Musiques en fête lance l’été en célébrant l’amour
Voir aussi la présentation d’ensemble de l’édition 2022
Musique en fête, 12e édition. Chorégies. Théâtre antique d’Orange, lundi 20 juin 2022, 21h10, en direct sur France3 et France-Musique. Puis en replay.
Direction musicale, Luciano Acocella & Didier Benetti
Orchestre national de Cannes
Chœur de l’Opéra de Monte Carlo & Chœur de Parme. Coordination, Stefano Visconti
Maîtrise des Bouches-du-Rhône, direction Samuel Coquard
Participation de Pop the Opera. Conception, Jean-Marie Leau & Jean-Louis Grinda
Présentation, Judith Chaine & Cyril Féraud
Production, France3, Culturebox, France-Musique, Morgane Production, Chorégies d’Orange
Tout à la fois première grande fête populaire de l’été et bouquet des plus beaux airs lyriques, danses et comédies musicales, Musiques en fête depuis 2011 invite aussi sur la mythique scène du théâtre antique d’Orange les artistes qui feront vibrer la suite des Chorégies, dont chacun sait qu’elles sont le plus ancien festival lyrique du monde (153 ans)…
La date du 20 juin signe l’entrée dans les festivals d’été. A Orange, c’est le bonheur retrouvé avec le retour de MEF en édition presque normale (nous sommes les seuls masqués). La fébrilité du public contraste avec l’activité déployée sur et autour de la scène, précise, efficace, professionnelle, l’excellence des équipes de France-Télévisions, un service public de très grande classe. Des petites mains de l’ombre sans lesquelles la lumière du spectacle ne pourrait briller.
Si leurs noms ne figurent pas au générique, s’ils ne sont pas constellés d’étoiles et paillettes, on ne peut s’empêcher de penser à eux tout au long du spectacle : quand les téléspectateurs accueillent dans leur salon les gros plans sur tel ténor ou harpiste, le public des gradins, lui, voit virevolter les caméras-épaule sur la scène au plus près des chanteurs ou des musiciens, ou virer au-dessus de sa tête pour les plans d’ensemble les immenses bras articulés des caméras mobiles… Une pensée pour les nettoyeurs, chiffons ou aspirateurs, pour les secouristes – qui n’interviendront ce soir que pour 2 ou 3 malaises légers -, pour le photographe Philippe Gromelle, pour la script qui règle à la seconde près les entrées et sorties sur scène et n’a pas droit à l’erreur dans le direct…
Scène impeccable, éclairages réglés, le chauffeur de salle peut arriver ; il est censé faire monter la température ; une tâche dont l’utilité n’apparaît pas comme indispensable en Provence l’été !…
« C’est l’amour qui flotte dans l’air à la ronde… » C’est l’un des premiers refrains (des Saltimbanques, de Louis Ganne, 1899) que le public sera invité à chanter avec Marc Scoffoni et Alexandra Marcellier (qui fait ses débuts sur la scène du théâtre antique), à l’heure où les martinets bavards envahissent le ciel et où la nuit descend doucement sur les gradins tout récemment refaits et sur les presque 8.000 spectateurs, après 2 jauges réduites à 3.000 pendant la pandémie. Avec ce thème de l’amour choisi pour cette année – rien moins original mais inévitablement fédérateur -, il flotte en effet dans l’air d’Orange en ce soir d’été, après la chaleur écrasante des jours précédents, quelque chose d’impalpable, qui donne aux voix et aux instruments cette légèreté lumineuse, et à la soirée cette quasi-perfection que chacun soulignera dans l’après-concert. Pourtant, l’alchimie est délicate entre la continuité d’une recette qui a fait ses preuves et le nécessaire renouvellement pour cette 12e édition de Musiques en Fêtes, traditionnellement fixé au 20 juin, pour éviter le télescopage avec la Fête de la Musique, antérieure de presque 30 ans. C’était initialement un pari un peu fou, que ce « prime time » musical d’excellence destiné au public le plus large, et ce devait alors être une édition unique. Onze ans plus tard, l’émission existe toujours, l’audience se maintient, au public des débuts se sont ajoutées des générations plus jeunes, et la qualité de MEF, devenu un rendez-vous attendu, assure la pérennisation de cette recette gagnante.
Pascale Dopouridis et Alain Duault préparent déjà l’édition 2023. Leur plateau 2022 est d’une parfaite homogénéité, et d’une qualité irréprochable. Appuyé sur des artistes fidèles d’entre les fidèles, conforté par les arrivées successives, et accueillant toujours de nouveaux talents…
Parmi les valeurs sûres, ceux qui ont couru le risque des premières éditions sous la houlette de Raymond Duffaut, alors directeur des Chorégies auquel un hommage amical est toujours rendu en cours de soirée ; ceux-là même qui ont constitué « la troupe de Musiques en Fête » ; parmi eux figurent au tout premier plan les deux chefs, le chaleureux Luciano Acocella – veste noire – pour les pièces lyriques, et le pétulant Didier Benetti – veste blanche -, lui-même jazzman émérite, pour la variété et l’opérette, qui se passent la baguette – virtuelle – tout au long de la soirée.
Et les voix qu’on attend toujours avec une amicale impatience, comme la délicieuse Patrizia Ciofi qui demeure une Traviata de référence, toujours bouleversante – et qu’on a vue quatre jours plus tôt à Avignon -, et le solaire Florian Laconi – pourtant venu des brumes lotharingiennes -, que Cyril Féraud, co-présentateur avec Judith Chaine, n’hésite pas à nommer – d’après un prompteur lui aussi écrit à la virgule près – « le plus pop des chanteurs d’opéra » ; il est vrai que, par ailleurs, avec sa tournée burlesque et rock « Opéralocos » il dépoussière allègrement le genre !
