Dimanche 3 mars 2024, 17h00, durée 1h15, Auditorium de la Collection Lambert, Avignon. Dans le cadre de la saison de Musique Baroque en Avignon (site officiel)
Marie-Domitille Murez, harpe triple
Giovanni Maria Trabaci, Toccata Seconda et Ligature per l’Arpa. Alessandro Piccinini, Ciaccona mariona alla vera spagnola. Giovanni Maria Trabaci, Ancidetemi pur per l’Arpa, sur un madrigal d’Archadelt. Girolamo Frescobaldi, Toccata prima ; Folia et Se l’Aura spira tutta vezzosa. Luzzascho Luzzaschi, Fantasia a quattro sopra Ave Maris stella. Girolamo Frescobaldi, Cento Partite sopra Passacagli. Alessandro Piccinini, Toccata. Luzzascho Luzzaschi, Aura Soave. Luzzascho Luzzaschi, Toccata del quarto tono. Luigi Rossi, Passacaille. Giovanni de Macque, Seconda Stravaganza. Ascanio Maione, Recercar sopra il canto di costanzio Festa, et per sonar all’Arpa.. Alessandro Piccinini, Sarabande. Girolamo Frescobaldi, Ancidetemi pur d’Archadelt
En co-réalisation avec l’Opéra Grand Avignon
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C’est un instrument fascinant, pour l’œil et pour l’oreille, qui jouera le 3 mars dans le cadre feutré de l’auditorium Lambert, grâce à Musique Baroque en Avignon : une harpe triple, qui requiert des doigts fins et agiles pour se glisser entre les 2 rangées extérieures de cordes et ciseler sur la rangée centrale les altérations (dièses, bémols, bécarres). Celle que l’on entendra doit son originalité au luthier Simon Capp, qui a su marier, pour une interprète de choix, tradition et modernité. Les doigts délicats seront ceux de Marie-Domitille Murez, une étoile montante, qui a choisi un fin programme de baroque italien, notamment celui des charmantes « dames de Ferrare » ; ces musiciennes de haut vol, chanteuses de talent, ont cultivé le secret dans des concerts pour princes et pour public choisi dans l’Italie du Quattrocento. Ce répertoire renaîtra pour le public d’Avignon…
-Dimanche 3 mars, 17h, durée 1h15, auditorium de la collection Lambert, Avignon. Tarifs : de 5€ à 20€. Réservation sur www.operagrandavignon.fr, ou 04 90 14 26 40, ou au guichet le jour du concert (dans la limite des places disponibles).
G.ad.
La fabrique du fantasme (d’après Mathilde Etienne)
Depuis les Médicis du Quattrocento, la puissance politique européenne s’est exprimée par le mécénat artistique et ses grandes manifestations publiques voire ostentatoires. A la cour de Ferrare au contraire, le duc Alphonse d’Este crée le désir… par le secret : un concert hebdomadaire pour un public choisi, dont aucune note n’est écrite, et dont rien ne doit filtrer. Ainsi naît le « mythe » des Dames de Ferrare, cultivées, chanteuses, danseuses, musiciennes, qui excellaient en tout.
Mais le secret sera vite récupéré, et exploité, à Florence par le trio Caccini, à Rome chez les Orsini, à Mantoue chez les Gonzague où s’illustrera Monteverdi.
Sous l’étiquette des « dames de Ferrare », porteuse de tous les fantasmes, les dames se succèdent, différentes, mais avec pour chacune un instrument dédié : épinette, luth, viole.
Quant à la harpe de Laura, instrument noble d’Orphée ou du roi David, on n’en sait que peu de choses, tout comme de Laura elle-même, icône dès le XVIe siècle, jusqu’à son mariage qui signa la fin de sa carrière artistique – d’elle, pas un portrait, pas une note écrite -, et jusqu’au rattachement de Ferrare aux Etats pontificaux. C’est à cette Laura mystérieuse que Marie-Domitille a voulu rendre hommage en donnant son prénom comme titre à l’album paru en 2022.
Une forêt de symboles (d’après Mathilde Etienne)
L’Italie de la Renaissance se promène dans une forêt de symboles, une sorte d’Arcadie mythique nourrie du Tasse et de Guarini. Et dans cet « hortus musicalis », la harpe tient une place majeure.
Depuis ses débuts en Espagne, elle a atteint Naples. Et les frontières sont poreuses, comme en témoigne Giovanni di Macque, maître de chapelle franco-flamand pour le vice-roi de Naples, et dont Gesualdo, un de ses proches, épousera – justement – une demoiselle de Ferrare !
La fin du XVIe siècle verra l’apogée de la polyphonie, avec madrigaux à 5 voix, ou pièces raffinées de Luzzaschi. Avec accompagnement de la harpe, qui marie clavier et luth, le chant soliste prend un essor particulier, tant dans le texte que dans la musique. Et bientôt, les successeurs de Macque, les harpistes Ascanio Mayone et Antonio Trabaci illustrent toute l’extravagance brillante de l’école napolitaine.
Le passage du XVIe au XVIIe siècle génèrera ensuite une incroyable variété de styles : « la liberté de la toccata, l’intensité intellectuelle du ricercar, la richesse infinie des variations, les stravaganze et fantasie débridées, issues de l’improvisation ».
Et le rayonnement de Ferrare se prolongera à Mantoue, où Francesco Rasi chantera l’Orfeo de Monteverdi, avec son beau solo de harpe ; à Naples, où Falconieri maintient la tradition harpiste, et à Rome, où Frescobaldi fait fleurir l’art hérité de son maître Luzzaschi.
La harpe triple (d’après Marie-Domitille Murez)
Depuis qu’Apollon l’aurait conçue en ajoutant des cordes à l’arc de Diane, la harpe fascine les yeux comme les oreilles, d’autant que son origine historique demeure mystérieuse.
Avant la harpe triple, l’Espagne a connu au XVIe siècle une « arpa a dos ordenes », avec un rang de cordes diatonique à droite et un rang de cordes chromatique à gauche de la console.
La harpe triple pour sa part permet des subtilités nouvelles.
« Si l’accord de base peut varier en fonction du répertoire, l’accord des rangées extérieures se fait en parallèle à l’identique avec la gamme diatonique, do-ré-mi-fa-sol-la-si. La rangée intérieure permet de jouer les altérations le plus fines, comme la différence entre Ré# et Mi B, ou entre La# et Si B ».
La harpe de Marie-Domitille Murez
L’instrument de Marie-Domitille Murez est le résultat d’une « collaboration passionnante » avec le luthier Simon Capp, qui a su « adapter [la] dimension historique aux contraintes du monde actuel » ; et, à l’image du foisonnement baroque, il est symboliquement orné d’un lierre, « image de l’amitié éternelle, attachement, constance et immortalité ».
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