thème plus dramatique décrivant les tourments du chevalier qui en est épris, Débora Waldman et ses musiciens nous ont proposé une version brillante, énergique, dans un tempo vif, mais dans laquelle manquait, à notre goût, un peu plus de retenue, de poésie et de mystère dans les passages évoquant le monde de Mélusine.
L’Américain Samuel Barber (1910-1981) n’est connu du grand public que par son adagio pour cordes (écoute), qui devient lassant à écouter tant il est diffusé sur les ondes des radios de musique classique et qui, ainsi, cache le reste de la production. Le concerto pour violon, en particulier, son seul concerto pour violon, à côté d’un autre pour violoncelle en 1945 et d’une commande pour piano en 1962, fait partie de ses œuvres qui méritent d’être mises en valeur. Créé en 1941, après les tergiversations d’un commanditaire qui renonça finalement à le jouer, puis recréé en 1949, pour la version définitive, l’œuvre, dans laquelle est introduit un piano comme instrument d’orchestre, est tout à fait abordable pour l’auditeur qui craindrait trop de « modernité ». Un peu en délicatesse avec les tout premiers aigus du premier mouvement, Renaud Capuçon, avec son Guarneri de 1737, a par la suite parfaitement maîtrisé la partition et répondu aux exigences de virtuosité qu’elle demande. Sa complicité avec la cheffe et un orchestre en pleine possession de ses moyens ont offert une belle version de ce concerto. On en retiendra, du premier mouvement, ses alternances de moments de calme et de rêverie et de moments plus passionnés, et ses accélérations virtuoses ; de l’andante, le joli chant initial du hautbois, la chaleur du violon, ses élans passionnés et ses moments d’intériorisation ; et du final, mouvement le plus court (4 mn environ), cette impressionnante course effrénée du violon et de l’orchestre, chevauchée fantastique d’une extraordinaire virtuosité, parfaitement maîtrisée par le soliste. Trop court le mouvement ? Faisant fi de sa difficulté, Capuçon et l’orchestre le reprirent en bis pour un public enthousiaste et conquis.
Suivait la 3ème symphonie de Louise Farrenc (née Dumont, 1804-1875), deuxième femme nommée, en 1842, professeur au Conservatoire de Musique de Paris, mais la première à obtenir, de haute lutte, un salaire égal à celui des hommes. Sa production est principalement dédiée à la musique de chambre, au piano et à la mélodie, et ne comporte qu’une petite dizaine d’œuvres pour orchestre, dont ses trois symphonies. Débora Waldman, dans son travail de remise à l’honneur des compositrices, nous avait déjà proposé la 1ère symphonie en octobre 2021. La 3ème, créée en 1849, est, elle, considérée comme la plus accomplie. L’influence germanique, notamment celle de Félix Mendelssohn, se ressent nettement tout au long de l’œuvre, dans laquelle, bien évidemment, Louise Farrenc introduit sa pâte personnelle. Le premier mouvement, un allegro, est bien charpenté, à l’orchestration bien maîtrisée ; suit un adagio charmeur et apaisant ; le scherzo léger et sautillant, est finement orchestré, avec, en partie centrale, un joli mariage entre les bois et les cors sur fond de pizzicati. L’allegro final présente cependant une thématique et un développement qui nous ont paru moins inspirés. Débora Waldman et l’orchestre ont défendu l’œuvre avec conviction, nous offrant de belles pages, avec notamment un scherzo bien captivant, mais sans parvenir toutefois à mieux valoriser le 4ème mouvement. Louise Farrenc, en tout cas, a été bien servie. Nous n’avons plus maintenant qu’à espérer la 2ème symphonie pour terminer ce cycle de découverte et je finirai sur une note de mécontentement : un public qui prend depuis peu l’habitude d’applaudir entre les mouvements, manifestation cassant inutilement la magie de l’œuvre et perturbante pour l’auditeur plongé dans son atmosphère.
On se réjouit toujours d’entendre Renaud Capuçon, régulièrement accueilli dans la région. Il avait été invité avec le pianiste David Fray par Musique Baroque en Avignon en décembre 2021 (voir nos entretiens d’alors) ; il sera sous peu en récital à la Scala-Provence, le 12 mars 2023. Et aux commandes du Festival de Pâques dont il est le fondateur, à Aix-en-Provence du 31 mars au 16 avril 2023.
B.D. Photos G.ad.
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