Voir aussi le compte rendu de l’assemblée générale du 23 avril 2025
Raymond Duffaut aura marqué la vie lyrique, et plus largement musicale, pendant plus d’un demi-siècle, comme en témoignent le concert exceptionnel des Olympiades, 50 ans d’opéra donné au théâtre des Terrasses de Gordes l’été dernier – et dont la captation sera projetée in situ le 22 juin 2025 – et l’opus 70 ans d’histoire(s) d’opéra (2024) consacrant une carrière hors norme dans l’univers artistique.
Celui que ses parents destinaient à la comptabilité, mais qui s’est glissé dès son plus jeune âge dans les coulisses de l’Opéra-Théâtre d’Avignon, a connu et/ou dirigé toutes les grandes institutions nationales (opéras d’Avignon, Massy, Vichy ; Chorégies d’Orange en partenariat avec les festivals de Baalbek ou Savonlinna ; Centre Français de Promotion lyrique, CFPL ; Centre National d’Insertion et de Promotion Lyrique, CNIPAL), des associations marquantes sur le territoire (les Saisons de la Voix de Gordes ; Musique Baroque en Avignon, MBA), et a présidé de nombreux concours internationaux (Arles, Avignon, Marmande…), sans oublier quelques autres événements comme le Festival lyrique de Carpentras. Une carrière absolument unique, grâce à de nombreuses fées penchées sur son berceau ; elles lui ont ainsi distillé une sensibilité artistique plurielle, une oreille exceptionnelle, un talent de découvreur, une faculté de projection dans le temps, mais aussi une exigence et une rigueur faisant autorité, et une maîtrise des chiffres autant que des mots et des notes… C’est presque trop pour un seul homme !
Amené à quitter successivement toutes ces structures qu’il a élevées à un niveau d’excellence inégalé, il regarde souvent avec inquiétude l’évolution générale de la vie culturelle, sans se permettre pour autant d’intrusion auprès de ses successeurs.
Annonçant son prochain départ de MBA, il a tiré, lors de l’assemblée générale du 23 avril 2025, un bilan de saison qui sonnait comme le pré-bilan d’un mandat de 20 riches années. Et presque comme un écho du bilan de septennat qu’il avait présenté en février 2024 aux Saisons de la Voix.
« C’est à plusieurs « coups de cœur » qu’étaient consacrés les premiers concerts de cette programmation 24-25. Avec, tout d’abord, l’audition, pour la première fois à Avignon, de la jeune flûtiste (à bec) Lucie Horsch, étoile montant de son instrument, qui a démontré en dépit de son très jeune âge une musicalité et une sensibilité rares, à travers un joli programme de « fantaisies musicales », remarquablement accompagné par l’un de nos meilleurs clavecinistes, Bertrand Cuiller. Tous deux très applaudis par un public qui remplissait l’Auditorium du Conservatoire jusqu’à son faîte.
Avec, le mois suivant, toujours en première à Avignon, une mezzo-contralto réclamée aujourd’hui sur les plus grandes scènes internationales, Lucile Richardot, qui a démontré, à travers un programme consacré aux grandes « magiciennes baroques », l’étendue exceptionnelle d’une voix rare conjuguée à une présence dramatique envoûtante, et ce avec la complicité du claveciniste Jean-Luc Ho, autre claveciniste de talent. Ici encore, un public enthousiaste dans un théâtre du Chien qui fume qui nous accueillait pour la première fois et dont la salle était là encore pleine.
Avec, ensuite, la venue en soliste de la harpiste « baroque » Marie-Domitille Murez, que nous avions particulièrement appréciée la saison précédente au sein de l’ensemble I Gemelli, et à laquelle j’ai eu très envie de confier un récital qui a une nouvelle fois démontré l’extrême musicalité mais aussi la grande virtuosité de l’artiste. Récital qui nous a permis de mobiliser tout particulièrement les adhérents de l’association et de sensibiliser quelques collégiens et lycéens, dans le cadre d’une large politique de sensibilisation des jeunes que souhaite conduire Musique Baroque en Avig
Coup de cœur, encore, avec le concert suivant, donné en décentralisation à Caumont-sur-Durance, où était invité un jeune contre-ténor, Paul-Antoine Bénos Djian, certainement le plus prometteur de la nouvelle génération, dans la lignée des Jaroussky, Orlinski ou encore Fagioli, très bien accompagné par l’ensemble Alia Mens et Olivier Spilmont. Gros succès artistique, une nouvelle fois, devant un public qu’on eût en revanche souhaité plus nombreux.
Mais les deux grands évènements de ce semestre étaient :
- la présence très attendue du violoncelliste Gautier Capuçon et du pianiste Frank Braley, qui ont démontré dans l’Auditorium Jean-Moulin au Thor que leur immense réputation était loin d’être usurpée avec trois Beethoven, magnifiques (ils viennent d’enregistrer l’intégrale des sonates, unanimement saluée), après un Bach introductif et inspiré. Salle pleine et debout, obtenant trois bis…
l’audition, pour la première fois depuis 60 ans (I), de l’intégrale des six Concertos Brandebourgeois de Bach, avec, pour la première fois aussi, la collaboration de l’Orchestre national Avignon Provence, dans une musique qui ne lui est pas habituelle et qu’il a faite sienne grâce à la talentueuse complicité de Kenneth Weiss, dont on sait le talent de claveciniste, mais qui a su faire corps avec les musiciens, avec les soli inspirés de la flûtiste et du trompettiste, nouvellement recrutés. Concert qui s’est déroulé devant un public relativement nombreux dans la magnifique salle de La Scala-Provence.
