Lundi 29 juillet 2024, 20h et 22h, Château de Florans, Auditorium du Parc, La Roque d’Anthéron
Quatuor Modigliani. Rémi Geniet, piano. Frédéric Neuburger, piano
Nuit du piano : musique française. Maurice Ravel, Valses nobles et sentimentales (R. Geniet, piano). César Franck, Quintette pour piano et cordes, FWV7 (R. Geniet, Quatuor Modigliani). Maurice Ravel, Quatuor à cordes en fa majeur(Quatuor Modigliani). Gabriel Fauré, Quintette pour piano et cordes n° 2, op.115 (J-F. Neuberger, Quatuor Modigliani)
Voir notre présentation d’ensemble du 44e Festival de La Roque d’Anthéron
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Les Valses nobles et sentimentales furent d’abord écrites pour le piano en 1911. Ravel les orchestra l’année suivante. Le titre était choisi en hommage à Schubert, lui-même auteur vers 1823, de deux recueils, Valses nobles (D 969) et Valses sentimentales (D 779). Mais nous ne sommes plus là dans le romantisme, Ravel explore et travaille la valse en huit courtes pièces, huit approches variées. Le piano clair, expressif et délicat de Rémi Geniet nous en a rendu toute la poésie, la grâce et la noblesse, la dynamique, de la première, avec ses accords introductifs dissonants, jusqu’au final évanescent de la huitième, en passant par une deuxième, rêveuse et sentimentale, une troisième souriante, légère et aérienne, et les suivantes, lentes, ou rapides, parfois hésitantes et même introspectives. L’interprétation de l’artiste a su mettre en valeur ces pièces, d’un réel intérêt musical, mais sans doute moins connues que leur version orchestrale. Le public cependant ne lui accorda que de courts applaudissements, un sort, nous l’avons déjà dit, malheureusement réservé aux ouvertures de concert, considérées comme des « amuse-gueule » dans l’attente du plat principal.
Il s’agissait en l’occurrence du quintette de César Franck, que nous proposait le Quatuor Modigliani – que nous avions déjà entendu avec bonheur à l’Opéra Grand Avignon en janvier dernier et ici même en 2022 ; voir aussi notre entretien en 2016 – rejoint par Rémi Geniet. Considéré comme le premier grand quintette du répertoire français (1879), éclos bien après les grands germaniques, cette composition a eu ses détracteurs et ses admirateurs, mais se présente aujourd’hui comme une œuvre majeure et attachante, caractérisée par ses modulations, ses contrastes pianissimo / fortisssimo, traduction des émotions de Franck, ses tensions intérieures et passionnées, sa rythmique et ce thème obsessionnel et prenant qui parcourt ses trois mouvements. C’est donc un monument qu’attaquaient nos musiciens. Problème d’acoustique en cette chaude soirée ? L’attaque du premier mouvement ne sonna pas tout à fait réussie et la production sonore de l’ensemble sembla, pour ce mouvement, un peu écrasée et compacte. Mais la qualité des interprètes s’imposa, le deuxième mouvement, lento, con molto sentimento, nostalgique, voire plaintif, fut exposé tel qu’indiqué, avec beaucoup de délicatesse au piano et aux cordes, et un joli final. L’allegro enfin fut mené par un quintette complice, bien équilibré, qui sut en rendre, bien dosés, le caractère entraînant, les nuances, les élans fougueux, les crescendos passionnés.
Les applaudissements mérités du public saluèrent une interprétation appréciée, de la part de musiciens, pianiste et quatuor, à la hauteur de leur réputation.
La deuxième partie de la soirée voyait le retour de Maurice Ravel avec son quatuor à cordes en quatre mouvements, daté de 1903 et dédié à son professeur, Gabriel Fauré. Les Modigliani l’interprétèrent avec un franc succès, le public, incorrigible, applaudissant entre chaque mouvement. Ils surent dévoiler, par leur approche, par une interprétation parfaitement intelligible, la réelle beauté d’une œuvre que beaucoup peuvent hésiter à écouter. Ils exprimèrent avec sensibilité la douceur et le lyrisme du premier mouvement, la richesse sonore, avec ses pizzicati, un chant des cordes bien équilibré et coordonné, du deuxième, la retenue envoûtante, presque féérique, du troisième et la parfaite animation du dernier. Ce fut pratiquement une révélation pour un public conquis.
Le quintette de Fauré, créé en 1921, bien après le quatuor de son élève, en quatre mouvements lui aussi, clôturait le concert, Jean-Frédéric Neuburger rejoignant les Modigliani. Ce quintette, accueilli avec succès lors de sa création, est également considéré comme un chef d’œuvre de la musique de chambre française. Nos musiciens ont bien su lui rendre honneur, un premier mouvement allegro moderato, expressif, au souffle puissant, un second, scherzo allegro vivo où l’on se régala de la course des doigts sur le clavier et de celle des cordes, un andante serein et méditatif, peut-être un peu long, un allegro final bien construit et maîtrisé. L’interprétation fut particulièrement appréciée du public, qui le fit savoir par ses applaudissements. L’œuvre, de belle facture, est riche de couleurs, d’impressions, de paysages qui renvoient à un monde d’avant-guerre, procure un bon moment de plaisir, mais reste, à notre avis, par ses thèmes plus lisses, par son caractère, moins marquante, moins accrocheuse que les œuvres précédemment entendues.
Enfin, histoire de changer totalement d’ambiance, le bis qui nous fut offert fut le scherzo virtuose (furiant) du quintette n° 2, op. 81, de Dvorak, qui terminait une belle soirée avec ces artistes de talent, Rémi Geniet et Jean-Frédéric Neuburger, et les Modigliani.
B.D. Photo Gad Avignon
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