Un magnifique Beethoven, après une 1e partie plus réservée… mais des applaudissements décidément exaspérants !!!
Vendredi 10 mars 2023, 20h, 1h15, Opéra Grand Avignon, Avignon. Réservations. Dimanche 12 mars 2023, 18h, Palais des Congrès, Digne-les-Bains. Réservations
Orchestre National Avignon-Provence. Direction, Jean-François Heisser. Mezzo-soprano, Aude Extrémo
Camille Pépin, Avant les clartés de l’aurore. Hector Berlioz, Les Nuits d’été op. 7. Ludwig van Beethoven, Symphonie n°4 en si bémol majeur op. 60
Ce concert, intitulé « Où voulez-vous aller ? » est le 6e de la saison 2022-2023 « Odyssées » de l’Orchestre National Avignon-Provence.
Camille Pépin, jeune compositrice, née en 1990, est un nom qui commence à s’imposer dans les programmations. J’avais déjà eu l’occasion, en 2021, d’entendre à Lyon, sa Source d’Yggdrasil, une œuvre qui avait alors retenu toute mon attention. Elle est l’autrice, depuis 2015, d’une trentaine d’œuvres, aussi bien pour orchestre que concertos ou œuvres de musique de chambre. Cela lui a valu d’être nommée Compositrice de l’année aux Victoires de la Musique 2020 et d’être promue, déjà, Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2022.
L’œuvre proposée ce jour fut créée en septembre 2020 par l’orchestre philharmonique de Radio-France dirigé par Mikko Franck. Elle ne demande que 12 musiciens, 2 violons, une clarinette, une clarinette basse, 2 violoncelles, 2 cors, un métallophone, un xylophone, 2 trompettes, disposés, pour emplir l’espace sonore, symétriquement sur la scène, et ce pour une durée de 13 minutes environ. Elle fut inspirée, pendant le confinement covid, par quatre vers de Pouchkine :
« Ainsi la lune sur la rose,
Que la pluie alourdit encore,
Répand sa mystique lueur
Avant les clartés de l’aurore ».
En 2020, à Radio-France, Camille Pépin avait ainsi expliqué sa démarche : « L’œuvre n’est pas une description de ces quatre vers, mais ils ont servi de point de départ à sa conception. Ce sont plutôt des impressions et des sensations. Elle comporte ainsi quatre sections correspondant à chacun des quatre vers ».
Nous ne sommes en effet pas dans le descriptif, mais bien dans le domaine impressionniste, cherchant, par le jeu des sons, des alliages de timbres et de rythmes, à provoquer des sensations, à évoquer des images en rapport avec le thème choisi. L’œuvre est construite sur un continuum sonore assuré principalement par les cordes et les cors, agrémenté des notes distillées par le xylophone et le métallophone, et recourant à des notes répétitives sur un rythme saccadé, ce qui n’est pas sans rappeler Philip Glass et autres auteurs américains. Clarinettes, trompettes, violoncelles viennent tout au long du déroulé sonore apporter leur couleur et affirmer leur personnalité. Après une première section ouvrant dans le calme sur un monde mystérieux dominé par la sonorité de la clarinette, s’amplifie une deuxième section plus heurtée rappelant sans ambiguïté un bref instant le Stravinski du Sacre du Printemps. Camille Pépin, ainsi, à Radio France, avait précisé : « Quand je pense à Stravinski, je pense cuivres et percussions et j’ai eu à cœur de les mettre à l’honneur dans cette pièce ». La fin se calme à nouveau avec les belles sonorités du violoncelle et de la clarinette.
Oui, mais voilà, l’œuvre, bien que lumineuse et parfaitement écoutable, adopte résolument un langage contemporain. Bien qu’il fût intéressant de la découvrir, était-elle vraiment à sa place en ouverture d’un programme proposant ensuite deux œuvres romantiques, tant le contraste linguistique est fort ? Sans doute aurait-elle mieux accompagné un programme proposant des œuvres plus récentes du 20ème siècle. L’Orchestre, en tout cas, et Jean-François Heisser – bien connu du public avignonnais, et que nous avions interviewé il y a quelques années – ont su l’interpréter avec sérieux et application.
Berlioz a publié les Nuits d’été, sur des poèmes de Théophile Gautier, en 1841 dans une première version pour mezzo ou ténor et piano. Il termina en 1856 l’orchestration des six mélodies. On peut les entendre aujourd’hui transposées pour différentes voix. Le contenu des poèmes appelant plutôt une voix masculine, j’avoue pour ma part, musicalement, préférer la version pour mezzo-soprano, mais je ne sais trop comment considérer, finalement, l’interprétation qui nous a été offerte ce jour. Etais-je placé trop proche de la soliste, mal positionné par rapport à l’orchestre ? Je fus surpris en effet par l’attaque de la Villanelle par une voix puissante, profonde, au timbre sombre, laissant deviner des aptitudes à l’alto, voire le contralto. Aude Extrémo – qui avait enregistré en avril 2022 avec l’Onap les albums Charlotte Sohy -a certes chanté en vivant son texte, exprimant avec nuances les sentiments du poète, passionnés, dramatiques, nostalgiques, héroïques, descendant avec aisance dans le grave, assumant les aigus, mais j’eusse préféré une mezzo au timbre plus clair, moins puissante et plus en communion ou complicité avec l’orchestre. Trop présente, elle a pu parfois le couvrir ou même le faire oublier, un orchestre qui, hormis cela, a parfaitement joué son rôle d’accompagnant. Les pièces les plus réussies ont été de mon point de vue Le Spectre de la Rose et l’Île inconnue, mais j’aurai connu, je dois le dire, des Nuits d’été plus romantiques.
La 4ème symphonie de Beethoven (1806) est sans doute la moins pratiquée, éclipsée par les autres, et pourtant, c’est également une belle œuvre, que Jean-François Heisser et son orchestre ont su de belle façon mettre en valeur. Le chef, de toute évidence, la connaît parfaitement et a su obtenir de ses musiciens un engagement total, heureux dans le choix des tempi, trouvant le bon équilibre des masses orchestrales, maîtrisant les nuances et la dynamique. Le premier mouvement a d’emblée exposé toutes ces qualités, l’adagio fut une réussite, avec un orchestre irréprochable et de belles interventions, parmi d’autres, de la clarinette et de la flûte ; le scherzo fut enjoué et un finale rapide et entraînant concluait le tout, salué par un public conquis, si l’on en juge par l’intensité des applaudissements.
En parlant d’applaudissements, je reviens sur cette nouvelle manie désagréable que le public a prise depuis le début de la saison d’applaudir systématiquement entre les mouvements. Je ne sais comment elle s’est soudainement introduite, mais il serait bon de pouvoir rester jusqu’à la fin, sans coupure intempestive, dans l’atmosphère de l’œuvre.
B.D.
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