L’année 24 se poursuit avec le premier concert de notre nouvelle saison 24/25 consacré à l’audition, en création en France, de la Giuditta, dite de Cambridge, d’Alessandro Scarlatti, dont, seuls, des extraits avaient pu être donnés à Nice. Une œuvre d’une très grande intensité, d’une grande profondeur, dans une expression très intimiste, magnifiquement interprétée par les musiciens du Centre de Musique Ancienne Ghislieri de Pavie, l’un des grands ensembles italiens, qu’a dirigé avec intériorité et musicalité l’excellent Giulio Prandi qui en est le directeur artistique. Ce concert qui affichait également trois solistes dont émergeait indiscutablement le contré-ténor Filippo Mineccia, encore peu connu en France, mais habitué des grandes scènes italiennes dont la Scala de Milan. Ce concert, qui a bénéficié d’une très grande qualité d’écoute et obtenu un succès mérité, était donné dans le cadre de la 8e semaine italienne d’Avignon, en co-réalisation avec l’Opéra Grand Avignon, et avec la collaboration toujours appréciable du Consulat général d’Italie à Marseille et de Petit-Palais Diffusion.
Suivait un concert consacré à un jeune contre-ténor que je suis avec intérêt depuis ses débuts – il a été notamment l’un des lauréats du Concours d’Avignon Jeunes Espoirs Raymond Duffaut, concert prévu au départ à la salle des préludes de l’Opéra et qui a dû être déplacé à l’Amphithéâtre Mozart du Conservatoire devant un public qui emplissait la salle jusqu’à son faîte. Et, à travers un programme très intelligemment construit dans une opposition entre Haëndel et Farinelli, Léopold Gilloots Laforge a démontré des progrès assez spectaculaires qui le hissent désormais au niveau des contre-ténors sur lesquels il faut compter : grâce à une très belle musicalité, un style recherché, et une voix dont on a apprécié la richesse du timbre, la rondeur et la projection. Il ne pouvait choisir meilleur partenaire que l’excellent pianiste Paul Montag, qui a fait apprécier ses qualités tant dans l’accompagnement attentif du soliste que dans trois Sonates de Scarlatti, finement et vélocement jouées.
Et cette année 2025 s’est terminée par l’audition très attendue d’une jeune violiste, Salomé Gasselin, qui fut en février 24 Victoire de la Musique en qualité de révélation instrumentale de l’année et qui, avec beaucoup de délicatesse et de subtilité, a su mettre en exergue des œuvres de Marais, Forqueray et Sainte-Colombe autour de l’axe central qui était Bach. Concert donné devant un public une nouvelle fois nombreux sur la scène du Chêne Noir avec lequel nous étions en co-réalisation.
Et soulignons que ce récital sera redonné le 20 Mai prochain dans le cadre de la célèbre Académie Chigiana de Sienne, sous le label d’« Avignon, Terre de Culture 25 », concert qui saura mettre en valeur l’action que mène inlassablement Musique Baroque en Avignon.
Ce bilan démontre une nouvelle fois l’ambition que porte Musique Baroque en Avignon dans la qualité toujours recherchée des concerts et la découverte de nouveaux interprètes !
Grâce à la mobilisation de ses bénévoles, celle, jamais démentie, de nos partenaires institutionnels (ville, Département, Région, Grand Avignon) et de nos partenaires artistiques : un grand merci à tous ! » (Fait à Avignon le 2 février 2025, Raymond Duffaut, Conseiller artistique de MBA).
Quant au rapport financier, qu’il présente sous forme de tableaux commentés, Raymond Duffaut y attache toujours la même importance, comme lorsque, chaque année, il présentait à la presse le bilan artistique et financier des Chorégies dès le mois de septembre ou octobre, quelques semaines à peine après la fin de l’événement.
Pour MBA donc…
« Si l’on examine tout d’abord le volet Recettes, on constate un montant de billetterie de 41.065€ pour une prévision de 47.520€, le différentiel s’expliquant par une moins-value sur les concerts Capuçon et la Giuditta (2.600€ pour le premier, 4.300€ pour le second). Pour ce qui est des recettes diverses, nous avons encaissé 1.380€ d’adhésions, une légère diminution en raison d’un nombre moindre d’adhérents sur 2024. Et 3.250€ de partenariat pour une prévision de 2.000€ (Consulat Général d’Italie + Petit-Palais Diffusion). Ce qui nous donne un total de recettes propres de 46.087€, compte étant tenu des revenus du livret.
Côté subventions, exécution parfaitement conforme à la prévision, avec un montant de 38.400€.
Ce qui nous permet d’enregistrer un total de recettes de 84.487€ et, de fait, un taux d’autofinancement de 55% qu’on peut estimer comme particulièrement remarquable pour une association telle que la nôtre.
Pour ce qui est du volet Dépenses, le montant des dépenses structurelles s’élève à 16.987€ pour une prévision de 17.450€, ce qui en démontre l’excellente maîtrise. Pour les dépenses production, c’est-à-dire concerts, nous obtenons un montant de 80.525€ pour une prévision de 80.500€ : je pense qu’on peut en conclure que ce volet « production » a été prévu avec une très grande minutie ! Ce qui conduit à un total de dépenses exécutées de 97.512€ pour une prévision de… 97.950€ !
Le résultat net de l’exercice est donc d’un montant déficitaire de 12.125€, alors qu’il avait été voté à hauteur de 8.430€ – le montant devant être compensé par l’affectation d’une quote-part du fonds de roulement -, soit un différentiel de quelque 3.700€, notamment représentés par la moins-value constatée sur la billetterie des concerts.
Ce qui nous conduit à un fonds de roulement positif au 31 décembre 2024 de 9.760€, certes en diminution par rapport à 2024, mais qui témoigne néanmoins de la situation saine de notre association. » (Fait à Avignon, le 10 mars 2025)
G.ad.
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