Auditorium du Parc, Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron, jeudi 20 juillet 2023, 20h (site officiel et notre présentation)
Orchestre de chambre de Paris
Lionel Bringuier, direction
Bertrand Chamayou, piano
- Mayer, Ouverture n° 2 en ré majeur. L. van Beethoven, concerto pour piano et orchestre n° 5. « L’Empereur ». L. van Beethoven, symphonie n° 4
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Dialogue d’une belle sensibilité entre piano talentueux et orchestre équilibré, dans une véritable complicité avec le chef
Il revenait donc à Lionel Bringuier, Bertrand Chamayou et l’Orchestre de Chambre de Paris d’ouvrir ce 43ème Festival International de piano de La Roque d’Anthéron. Beethoven était à l’honneur avec son 5ème concerto pour piano et sa 4ème symphonie. Je n’ai que rarement eu l’occasion d’assister à un concert de Lionel Bringuier, la dernière fois était en février 2006, avec l’Orchestre de Région Avignon-Provence, dans exactement… le même programme. Le pianiste, cette fois-là, était son frère Nicolas Bringuier, et la première œuvre donnée, l’ouverture de Coriolan, du même Beethoven, alors qu’il nous était donné, ce 20 juillet, de découvrir l’ouverture n° 2 d’un certain(e) E. Mayer. Il est de bon ton, aujourd’hui, de débuter les concerts par une œuvre courte, audible du public, d’un compositeur (ou compositrice) contemporain, ou bien du passé, mais oublié ou méconnu. Méconnue, E. Mayer l’est restée sans doute, pour une partie du public. Pas un seul mot sur elle dans le programme de soirée, qui ne nous donnait que l’initiale du prénom et 2 dates : 1812-1883. Il s’agissait bien d’Emilie Mayer, compositrice allemande, autrice notamment de 8 symphonies, d’un concerto pour piano, d’œuvres de musique de chambre et vocale. L’occasion nous avait été donnée, à Avignon, en mars 2022, d’entendre sa Faust Ouverture. Curieux ce silence à propos d’une compositrice lorsqu’on a un Orchestre de Chambre de Paris qui s’enorgueillit d’être le premier orchestre français réellement paritaire (mais aujourd’hui pas le seul) et à la veille d’une journée (25 juillet) consacrée aux « Regards de femmes » (voir aussi notre compte rendu).
Quoi qu’il en soit, l’Ouverture n° 2 d’Emilie Mayer a bien plu. D’une structure plutôt complexe, elle débute sur des mesures énergiques, vite calmées par les bois, puis se développera, enjouée et entraînante, introduisant des changements brusques, variant thèmes et atmosphères, alternant moments de douceur et moments plus vifs, tutti et soli instrumentaux, l’ensemble suggérant ainsi, sans équivoque, une ouverture qui exposerait les différents épisodes d’un opéra.
Bertrand Chamayou nous régale à chacune de ses venues à La Roque d’Anthéron (voir en 2022, et l’entretien de Classiqueenprovence à Avignon en 2017). J’ai encore en mémoire son fantastique récital de 2020 et à nouveau, il ne nous aura pas déçus. Il proposait cette fois, avec Lionel Bringuier et l’Orchestre de Chambre de Paris, le célèbre « Empereur ». L’interprétation qui nous en a été donnée, dans une soirée baignée du chant des cigales, a été de bonne tenue. Les interprètes ont su dégager l’énergie et l’émotion contenues dans l’œuvre, Chamayou maîtrisant parfaitement son jeu, affichant, selon les besoins, virtuosité, martialité, fougue, douceur, délicatesse, sachant faire ressortir les nuances, finesses et subtilités de sa partition. L’orchestre, bien équilibré, et le piano ont su dialoguer en véritables partenaires et une belle complicité entre le chef et le pianiste était évidente. On regrettera cependant un piano à la sonorité manquant un peu d’éclat, quelquefois couvert par l’orchestre, et, dans le premier mouvement, après le passage si doux et délicat au piano, une reprise orchestrale un peu trop hachée, surtout dans sa première apparition. On regrettera aussi des cors trop puissants et dominants dans leurs interventions. L’adagio, mené avec douceur, sorte de promenade rêveuse, a été un enchantement et l’allegro final nous a tous entraînés dans sa fougue.
Le public a exprimé toute sa satisfaction et Bertrand Chamayou lui a offert en bis le calme et la sérénité, la profonde méditation du mouvement lent de la sonate en do majeur Hob.XVI :50 de Joseph Haydn.
La 4ème symphonie, coincée entre les plus célèbres 3ème, 5ème, 6ème, 7ème, est sans doute la moins connue et la moins jouée des symphonies de Beethoven. Issue d’une période heureuse, plus divertissante et enjouée, moins marquée par le poids des passions, elle ne manque pourtant pas d’intérêt et de charmes. Lionel Bringuier et l’Orchestre de Chambre de Paris nous en ont donné une belle interprétation, respectant dynamique, nuances, enchaînements. Le deuxième mouvement, adagio, a permis de mettre en évidence les bois, surtout flûte, clarinettes et bassons, les hautbois restant plus discrets. Les cors ont encore parfois joué trop fort, mais ont parfaitement maîtrisé les notes finales du 3ème mouvement. Quant au 4ème, enflammé et empreint de joie de vivre, sous la direction d’un chef à la gestuelle simple et efficace, il aura entraîné le public vers une ovation finale plus importante, il faut l’avouer, que celle accordée au concerto.
Un bis était prévu, le scherzo du Songe d’une Nuit d’été, de Mendelssohn. Sautillant et féérique comme il se doit, il fut l’occasion de mettre en particulier en valeur les cordes et la flûtiste de l’orchestre, le public accordant à cette dernière de vifs applaudissements.
Je ne pourrai m’empêcher de déplorer de nouveaux codes de spectacle. Depuis le début de cette saison 2022-2023, où que l’on soit, le public a pris cette habitude inexplicable d’applaudir entre les mouvements, cassant ainsi l’atmosphère de l’œuvre. On n’y a pas échappé à La Roque ! Heureusement, dans le concerto, les 2ème et 3ème mouvements s’enchaînent !
B.D. Photos Pierre Morales
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