Parmi ceux qui sont montés dans le train en marche, au fil des années : les Pop the Opera encadrés par Jean-Marie Leau (ainsi que les divers enseignants dans les classes, dont Thibault Plantevin), collégiens et lycéens du Vaucluse dont l’engagement se conforte au fil des années dans l’exigence, et qui, avec leur fraîcheur et leur jeunesse, se sont attiré un sacré capital de sympathie. Tout comme les jeunes voix de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône fondée en 1994 par Samuel Coquard, « une des meilleures de France ». Quelques belles personnalités lyriques ont aussi renforcé l’équipe première, comme le ténor Kévin Amiel dont la voix s’arrondit et qui mène une jolie carrière raisonnée, ou le baryton Jérôme Boutillier au timbre solide et charnu – qui, pour la petite histoire, avait déboulé (en 2019 ?) sur la scène de Gordes aux Saisons de la Voix, à moto avec le ténor Julien Dran comme passager (effet garanti !) !… Et l’on retrouve – et retrouvera encore bientôt dans l’Elisir (Adina) – la magnifique Pretty Yende dans un martial « Salut à la France » de la Fille du régiment….
A leurs côtés, faisaient leurs débuts ce soir sur cette scène : Philippe Jaroussky (Orfeo e Euridice) – qu’on verra à Gordes cet été le 24 août et que nous avons plusieurs fois chroniqué et interviewé -, Renaud Capuçon – accueilli à Avignon par Musique Baroque en décembre dernier – et qui a enthousiasmé le public en solo dans un extrait du Parrain de Nino Rota puis dans le double concerto de Brahms avec le violoncelliste Edgar Moreau, lui aussi nouveau venu, et toujours avec l’Orchestre National de Cannes, lui-même accompagné du chœur de Monte Carlo selon le répertoire.
Si la musique concertante a ainsi fait son entrée à MEF, une autre rareté était le mariage de l’accordéon (Félicien Brut) et du symphonique, avec danseurs-acrobates et danseuses aux talons vertigineux. Nouveau également le clarinettiste virtuose Pierre Génisson, plusieurs fois invité aux Musicales du Luberon notamment. On a découvert aussi la famille des Keltica Dancers, huit danseuses – dont la benjamine de 11 ans, bluffante d’assurance et de grâce -, avec joueurs de cornemuse et de caisse claire, tous habitués du Festival interceltique de Lorient. Nouvelle également Eugénie Joneau, lauréate du concours Jeunes espoirs Raymond Duffaut d’Avignon d’octobre 2021, et nommée aux Victoires 2022.
Et une pléiade de talents qui, même déjà venus, ont révélé ce soir des qualités toutes particulières : la voix chaude du baryton aixois Marc Scoffoni, dans plusieurs duos de charme et de talent, avec Faustine de Monès aux aigus triomphants, avec Erminie Blondel au timbre lumineux et souple – qui, avec Marcelo Puente sera ovationnée aussi dans La Bohème ; Héloïse Mas (Habanera de Carmen) et Chloé Chaume… Solos, duos, trios, et même un quatuor se succèderont au long de la soirée, et, si la variété était assurée par le dandy Alain Chamfort, l’absence d’humoriste, elle, a été à peine remarquée.
Le programme comportait Bizet, Donizetti, Gluck (une nouveauté), Puccini, Verdi, Lehar, Massenet, Rossini, mais aussi Jean Ferrat ou Vangelis (1492, Christophe Colomb)… ou même Queen, chanté par Florian Laconi avec les 250 Pop the Opera… Et les grands standards : Carmen en ouverture, « Libiamo » en clôture (Traviata), les tubes « Nessun dorma » (Turandot), « Va, pensiero » (Nabucco), le « Duo des chats » du facétieux Rossini, et le florilège des 3 ténors (dont Funiculi Funicula).
Souliers vernis, smoking pour certains, robes de soirée, jeu savant habillé/déshabillé qu’une brise coquine soulève indiscrètement, paillettes, robes scintillantes…. tout cela participe aussi à l’élégance de la soirée. Charme, talent, succès populaire, et un véritable enthousiasme partagé, l’été commence sous d’heureux auspices… même si, le jour même de Musiques en Fête – lendemain du 2nd tour des législatives ! -, la perspective du retour du masque semblait se dessiner…
G.ad.
La suite des Chorégies (site officiel)
- Le 7 juillet, concert symphonique avec Myung-Whun Chung et Pierre-Laurent Aimard ;
- Le 8 juillet, L’Elisir d’amore de Donizetti, avec René Barbera & Pretty Yende ;
- le 14 juillet, la Missa solemnis de Beethoven ;
- Le 18 juillet, Giselle d’Adolphe Adam par le Ballet du Capitole de Toulouse ;
- Le 20 juillet, la Nuit italienne avec la Scala de Milan ;
- Le 30 juillet, Les lumières de la ville de Charlie Chaplin ;
- Le 5 août, La symphonie du nouveau monde de Dvorak ;
- Le 6 août, La Gioconda de Ponchielli
G.ad.
JM.B. dit
SPLENDIIIIIDE!!!!!
Merci!
Encore!!!
Classique dit
Merci pour votre message. Nous partageons votre enthousiasme pour la production annuelle de MEF, excellente vitrine « grand public » de la musique sous (presque) toutes ses formes.
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Cordialement.