Concert « Elégance »
Vendredi 12 mai 2023, 20h, durée 1h15, Opéra Grand Avignon, Avignon
Orchestre National Avignon-Provence. Direction, Arie Van Beek. Piano, Akane Sakai
Lili Boulanger, D’un soir triste. Ludwig van Beethoven, Concerto n°4 pour piano et orchestre op .58 en sol majeur. Franz Schubert, Symphonie n°1 D. 82 en ré majeur
Voir aussi toute la saison 2022-2023 de l’Onap
Magnifique concert que celui qui nous fut offert ce 12 mai par Arie Van Beck (photo ; sous peu notre entretien), Akané Sakai et les musiciens de l’ONAP. On ne présente plus le chef hollandais Arie Van Beck, invité régulier de nombreux orchestres français, qui fut directeur musical des orchestres d’Auvergne et de Picardie et qu’Avignon a déjà eu le plaisir d’accueillir à plusieurs reprises. Si la pianiste japonaise Akané Sakai est une habituée du Festival de nos voisins de La Roque d’Anthéron, elle se produisait, elle, pour la première fois à Avignon. Premier Prix d’Excellence du Lemmens Institut de Belgique, sa carrière internationale commence à se développer. Chambriste très appréciée, elle partage la scène avec les plus grands noms et elle est, depuis 2018, directrice artistique du Festival Martha Argerich de Hambourg.
Le concert débutait donc avec Lili (Marie Juliette) Boulanger (1893-1918), sans doute le nom de compositrice le plus connu en France. La longue présence de sa sœur aînée Nadia (1887-1979) dans le monde musical français y est probablement pour quelque chose, sa tragique destinée aussi. Lili Boulanger fait en effet partie de ces musiciens doués et prometteurs que la mort empêcha de s’épanouir, décédée à 24 ans d’une tuberculose intestinale qui la minait depuis sa plus tendre enfance. Musicienne précoce, élève de Gabriel Fauré pour le piano, elle laisse une quarantaine d’œuvres écrites entre 1906 et 1918, surtout de musique vocale et chorale, un peu de musique de chambre, pour orchestre ou pour piano. Les sœurs Boulanger étaient filles d’un compositeur, Ernest Boulanger, grand prix de Rome en 1835, et d’une cantatrice russe. Lili sera, elle, la première femme à remporter ce même grand Prix de Rome en 1913. Peut-on s’en étonner, quand on sait quel était son héritage musical ? Ses grands-parents paternels étaient eux aussi musiciens, professeur de violoncelle et de chant pour l’un, mezzo-soprano à l’Opéra-Comique pour l’autre.
L’œuvre donnée, D’un soir triste, d’une dizaine de minutes, habituellement couplée à une autre pièce, D’un matin de printemps, fait partie des dernières productions de la compositrice (1918). Je dois ici regretter le peu d’informations données dans le programme sur ce genre d’œuvres peu connues, d’autant qu’elle était annoncée orchestrée par Camille Pépin. Lili Boulanger a donné trois versions de sa composition : violoncelle et piano, trio avec piano, orchestre. On aurait bien voulu connaître le travail effectué par Camille Pépin et son apport à la partition originale, mais rien, donc frustration. Je dois cependant reconnaître que l’orchestration proposée était séduisante, fine, équilibrée, mettant en valeur les instruments de l’orchestre, mais on ne saura pas quoi était de qui, de Lili ou de Camille ? Arie Van Beck et ses musiciens ont bien su interpréter cette œuvre poignante d’une compositrice se sachant condamnée, et en rendre l’atmosphère crépusculaire, impressionniste, les accès de violence et de calme, de tristesse et de désespoir. On aura retenu de beaux instants, certains solos instrumentaux (les bois, dont le cor anglais, le violoncelle, l’alto), ce chant du premier violon sur fond de pizzicatti aux altos, le martèlement lent des timbales marquant un destin inexorable, jusqu’à cette fin douloureuse et calme. Une œuvre à réentendre !
Changement d’atmosphère avec Beethoven et son 4ème concerto pour piano ! Nous n’entrerons pas dans le détail de ce concerto bien connu. Tempi, dynamique et nuances bien respectés, l’interprétation qui en a été donnée, de bonne facture, a enchanté le public. La pianiste, avec agilité, doigté, virtuosité, a bien maîtrisé sa partie et offert, en particulier, une belle cadence dans le premier mouvement. On regrettera simplement un petit manque de clarté dans certains forte rapides, une ou deux légères hésitations et, pour la sonorité du piano, des extrêmes aigus un peu durs, à la limite de la justesse. Akané Sakai, en tout cas, vivait pleinement l’œuvre, son visage expressif témoignait de sa concentration, on la devinait suivre mentalement la partition d’orchestre, attentive à y placer son jeu. Un regret là aussi, que le programme n’indique pas de qui sont les cadences choisies par l’interprète et, quand celui-ci ne parle pas, qu’il n’y ait pas un moyen d’afficher le titre des bis joués, le public n’étant pas forcément spécialiste de tout le répertoire pianistique.
La première symphonie de Schubert n’est pas des plus jouées. Ecrite par un adolescent de 16 ans, elle ne manque cependant pas d’intérêt. Elle s’adresse à un orchestre où les vents sont par deux, sauf la flûte, qui est seule. L’œuvre, bien ficelée, annonce déjà le grand symphoniste à venir. D’allure vive et légère, pleine de fougue juvénile, elle respire la joie de vivre et c’est bien ainsi que l’ont rendue Arie Van Beck et ses musiciens. On y découvre un premier mouvement énergique, vif, expressif, aux contrastes bien appuyés, un andante dansant par lequel on se laisse bercer, un menuet doté d’un joli ländler central, et un final lui aussi vif, énergique, entraînant, dans lequel le chef a particulièrement mis en avant les trompettes, bien présentes, et qui laisse déjà deviner les divines longueurs schubertiennes à venir. Arie Van Beck, à la direction sobre, expressive dans sa gestuelle, sans baguette, mais aussi par les mouvements de son visage, et l’orchestre ont de toute évidence pris un réel plaisir à interpréter cette symphonie. Je m’amusais d‘ailleurs, dans le final, à observer ce plaisir exprimé par les deux contrebassistes qui me faisaient face. Sous les acclamations saluant cette belle interprétation, le chef, visiblement satisfait, félicita longuement ses musiciens, lesquels, dans un même mouvement de remerciement saluèrent à leur tour le public, clôturant ainsi une bien belle soirée.
B.D.
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